Quand on dort relativement mal la nuit, on a tendance à vouloir rattraper du temps de sommeil n'importe où et n'importe quand. Et c'était justement le cas de Jackson ces temps-ci. Parce qu'étrangement, il avait bien du mal à dormir plus de trois heures par nuit. Vraiment, ça commençait à devenir agaçant à force. Voilà pourquoi le grand blond était forcé de se poser sur l'une des chaises qui se trouvaient sur la terrasse cet après midi. Bah oui, il s'était dit que - peut être - il parviendrait à dormir quelques temps, ne serait-ce que pour se débarrasser de la migraine qu'il avait chopé à force de faire des nuits incomplètes. Ainsi donc, il s'était assis tranquillement et avait fermé les yeux. Le calme se faisait total. On entendait à peine les oiseaux chanter. Bref, le cadre semblait parfait. Mais alors que Jackson pensait pouvoir rester tranquille, il entendit très vite des pas se rapprocher. En fait, c'était ça son principal problème. Il avait l'ouïe très fine. Au point qu'il pouvait être capable d'entendre une mouche volée à deux kilomètres, ou presque. Bref, il avait très vite notée la présence de quelqu'un sur cette terrasse. Une présence qui le dérangeait déjà, à vrai dire. Alors, plutôt que d'ouvrir les yeux et ainsi renoncer définitivement au sommeil dont il avait tant besoin, Jackson les garda fermés. « Qui que tu sois, casse-toi » grogna-t-il soudainement. Qu'on se le dise, la terrasse lui était réservée pour l'après midi. Et ouais, c'était comme ça. Y'avait donc pas moyen de partager avec qui que ce soit. Surtout pas avec l'un des attardés qui lui servaient de camarades. Non, vraiment pas. Alors oust, du balais.

« Qui que tu sois, casse-toi » furent les premiers mots que j'entendis en arrivant sur la terrasse. Je détournais aussi tôt la tête, suivant la voix pour apercevoir Jackson assis et les yeux fermés. Il fait quoi lui ? Parce qu'il y a quand même des endroits conçus pour dormir et faire la sieste. Jamais je n'aurais eu dans l'idée de venir faire une sieste ici. Moi si j'y étais venue, c'était simplement pour la vue dont je ne me lassais jamais. J'aimais sentir une brise d'air sur mon visage et me savoir protégée de tout. « Charmant comme accueil, je n'en attendais pas moins de ta part. » Il était inutile de précisé que celui-ci s'était toujours montré d'humeur massacrante. L'avais-je seulement vu sourire une seule fois ? Je ne pense pas. Aimait-il seulement un candidat au sein de ce jeu? J'en savais rien. Enfin, il avait sans doute une bonne explication quant à sa participation à un jeu qui ne semble guère lui convenir. « Mais je partirais pas. » Voilà, c'était dit. J'étais venue ici et j'avais jusqu'à preuve du contraire tous les droits d'y rester. Ce n'était pas encore son domaine privé à ce que je sache, alors il pouvait bien partager un peu. Et puis, si il le voulait vraiment, je ne lui parlerai pas, ne le regarderais pas et ferait le moins de bruits possibles en respirant. J'suis quand même vachement conciliante quand on y pense. « Tu ferais bien de manger un clown un jour, parce qu'avec la gueule que tu tires en permanence, on pourrait penser que t'es constipé. » Avais-je alors lâché comme si c'était une fatalité de la vie. J'haussais les épaules et décidais d'aller moi aussi m'asseoir sur l'une des chaises. « Enfin, je dis ça c'est pour toi hein. » Enfin, moi j'en avais rien à foutre si il avait l'air constipé en permanence. Mais ça devait pas être facile à vivre tous les jours.

Bon d'accord, ce ne fut pas un accueil très chaleureux que Jackson réserva à Céleste. Mais pour sa défense, il tentait jusqu'ici de se reposer. Puisque la nuit ne semblait pas décidée à le lui permettre, il fallait bien qu'il s'arrange autrement, notamment sur cette terrasse et pendant la journée. De toute manière, il était encore libre de faire ce qu'il voulait, non ? Bref. Sa camarade ne tarda pas à commenter l'accueil qui avait été celui du grand blond. Elle ne semblait pas plus surprise que cela. En même temps, c'était Jackson. Alors, niveau accueil, on ne pouvait guère espérer d'avantage de lui. Qu'il n'ait pas dégainée sa kalachnikov était déjà pas mal. « Charmant, c'est le mot. » Ironique, encore et toujours. Mais alors que Jackson espérait secrètement que la petite intruse repartirait aussi vite qu'elle était arrivée, ce ne fut pas le cas. Et même, elle lui annonça qu'elle resterait. Ah, voilà qui était pour le moins problématique. Parce que figurez-vous que Jackson n'avait pas la moindre envie qu'elle reste, justement. Il poussa alors un lourd soupire, témoignant de son agacement naissant. Oui, il en fallait toujours peu pour l'agacer. Lorsque Céleste reprit la parole, Jackson se décida finalement à ouvrir les yeux. « Pas sûr que ça soit très digeste. Du coup, je finirai tout aussi constipé au final. » Non, ça n'était pas un trait d'humour. Il ne souriait pas, et riait encore moins. Il s'était contenté de hausser légèrement les épaules. Elle disait cela pour lui ? Oh, elle était mignonne. « Okay, et ça donne quoi si t'essayes de ne plus rien dire du tout ? » La mettre en sourdine était-ce une chose qu'elle était en mesure de faire ? C'est ce qu'il osait en tout cas espérer.

