W/ SONNY

Merde, c'était quoi ce lieu dégueu ? Enfin, d'accord, une cave ultra lumineuse, vide de tout grain de poussière, avec fauteuils, télé, et parfumée, ça aurait été un peu nul question atmosphère et toutes ces conneries, mais quand même, ils avaient sans doute dépenser une fortune à retaper ce foutu château, ces pourris de la production, alors une petite de plus ou de moins pour se payer une ampoule convenable et un bon bain désinfectant, c'est pas ça qui les aurait tués non ? Parce que la cave, elle était salement dégueu, vraiment salement dégueulasse. Sauf qu'il voulait vraiment y aller, parce que c'était là qu'ils entreposaient les bouteilles de vins, et qu'il était l'heure du repas, quasiment, et que disait repas, disait un putain de verre de vin. Non ? Si. Donc Milan était passé par la trappe et s'était retrouvé dans la cave. Alors qu'il allumait et que l'ampoule avait deux-trois ratés, il s'avança vers l'étagère et retourna une bouteille, puis une autre. Il y connaissait rien en vin, pour être honnête, alors on aurait très bien pu lui parler de cabernet-sauvignon de Californie ou de sauvignon-blanc néo-zélandais, c'était kif kif bourricot pour lui. Le premier était rouge, le deuxième blanc. Point barre. Bref, il en était toujours là, quand Sonny débarqua à son tour pour une quelconque raison obscure qui l'intéressait pas tellement. « Putain, est-ce qu'on pourra un jour se croiser ailleurs que dans un endroit flippant ? » s'exclama Milan avec sarcasme en apercevant ce bon vieux Eggman, copain de ce bon vieux Sonic. Parce que déjà la dernière fois, c'était avec les morts-vivants. Maintenant, c'était les mygales tueuses et les rats mutants.

Voulant aller me griller une clope sur la terrasse, je constate avec effroi que je n’en ai plus. Fuck. Plan B, une roulée. Mais impossible de retrouver ma petite trousse avec tout l’attirail. Shit. Plan C , en taxer une à quelqu’un. Mais bizarrement, je ne trouve personne dans le château ou du moins, personne qui en a. Bon, comme on dit, on est jamais mieux servi que par soit même. J’emprunte alors l’escalier du château pour me rendre dans les sous-sol et plus précisément à la cave. Mon endroit préféré ici. Pièce si propre, si éclairée, si ordonnée. Blague. Je ne compte pas y rester trois plombs, ça c’est clair. Tiens ! La pièce est déjà éclairée. J’aperçois un candidat. Milan. Je ne sais pas trop ce qu’il fait là mais il me salue d’une manière assez originale. Je m’avance alors légèrement vers lui. « A croire qu’on y passe nos journées ! » Un petit rire ironique sort de ma bouche. Le jeune homme va finir par croire que je suis gothique ou que je me passionne pour les endroits sombres et lugubres, je sais pas. C’est pourtant évident que le hasard y est pour quelque chose. A moins que.. « Avoues en fait, t’existes pas vraiment ! T’es juste un spectre ! » Idée sordide ? Ouai totalement. Mais si ça se trouve, c’est peut-être le fruit de mon imagination qui a inventé le jeune homme au prénom Italien. Je le croise juste quand je me rends dans des endroits quasi dénués de lumière. Ouai, non, là je pars trop loin dans mon délire. Milan existe bel et bien. « Tu comptes t’en boire une en solo ? » Le candidat est figé devant la ferraille contenant une multitude de bouteilles de vin. Si tel est le cas, ça serait bien triste. Quoi que, le vin charme la vie après tout.

Putain, il en avait des idées louches, lui. Putain. Sérieux. Un spectre ? Un esprit frappeur ou un vampire tant qu'il était ? D'accord il était pas très bronzé mais quand même. Il devait avoir été traumatisé dans sa jeunesse, genre abusé par un mec à moitié mort, ou alors il avait eu peur en regardant Harry Potter ou Beetlejuice. Avec un vague sourire moqueur, il lui balança un gentil regard genre "c'était pas drôle" tout en le regardant s'approcher. « Y'a que toi pour imaginer un spectre aussi moche et aussi dérangé... et aussi réel. » Parce que pour être réel, il l'était ouais. Ou peut-être que non, en fait. C'était pas le vieux Nietzsche qui disait ça ? Que tout n'était qu'illusion ? Enfin, un vieux philosophe, ou écrivain, ou quelqu'un. Il avait étudié ça quand il était au lycée, il avait eu un prof un peu fou, en dernière année. Par exemple, il avait passé toute une heure de cours à leur soumettre ceci : lorsqu'on rêve qu'on est un papillon, comment peut-être savoir qu'on est un humain qui rêve qu'il est un papillon et pas un papillon qui rêve qu'il est un humain ? U peu traumatisant, ce gars. Milan finit donc par arrêter son choix sur une bouteille de rouge, qu'il leva sous le nez de Sonny en tournant la tête, lorsque celui-ci lui demanda s'il comptait se l'affoner tout seul. « À moins que tu me fasses l'honneur de tiser avec moi. » Allez, fais pas genre, petit Sonny. Tu poses juste cette question pour savoir subtilement si tu peux en avoir une gorgée. Mais bien sûr. Fourrant la main dans la poche arrière de son jean, il en sortit le tire-bouchon qu'il avait pris soin d'emporter, et entreprit d'ôter cette connerie de bouchon du goulot.

