Le soleil déclinant filtre entre les rideaux. Et la musique retentit. Languissante, pénétrante. Comme un parfum capiteux. Une lumière tamisée éclaire la chambre à coucher et la salle de bain. Il est là. Devant le miroir. S'observant. Ses yeux incandescents brillent d'une lueur maussade. Ses cheveux de blé en bataille. Le dos droit, les épaules raides, le regard froid et inexpressif. Le rituel peut commencer. Un cérémonial sacrificiel. Une épuration de l'âme, peut-être. Debout, devant le robinet. Il se débat, en proie à de vicieuses chimères, qui de leurs griffes insidieuses et glaciales, aiment à lui rappeler ses péchés les plus noirs. Pardonnez-moi mon Seigneur, car j'ai péché. Il se dirige vers son dressing. Espace intimiste. Il embrasse du regard sa penderie, portant son nom. Une musique continue à se diffuser dans toute la pièce. Tu sais que je suis pécheur et que souvent je ne m’aperçois pas des blessures que je t’inflige, à toi et à ceux qui m’entourent. Serrant le chapelet contre lui de la main droite, et de sa main gauche il effleure à chacun de ses passages chaque étoffe, chaque tissu. A la recherche de la tenue adéquate. J’ai confiance en ta miséricorde mais je veux plus que ta miséricorde. Il jette son dévolu sur une veste cintrée bleu acier, utile en toute circonstance. Mettant en valeur son corps svelte. Il met le chapelet dans la poche de son pantalon. Il enfile sa tenue du jour. Je veux une foi profonde qui me fera éviter le péché par amour pour toi et non par peur des conséquences. Il revient auprès du miroir où trône son rasoir électrique et sa trousse de toilette. Il prend le flacon d'Eau de Cologne, il verse quelques gouttes sur le bout de ses doigts qu'il pose sur sa nuque dégagée. De doucereuses effluves flottent dans l'air. Il ferma les yeux. Je te prie de ne pas considérer ma petitesse mais plutôt mon désir de t’aimer et de te servir. Il sort son chapelet, il le caresse. Tu es la source véritable de l’épanouissement et du bonheur dans ma vie. Les heures défilent. Il s'occupe, il se distraie. Il lui a l'idée de visiter la chapelle que la production a mise à leur disposition. Sa canne à la main, il arrive sur le lieu sacré. Il y rentre. Il commence à prier : - Aide-moi à chercher ta volonté de tout mon coeur, de tout mon esprit, de toute mon âme et de toutes mes forces. - Amen. Il fait le signe de croix final. Depuis trois ans, suite à l'accident il ne cesse de remettre en question la puissance divine. Il ne passe pas chaque jour où les blasphèmes fusent dans sa tête. De l'eau a coulé sous les ponts. Désormais, il est à la recherche du bien être. D'une sorte de paix intérieur. Il espérait en trouver dans la maison du Seigneur. Il sent un regard l'observer. Il se retourne. - Excuse-moi. Je ne t'avais pas vu. Il s'approche, il lui serre la main. - Bonjour à toi, Slavin.

