Après le prime, je m’étais sentie complètement abattue. La seule chose positive qu’il me restait dans le jeu, c’était Sonny. Parce qu’avec Evey on ne se parlait plus et ça me tuait a petits feux, c’était surement la pire des tortures que de la voir et ne pas lui parler. Alors j’avais décidé de l’interpeler un peu avant vingt heures ce soir là, le lundi. Je lui avais fais signe de me suivre et nous étions rendues dans la chambre secrète. Je me tournai vers la jeune femme et ne su quoi faire. J’avais besoin d’elle mais il y avait encore trop de choses entre nous, comme un mur de plus en plus épais dans lequel je tentais de faire une brèche. Finalement je me posai sur le lit et passai une main dans mes cheveux. « Evey, les choses ne peuvent-elles pas redevenir simples ? » demandais-je en levant la tête vers elle, elle me manquait et ça me tuait d’être si proche et pourtant si loin de cette fille qui avait toujours été la seule a me soutenir dans tout ce que je faisais, absolument tout. Mes études, ma participation a ce jeu,…

Je m’étais faite à l’idée que Zhara et moi, que notre si belle complicité que nous avions réussi à entretenir jusque là malgré tout ce qui nous opposait, malgré cette distance que nous devions supporter au quotidien, était morte. M’attarder, non. Je ne regardais jamais derrière moi, j’avançais toujours vers l’avant, mes pas se frayant un chemin dans la vie malgré tous les obstacles qu’ils rencontraient. Mon parcours était sinueux – je n’avais pas besoin de me retourner pour le savoir. Cependant, je regrettais. Regrettais les bons moments passés en sa compagnie, regrettais sa simple présence à mes côtés. Seulement, nous étions rendus à la croisée des chemins. Tôt ou tard, je savais que l’une de nous allait prendre son propre chemin, laissant l’autre derrière. Je paniquais, mais ne le démontrait pas. Mon masque d’indifférence laissant transparaître si peu de choses, aussi. Mais c’était plus facile ainsi. Ainsi donc, je ne réagis pas lorsqu’elle demanda à me voir en privé, question de discuter un peu. Chose que nous n’avions pas fait depuis… notre dernière rencontre. J’aurais pu refuser, mais docile, je décidais néanmoins de la suivre. Pour ne pas faire plus d’histoires. Car je n’avais pas envie de me quereller avec elle à nouveau. C’est dans la chambre secrète qu’elle me mena, et elle s’installa sur lit, posant une main dans ces cheveux. « Evey, les choses ne peuvent-elles pas redevenir simples ? » Son regard s’était rivé vers le mien, ses yeux s’étaient encrés dans mes yeux. J’aurais aimer lui répondre que oui, que les choses pouvait revenir simple, mais c’était impossible. « J’aimerais bien… » lui fis-je néanmoins savoir, avant de continuer, et de détruire ses maigres illusions que tout pouvait à nouveau redevenir… comme avant. « Mais je ne crois pas que ce soit possible. » Il faudrait un jour que je lui explique pourquoi, qu’elle comprenne. Mais était-ce le temps, ou la place pour faire ça? J’en doutais.

« J’aimerais bien… » dit –elle, je sens d’ailleurs le ‘mais’ pointer du bout de son nez et me renfrogne déjà, attrapant un coussin sur le lit que je serre un peu trop fort entre mes bras. « Mais je ne crois pas que ce soit possible. » et voilà, elle l’a dit. Ok, donc une émission de télé réalité débile a cassé la seule chose à laquelle je tenais vraiment : notre complicité. J’ai envie de pleurer mais je me dois de rester aussi forte qu’elle, parce que je l’imagine bien m’accabler de tous les maux pour les pauvres larmes que je verserais. Le départ de Baptiste, la fin de ce qu’il y avait entre elle et moi, tout ça ça en fait trop. Je détourne le regard, je cligne plusieurs fois des yeux pour empêcher les larmes salées de coulées le long de mes joues. « Ok, dans ce cas… très bien… » Dis-je simplement, j’espère qu’elle va partir et me laisser seule dans cette chambre, parce que j’ai bien envie d’y pleurer toute la nuit en espérant que personne ne vienne m’y trouver. « Je ne te retiens pas… » soufflais-je alors, qu’elle parte, par pitié, qu’elle me laisse seule parce que c’est trop dur là.