Dans un jeu comme celui-ci, un jeu où l'esprit de groupe est présent à chaque moment, je me demande comment l'on pouvait agir comme il le faisait. Ne s'attachait-il à aucun de nous ou bien jouait-il un jeu particulièrement chiant ? J'avais du mal à le cerner, du mal à savoir si sa façon d'agir était sincère. Je préférais souvent pensé que non. Me dire qu'il se protégeait de quelque chose, se protégeait de l'attachement pour ne pas souffrir. C'était la théorie qui me plaisait le plus. Dans le monde de Céleste, les gens sont des bisounours. Dans mon monde, Jackson nous expliquerait pourquoi il agit de la sorte. Quoi qu'il en soit, je ne bougerai pas mes fesses de cette chaise. Si il voulait que je garde le silence absolue, ce serait le cas. Mais hors de question que je déménage dans une autre pièce sous prétexte que cela ne plaie pas à Monsieur le blond tout puissant. Je lui avais sincèrement proposer de bouffer un clown, pensant que cela l'aiderait à être moins crispé qu'en ce moment. Moins crispé qu'à tout moment en fait mais je voyais bien que mon idée ne lui plaisait pas, celui prétextant que cela pourrait être indigeste. Je soufflais bruyamment, replaçant l'une de mes mèches de cheveux tout en levant les yeux au ciel. J'suis multifonction, comme toutes les filles. Celui-ci me proposa alors de ne rien dire du tout ... En fait, je l'aurais fait de moi-même. Je me serais tue et ne lui aurait plus adresser un mot. Mais le fait qu'il me le propose de la sorte me vexait, alors non, je n'allais pas rester silencieuse. Il rêvait. « Qu'est-ce qu'on t'a fais pour que tu sois si antipathique ? Ta mère a essayer de te noyer à la naissance ou quoi? » Ce mec avait-il un minimum de vie sociale ? Pour moi dans la vie, ce qui compte le plus c'est mes amis et ma famille, mais visiblement, ce n'est pas son cas.

Oui, Jackson était un profond emmerdeur, un connard comme on en voit peu, un type exécrable du début à la fin. Il n'en avait pas honte, il le vivait même bien. Toutes les personnes qu'il avait pu rencontrer dans sa vie étaient arrivées à une seule et même conclusion : Jackson était un salopard professionnel. Mais ça ne le dérangeait pas, au contraire. S'il n'avait pas toujours été comme ça, il vivait désormais très bien avec la personnalité qu'il s'était construite au fil des années. Une personnalité qui ne plaisait pas à tout le monde, voire même à presque personne, mais qui lui convenait parfaitement bien. Il ne changerait pas, c'est clair. Et si ça emmerdait les autres, c'était tout bénéf'. Dans la présence situation, il osa espérer que son attitude des plus amicales et chaleureuses lui permettrait de se débarrasser de Céleste. Mais elle semblait décidée à rester, malgré tout. Bon sang, ce qu'elle pouvait l'agacer à cet instant précis. Au point qu'il se prenait à espérer qu'une guerre éclate subitement, bombardant le nid et les tuant tous instantanément. Il n'aurait plus à supporter Céleste, comme il n'aurait plus à supporter aucun de ces casses-couilles. Mais même ça, ça semblait utopique. Bon, il avait malgré tout un peu de chance dans son malheur. Okay, Céleste ne voulait pas bouger de là. Mais elle se la fermait, et c'était déjà pas mal. Ainsi, il put fermer à nouveau les yeux, croyant pouvoir reprendre son semblant de sieste. Quelle naïveté. Car il fallut moins d'une minute à la jeune femme pour reprendre la parole. Bordel de merde, tenait-elle si peu à la vie ? « Je suis antipathique, tu trouves ? » fit-il alors, sur un air faussement outré. Qu'on se le dise, ça n'avait rien d'une critique à ses yeux. Ça n'était pas non plus un compliment. Simplement un euphémisme. Et voilà qu'il était amené à évoquer sa mère. Il la détestait cette Céleste, c'était officiel. « Ma mère était une mère exemplaire » trancha-t-il, en haussant légèrement le ton. Il dirait que c'était parce qu'elle lui tapait sur le système, et puis c'est tout. Mais il était clair que Jackson n'appréciait pas tellement de parler de sa mère. Comme il n'appréciait pas tellement qu'on vienne le faire chier.

A mes yeux, Jackson ne faisait aucun effort. Je n'avais pas envie de m'obstiner non plus. Si il ne m'aimait pas, tant pis pour lui. Si il n'aimait personne encore une fois, c'était dommage pour sa pomme. Je n'allais pas m'acharner à vouloir trouver du bon dans chacun des candidats. Peut-être m'étais-je toujours trompé. Peut-être que certains hommes n'ont pas la part de bon que j'attribuais à tous et peut-être que Jackson fait parti de cette catégorie de personne. Je me tasse dans ma chaise, croise les bras sur ma poitrine et soupire lourdement. « Je suis antipathique, tu trouves ? » Je décide de ne pas lui répondre. C'est bien simple. Je ne lui répondrais plus à rien, il m'a foutue le moral en l'air en moins de deux minutes. « Ma mère était une mère exemplaire » Mon dieu, les hommes et leur mère. Attaquer la mère d'un homme et directement il sort les crocs. Je pense que la plupart d'entres eux n'ont jamais terminé leur oedipe en fait. C'est carrément flippant. Je me redresse, j'en ai marre de respirer et de sentir tant de ondes négatives à côté de moi. « Bon, je me casse. T'es content ? » Je me redresse sur mes deux jambes et quitte la terrasse pour une nouvelle destination.

J'suis désolée, c'est relativement nul, mais je préférais clôturer puisque le prime est ce soir.