La chapelle est minuscule, elle est intimiste. Elle est là, au beau milieu du sous-sol miteux, entre les cachots et la salle de vidéo-surveillance, ou peut être qu'elle est plus excentré en réalité. Je n'en sais rien, les couloirs sont immense, et jamais je n'y arrive par le même chemin. J'ai pris le soin d'éviter ce lieu comme la peste, comme si pénétrer dans cet endroit béni parviendrait à révéler ma vraie nature. Celle qui me colle à la peau depuis ma plus tendre enfance, l'étiquette qu'on essaye de me coller inlassablement et je prends un malin plaisir à égratigner sans cesse. Mon père m'a dit un jour qu'IL me faisait peur. Il a sûrement raison, mon père. Je pense qu'au fond il a raison, Dieu me fait peur, il me fait peur dans sa toute puissance, sa surpuissance et l'excès de foi qu'il génère. Alors depuis mon arrivée, je m'approche, je déambule dans le couloir mais n'entre jamais. Comme si le simple fait d'entrer en ces lieux allait effacer ce que je m'obstine à créer depuis ma tendre enfance. Moi. Celui que j'ai toujours eu envie d'être, et non celui qu'on essaye d'imposer à mes yeux. Et cette imposture je la lui doit. A lui. Mais je n'ai plus dix ans alors je décide de rentrer, qu'est-ce qu'il peut m'arriver de toute façon ? Au pire je me prendrait le crucifix sur la tête, et si c'est le cas, je crois que je pourrais voir cet incident comme un châtiment divin, une punition que le tout puissant m'inflige parce que j'ai pris soin de lui tourner le dos durant toutes ces années. Mais soyons clairs, si j'ai boudé les lieux saints, ce n'est pas pour cette raison que j'ai renoncé à cette petite Bible offerte lors de mon sixième anniversaire qui est entreposé dans un coin stratégique de mon appartement parisien. Et puis, il y a même ce petit chapelet en bois façonné par les doigts de mon propre père qui gît au fond de ma poche à l'instant même. Un comme une sorte de talisman de protection, oui aussi con que cela puisse paraître, je le considère comme tel. Puis finalement, je me suis installé sur un banc à l'écart vraiment au fond et j'observe le regard accusateur de Jesus qui m'observe d'un sale oeil. Ouais, il est bien entrain de me juger là ? Enclin à la paranoïa exacerbée lorsque j'suis dans une église/chapelle/sanctuaire, parce que oui le sentiment est le même, je me mets à toucher le chapelet avec frénésie. Puis une voix attire mon attention. Hein ? Y'a quelqu'un depuis quand ? Il prie. Oh merde, euh putain, oh chiotte. Bref, je l'observe parce que mine de rien son comportement me fascine. Et puis il se retourne et m'adresse la parole. Oh oui. Non mais pourquoi il s'excuse ? Je me lève par automatisme. « T'excuse pas c'est moi qui t'observait sans aucune gêne. » Il s'approche et me serre la main. Oh oui c'est vrai, je n'arriverais jamais à m'habituer à ses manières j'crois. « Bonjour Malo. Désolé j'voulais pas te déranger. Tu priais je crois. » Très perspicace le Slavin. Aussitôt, je fourre mes mains dans mes poches retrouvant le contact du bois sous mes doigts. « Tu viens souvent ici ? »

Il le voit se lever, il s'approche. - T'excuse pas c'est moi qui t'observait sans aucune gêne. Ils se serrent la main. Il ne connaît que très peu le candidat. Il a pu lui toucher deux mots, seulement lors de l'épreuve coup de feu de la première semaine. Ils se sont côtoyés que durant deux heures, mais il a aimé travailler avec lui. Surtout qu'en cuisine, il se débrouille plutôt bien. - Bonjour Malo. Désolé j'voulais pas te déranger. Tu priais je crois. Il acquiesce en silence en arborant un sourire serein, tandis qu'il range son chapelet dans la poche intérieure de sa veste. Puis, il sort d'une autre poche une paire de lunettes de vue qu'il dépose sur son nez. - Tu viens souvent ici ? , lui demande-t-il. Il répond d'une voix suave et apaisante : - Non. C'est la première fois que j'entre dans ce sanctuaire. Pendant des années, j'ai évité de remettre les pieds dans une église. J'ai voulu défier Dieu à maintes reprises. Mais j'ai eu envie de me repentir, d'expier mes fautes. Une forme de catharsis. Il regarde un instant la croix sur l'hôtel, avec un sourire mélancolique aux lèvres. Il observe son interlocuteur en silence et sort d'un geste machinal son étui à cigarettes métallique de la poche de son pantalon. Il a une envie irrépressible de fumer mais cela peut atteindre un moment. - Et toi ? Il ouvre son étui et ses doigts saisissent une cigarette. Il la mit à l'embrasure de ses lèvres, sans l'allumer. Il n'est pas inconscient tout de même. Mais de sentir le filtre sur ses phalanges lui procure une sensation de bien être. Slavin est l'un des hommes les plus âgés du groupe. Il inspire une forme de respect, dont l'anglais n'est pas insensible. On sent sur ses rides l'expérience et la douleur.