Pourquoi j’ai l’impression d’être en train de lui faire affreusement de mal… C’est bien simple : la douleur de ce que je suis en train de lui dire transperce sur son visage, même si elle semble faire un effort surhumain pour se contenir, pour ne pas craquer, voir même pleurer. Le coussin qu’elle tient entre ses bras, ce regard détourné, ces clignements répétitifs ne sont que des signes qui m’indique que j’ai peut-être fait là une grosse bêtise, mais vaut mieux qu’elle sache la vérité tout de suite, qu’elle sache que rien ne sera plus comme avant. Pas à cause d’elle, non, mais de moi. Tout est de ma faute. « Ok, dans ce cas… très bien… » fit-elle de sa petite voix. Elle veut prétendre être convaincu de ce qu’elle avance, mais j’entends le faible écho de détresse dans son ton de voix. « Je ne te retiens pas… » Ces paroles me font presque plus mal que les cris qui nous ont déchirés la semaine dernière. Je la sens fragile, je la sens sur le point de fondre en larmes… et ça me brise le cœur. Car oui, j’en ai bien un, même si je ne le démontre si rarement. Il est là, battant à la chamade dans ma poitrine, complètement déchiré entre rester ou partir, entre la consoler ou l’abandonner. Mais je ne suis pas cette femme qui m’a élevée, je suis incapable de laisser derrière des gens qui souffre… ce pourquoi je m’approche du lit, m’installe au côté de Zhara, et fait la chose qui me semble la plus naturelle au monde : je la serre dans mes bras. Bon sens, qu’ai-je fais. J’ai blessée la seule personne qui compte réellement pour moi dans cette putain de vie. « Je… je suis désolé, Zhara, tellement désolé… » Je la berce tout contre moi, je passe distraitement une main dans ses cheveux. Sait-elle à quel point elle m’est précieuse? Le sait-elle seulement ?

Finalement la candidate vient près de moi et me prend dans ses bras, c’est trop pour moi et je sens les larmes que j’ai tellement retenu coulés le long de mes joues. « Je… je suis désolé, Zhara, tellement désolé… » je sens une main dans mes cheveux et j’enfouie ma tête dans son cou, je m’approche encore d’elle, j’espère qu’elle ne partira pas. « J’aurais du rester en Afrique, je t’aurais regardé a la maison, j’aurais voté pour toi et… Ce serait… plus simple. » je sais que tout ça ne changera pas les choses, il faut quand même qu’on parle mais au moins je la sens proche de moi et je me dis qu’elle ne va pas m’abandonner, pas comme je croyais qu’elle était en train de le faire.

Ce simple geste de la prendre dans mes bras, de la tenir tout contre moi est visiblement la goutte qui fait déborder le vase, ce qui fait craquer la jeune femme. Je vois les larmes couler le long de ces joues, j’entends ses sanglots et ils me brisent le cœur. Merde, pourquoi j’ai fais ça, pourquoi je l’ai blessé ainsi. Elle ne le méritait pas. Dans sa détresse, Zhara se fraye un chemin jusque dans mon cou où elle se cache, et mon emprise sur elle se fait plus étouffante, sans être désagréable. Je l’emprisonne seulement davantage dans l’étau de mes bras, l’empêchant ainsi de s’éloigner de moi. De toute façon, je doute que ce soit le cas… il me semble que c’est plutôt à l’inverse, vu la manière dont elle s’accroche à moi. « J’aurais du rester en Afrique, je t’aurais regardé à la maison, j’aurais voté pour toi et… Ce serait… plus simple. » Je savais que c’est ce qu’elle disait. J’ai tellement dû faire des pieds et des mains pour la convaincre de faire cette aventure avec moi, pour qu’elle accepte de m’accompagner. Et voilà qu’elle regrette sa décision, qu’elle préfère affirmer que de me regarder à la télévision aurait sans doute été mieux. « Non… non, t’es à ta place ici, à mes côtés. Je t’interdis d’affirmer le contraire. » fis-je en essayant de la résonner. « Et tu sais que ça n’aurait pas été pareil sans toi. » Je crois même que je n’aurais pas eu la force de le faire sans elle.

« Non… non, t’es à ta place ici, à mes côtés. Je t’interdis d’affirmer le contraire. » Je me détachai finalement un peu d’elle et essuyai mes joues mouillées par mes larmes. Je tentai de reprendre contenance, ce qui fut fait en quelques secondes, j’avais le visage encore un peu rouge mais ça passerait. « Evey, c’est pas ça que je dis, mais ce jeu nous a malmenée, je ne sais pas ce qu’il a révélé en nous mais ça nous a séparé et ça ne me plait pas… » dis-je en levant les yeux sur elle. « Et tu sais que ça n’aurait pas été pareil sans toi. » ajoute-t-elle, je hausse les épaules. Oui c’est clair. « Je sais, mais dans quel sens ? » mieux, moins bien ? Elle n’a utilisé aucun de ces deux adjectifs, peut être ne le sait-elle pas elle-même, comment le deviner après tout ? Mais moi je ne peux m’empêcher de me dire que si je n’étais pas venue, entre nous tout serait pareil. Je n’aurais pas rencontré Baptiste et Sonny, aussi. Ou des gens qui, comme Moore, me poussent a vivre ma vie comme je l’entends. Je ne suis déjà plus la même qu’au début du jeu, tout le monde change.