Je ne sais trop comment l’idée que Milan est un spectre m’est venue en tête. Idée folle oui. Tant pis si je suis ridicule, le candidat se doutera que j’en joue et que je ne le pense évidemment pas réellement. « Et oh ! Te dévalorises pas Calimero ! » J’ai failli dire Quasimodo. Au final, ça n’aurait pas changé grand-chose. Enfin si remarque, Calimero étant le roi des pleurnicheurs et Casimodo étant le roi des.. moches. Qu’importe ! Ce n’est pas tellement mon genre de faire des compliments mais je refuse que quelqu’un se dévalorise ainsi. Non, Milan n’est pas moche. Et il n’a pas l’air dérangé. Quoi que ce dernier point reste à prouver ! Il propose, en effet, de boire une bouteille de rouge quelques secondes plus tard, après que je lui ai demandé quelles étaient ses intentions à ce sujet. Le fou ! Il tient réellement à ce qu’on s’enfile une bouteille de vin dans la cave à deux ?! J’arque les sourcils, d’abord étonné par sa proposition. En y réfléchissant bien, pourquoi pas. Quel est le mal à se faire du bien ?! Un peu de bon vin. « Le vin charme la vie après tout. » J’hausse les épaules, faussement résigné à me soumettre à la proposition du jeune homme. J’adore le vin ! Comment refuser donc cette proposition ?! « T’as intérêt à bien avoir choisi ! » Je ne m’y connais pas du tout en vin mais tant qu’il est buvable, moi ça me va. Je m’empare donc de la bouteille, fraichement ouverte, des mains du candidat pour venir la porter à mon nez. J’hume l’odeur et en joue d’ailleurs. Faire semblant de s’y connaître, je trouve ça drôle ! Je porte ensuite le verre à mes lèvres. Pour pousser le vice un peu plus loin, je fais résonner mes papilles gustatives. Je tire alors une fausse grimace, et, dans le silence le plus complet, je décide de laisser juger le jeune homme par lui-même en lui tendant la bouteille.

Se dévaloriser, se dévaloriser. Oh, un peu d'humour, que diable. Milan s'efforçait de ne pas se forger une opinion trop stricte de lui-même, par soucis d'objectivité. Pas qu'il préférait attendre d'obtenir un ou deux avis externes, parce que ça l'indifférait un peu, mais c'était à peu près la seule chose sur laquelle il arrivait à garder un jugement souple, contrairement aux idées bien arrêtées qu'il pouvait avoir en temps normal. Il pouvait se détester par moment, tout comme il pouvait être fier de ses convictions. Ça lui était déjà arrivé d'avoir honte de l'une de ses pensées, le contraire également. Bref, il ne répondit pas, mais apparemment, le vin charmait la vie. Ah. Qui était l'auteur idiot qui avait pu sortir une maxime aussi nulle ? Peut-être Sonny lui-même. D'ailleurs, pourquoi il a l'air aussi dubitatif ? C'était un ancien alcoolique tout juste sorti de cure ou quoi ? Ou peut-être justement que son secret, c'était qu'il faisait fake lover parce que ça coutait moins cher qu'une cure de désintox. Haha. Owned. « Et oh, t'es bien capricieux pour un incruste ! » que Milan fit, un sourire railleur aux lèvres. Scuse boss, on est pas tous des pros comme toi, vieil alcoolo. Silencieux, le jeune blond observa son compère un instant, tandis qu'il goûtait le breuvage. Non mais quel manège. Comme dans les films, genre faire tourner le vin, le renifler, en prendre une gorgée minuscule, faire un bruit dégueulasse en le catapultant contre ses dents, puis le recracher et tout. Enfin, sauf que Sonny, il l'a avalé, lui. Merci bien, recrache pas dans la bouteille. Finalement, il lui retendit la bouteille. Ah, donc il voulait savoir son avis avant de donner le sien. Classique. Milan expira un unique son du genre rire, impossible à qualifier d'ailleurs. Comment on appelait ça ? Pouffer ? Glousser ? Rire ? Ricaner. Nan. Bah. À son tour, il goûta. De façon plus rudimentaire que l'autre, certes, mais efficace tout de même. Hop. « Bon, j'y connais que dalle, mais je dirais, qu'a priori, il est possible que ce vin soit éventuellement pas mauvais. Mais je m'avance peut-être, c'est toi le master... » Horrible air à la fois angélique et prétentieux.