Au bout d’un moment, Zhara recula pour se faire de mon étreinte et je relâchais lentement l’emprise que j’avais sur elle. Je sentais qu’elle ne voulait pas partir, mais seulement reprendre sur elle, voilà pourquoi je lui redonnais sa liberté. Si elle avait seulement eu l’intention de s’enfuir, j’aurai trouvé un moyen de la retenir, mais là, c’était fort différent. D’une main, elle essuya les larmes qui s’étaient frayé chemin sur ses joues. En l’espace de quelques secondes, elle était disparue, et seuls ses yeux rougies laissaient entrevoir sa faiblesse passagère. « Evey, c’est pas ça que je dis, mais ce jeu nous a malmenée, je ne sais pas ce qu’il a révélé en nous mais ça nous a séparé et ça ne me plait pas… » fit-elle en relevant les yeux vers moi, croisant les miens l’espace d’un instant. Puis j’affirmais que cette aventure n’aurait pas été la même sans elle. Elle se contenta seulement d’hausser les épaules alors que j’arquais un sourcil devant sa réaction. « Je sais, mais dans quel sens ? » Sa question est légitime, mais il me semble que la réponse est logique, non? Je laisse entendre un soupir. « Tu crois que rien n’aurait changé entre nous, si tu n’étais pas venu ? Que tu te serais contenté de regarder l’émission sans rien dire, alors que tu aurais eu devant toi le reflet de ce que je suis quand tu n’es pas dans les parages ? » lui demandais-je en soutenant son regard. « Ne vient pas me faire croire que ça t’aurais plus de me voir m’envoyer en l’air avec le premier venu, parce que oui, je l’ai fais. » Lhoas, Cooper, Moore même… le tableau de chasse de certains étaient bien pire que le mien, mais j’imagine que ça resterait quand même un choc pour elle si je lui déblatérais tout ça. Je m’arrêtais un moment, sachant que si je continuais sur cette lancée, je risquais de m’emporter et ce n’était pas spécialement une envie que j’avais. Un autre soupir s’échappa de mes lèvres. Elle veut savoir pourquoi je considère que sa place à mes côtés dans cette aventure est importante, alors je vais le lui dire. « Ta présence… elle me permet de garder les deux pieds sur terre… de me rappeler qui je suis, d’où je viens. Tu es… la seule à savoir que je vaux mieux que ça. » Je n’avais pas toujours été cette fille, celle qui couche à droite et à gauche, cette fille qui se fiche de tout et qui ne fait qu’à sa tête. Mais il n’y avait qu’elle qui savait. Qui saurait jamais.

« Tu crois que rien n’aurait changé entre nous, si tu n’étais pas venu ? Que tu te serais contenté de regarder l’émission sans rien dire, alors que tu aurais eu devant toi le reflet de ce que je suis quand tu n’es pas dans les parages ? » Je considère sa question. Je sais qu’elle a raison et je me dis que j’aimais bien avoir les yeux fermés sur ce qu’elle est quand je ne suis pas là. Je la prends toute entière, oui, mais voilà parfois c’est dure car mes convictions religieuses me disent que tout ce qu’elle fait, coucher a droite et a gauche, c’est mal. Et plus le temps passe plus je me demande qui nous sommes, nous, pour dire ce qui est mal. Si ça se trouve Dieu s’en fiche totalement et la Bible n’est qu’un ramassis de bêtises… Encore une fois je m’en veux de penser ça, mais je me pose vraiment la question. « Tu as raison… » Dis-je seulement, dans une souffle. « Ne vient pas me faire croire que ça t’aurais plus de me voir m’envoyer en l’air avec le premier venu, parce que oui, je l’ai fais. » Je passai une main dans mes cheveux, un peu gênée de ces révélations, j’aurais préférée qu’elle ne le dise pas mais ce n’est pas le genre de Evey, elle parle quitte à blesser. « Je sais, je sais… En venant dans cette maison, tu sais, on a tous changé. Je n’avais jamais… Jamais… Embrassé personne et voilà que maintenant je me suis faite embrassée par, je ne sais pas, trois hommes. Toi. » ce que je veux lui faire signifier c’est que je peux comprendre, voilà, parce que ce jeu m’a ouvert les yeux dans un sens, le monde n’est pas parfait, personne n’est totalement vertueux, ce sont des bêtises, un ramassis de bêtises et même si je garderai certaines de mes valeurs, j’ai envie de vivre et je ne veux plus passer a coté de tout ce qu’on peut avoir a cause de la religion ou de mes parents. Ce besoin de liberté, je le tiens peut être de ma famille biologique, qui ‘la transmit a Evey. C’est un point commun entre elle et moi. Mais elle l’exprime bien plus que moi. Moi je participe a FL, elle elle est libertine. « Ta présence… elle me permet de garder les deux pieds sur terre… de me rappeler qui je suis, d’où je viens. Tu es… la seule à savoir que je vaux mieux que ça. » Je ne sais pas quoi répondre, elle aussi est la seule a vraiment me connaitre, enfin la seule… Baptiste et Sonny me connaissent désormais bien aussi, mais pas comme elle, parce que ça ne pourra jamais être pareil. On ne remplace pas des années de coexistence en quelques semaines, c’est impossible. Je me lève du lit et me met a admirer la décoration de la chambre, je ne sais pas quoi lui dire mais je sens que je dois dire quelque chose alors je me tourne vers elle et dit « Je ne devrais pas être la seule, laisse les gens te découvrir… » dis-je doucement, je pense a Cooper, je sais qu’ils s’entendent bien et qu’ils sont venu ici, rien qu’ne y pensant j’ai un petit frisson, imperceptible mais je le sens me traverser, beurk.

« Tu as raison… » Je sais qu’elle n’apprécie point la personne que je suis lorsqu’elle n’est pas dans les parages, l’être que je deviens quand elle est loin de moi, quand nous retrouvons toute deux nos vies, elle en Afrique et moi en Irlande. Qu’elle aimerait ne pas savoir que cette Evey-là existe, qu’elle voudrait bien simplement l’ignorer, mais c’est impossible. À croire que j’avais un sérieux trouble de la personnalité. Seulement, j’avais un caractère bien distinct avec les gens que je fréquentais, ces gens qui ne me connaissaient absolument pas alors qu’il prétendait le contraire. Ceux qui se croyait être mes amis. Ils ne l’avaient jamais réellement été. Rien qu’une présence pour combler un vide que je n’arrivais pas à combler. Sauf quand elle était là. Parce qu’avec elle, je savais que je pouvais me permettre d’être moi-même. Car elle m’acceptait comme j’étais, avec mes imperfections, mes faux pas. Et j’en faisais de même avec elle : j’avais toujours respecté ces croyances même si je n’avais jamais cru en une présence divine au dessus de nos têtes. Difficile de faire autrement quand la vie ne t’apporte que du malheur. « Je sais, je sais… En venant dans cette maison, tu sais, on a tous changé. Je n’avais jamais… Jamais… embrassé personne et voilà que maintenant je me suis faite embrassée par, je ne sais pas, trois hommes. Toi. » Oui, on change tous. La vie nous change. Et participer à une émission de téléréalité aussi. Que ce soit du bon côté des choses… ou pas. Car il n’y a pas que du bon là-dedans. Voyez seulement ce que ça nous à fait. J’accroche sur ce Toi qu’elle précise à la toute fin, me questionnant à savoir si elle cherche encore à comprendre pourquoi. Pourquoi j’ai agi ainsi dans la chapelle. Pourquoi je l’ai embrassée. Je ne lui ai jamais répondu. Elle n’a pas besoin de savoir plus que ce que je lui avoue déjà. C’est déjà beaucoup venant de ma part de m’ouvrir autant, même si avec Zhara, c’est toujours plus facile qu’avec les autres. Car je sais qu’elle comprend. Je la vois qui se lève, son regard vaguant dans la pièce qu’elle observe, silencieuse. Puis, elle me fait enfin face. « Je ne devrais pas être la seule, laisse les gens te découvrir… » Je secoue la tête. C’est impensable pour moi de m’ouvrir ainsi face à d’autres. « Non, je ne peux pas. » Il fallait que je le dise de vive voix. J’imagine qu’elle ne comprend pas mon obstination. Ce désir d’être quelqu’un d’autre, mais de rester moi-même face à elle, l’exception dans cette règle. J’y vois là un moyen de me protéger, mais c’est plus compliqué que ça. En fait, c’est difficile à expliquer. « Toi, tu le sais. Ça m’est suffisant. Je n’ai pas besoin des autres. » J’ai seulement d'elle… Mais je me garde bien de le lui dire.