Avec Katell, le mardi 28 mai, à 11h30.
Je m’étais levé plutôt que d’habitude et j’avais été l’un des premiers à profiter de la douche. Et cette fois-ci, j’avais même pu avoir de l’eau chaude. Oui, un pur délice, la journée commençait particulièrement bien. Le sourire aux lèvres, j’avais pris un bon petit déjeuner, en fait, j’avais tellement mangé que je me sentais au bord de l’indigestion. Bref, j’en étais là de ma matinée, n’ayant strictement rien à faire. Les joies de la vie en château. Je cherchais donc compagnie, parce qu’à part discuter, visiter le château, se perdre dans le grand parc … Bref, je n’avais pas envie de m’ennuyer – ce qui aurait été une grande première. Mais je n’eus pas à chercher longtemps – décidément, aujourd’hui tout me souriait. Là, dans le salon, assise sur un des canapés, se tenait une jeune fille. Et pas n’importe laquelle : celle qui, il y a quelqu’un jour, a pu admirer mon corps. Je ne pus m’empêcher de pouffer à ce souvenir. Sans aucune gêne, je m’approchais d’elle. Je me demandais si ma présence allait la déranger. Peut-être que non, après tout, ça ne l’avait pas dérangé pour se déshabiller la dernière fois … Avec un grand sourire sur les lèvres, je me décidais à contourner le canapé pour venir plus près d’elle. « Ca nous change de se voir habiller. » Sans lui demander la permission, je m’assis à côté d’elle avec un soupir de délectation. Ah, on est foutrement bien ici. Je jetai un coup d’œil vers elle, un sourire toujours espiègle sur les lèvres, me demandant si elle me reconnaîtrait une fois habillé.

Je passais vraiment la plupart de mon temps dans le salon. D'accord c'était la pièce principale, mais c'était aussi la pièce la plus confortable, si on exclut l'étage avec les chambres. Je revenais de la douche, j'étais plutôt matinale ce matin, ça changeait des autres jours. J'étais vêtue d'une tenue plutôt banal, alliant le confort et la tendance. Je n'avais pas encore pris mon petit déjeuner, mais j'étais toujours autant indécise. Le matin était une véritable épreuve, je vous assure. Je ne savais jamais ce que j'allais manger et en plus, j'avais horreur de me faire à manger. Alors même si ce n'est que trois tartines à faire griller.. c'était à bannir. J'avais donc attrapé un paquet de céréales. Des céréales fitness si j'en lis l'étiquette. Légères ou pas, je m'en foutais royalement. C'était le premier paquet qui m'est venu. J'attrape ensuite le jus d'orange dans le frigo et me sert un verre. Je prends le tout et le pose sur la petite table de salon. J'allais profiter des canapés pour prendre mon petit déjeuner. La chaise c'est sympa, mais le sofa c'est mieux, plus moelleux disons. J'étais seule, pour changer et je croquais mes céréales au fur et à mesure. Je fus surprise et interrompue par une voix masculine, que je reconnaissais. Impossible cependant de mettre un nom et un visage dessus, c'est alors que je me retourne pour voir à qui j'ai à faire. Le mec de la salle de bain. Je lui souris, je le reconnais, même habillé comme il me le fait remarquer. «pas mal aussi.» je lui fais un clin d'oeil. La dernière fois que je l'ai vu, qui était aussi la première fois, il était à poil. Ca n'avait pas eu l'air de le déranger, tant mieux, car c'est vraiment pas un truc qui me choque non plus. J'en ai vu d'autres j'ai envie de dire. «daphnis c'est ça?» je connaissais son nom... suite aux nominations. Si mes souvenirs sont bons, il a déjà été nominé. Je le regarde, puis je reprends une poignée de céréales.

Je remarquai de suite alors les céréales qui trônaient sur ses genoux que je dévisageais alors avec une certaine envie. « Pas mal aussi. » J’avisais alors son clin d’œil et je gloussais doucement. « Merci. » Je lui rendis son clin d’œil. Vraiment chouette cette nana. ‘fin, je lui avais peu parlé, mais parfois il en faut peu pour se sentir à l’aise avec quelqu’un. De toute façon, c’était comme si on était intime, après tout, nan ? Elle m’avait vu quand même dans mon habit le plus simple – le plus léger et le plus agréable aussi. Et elle n’avait pas l’air d’en rougir. « Daphnis c'est ça? » J’hochais de la tête, comme signe d’approbation. Je n’étais plus très surpris qu’on sache mon prénom, après tout, j’avais été tellement de fois nominer qu’on devait commencer à s’en souvenir tout doucement. Comme quoi la nomination a du bon … Par contre, retrouver son prénom c’était une autre paire de manche. Et pourtant, j’avais fait assez attention ces derniers temps pour mettre un prénom sur toutes les têtes. « Et toi … Katell ? Si ce n’est pas ça, par pitié ne te jette pas sur moi pour m’égorger, hein. » Je ne pensais pas me tromper, mais mieux vaut parer à toutes les éventualités. Mais décidément, je la voyais mal me tuer pour si peu. Comme pour me plonger un peu plus dans le crime, je plongeais sans honte ma main dans son paquet de céréales pour la ressortir pleine et commencer à manger. « Tu partages ? » Une petite question, juste par acquis de conscience.

«Et toi ... Katell? Si ce n'est pas ça, par pitié ne te jette pas sur moi pour m'égorger, hein.» Il avait tout juste. J'imagine que c'était du hasard vu la suite de sa phrase. Dommage pour moi, j'aurais pas le plaisir de lui jeter l'éponge. Tant pis, ce n'est que partie remise comme on dit. Je souris quand à la prononciation de mon prénom, comme pour le féliciter. Je crois que je connaissais à peu près tout le monde à présent. J'avais encore de gros doutes sur certains, mais je me suis lancée comme défi de connaître tous les habitants avant la fin de semaine. Mission pratiquement échouée vu qu'on est mercredi et que la fin de semaine approche à grande vitesse. Je ne suis pas aussi efficace. Daphnis me sort de mes pensées quand ce dernier prend une poignée de céréales. «Tu partages?» je réfléchis à sa question. Partager? Je me voyais mal dire non sachant qu'il y avait bien quatre même autres paquets dans le placard, alors je m'en fichais royalement.. mais j'avais plutôt envie de m'amuser et c'est alors que je lançais un petit jeu. «je partage sous une unique condition : à chaque fois que tu mangeras une céréale tu devras me donner une information te concernant.» La condition n'était pas négociable de toute manière. Ça n'était pas trop contraignant, avouons-le, et puis ça me permettrait d'en savoir un peu plus sur lui. Je rajoute comme pour compléter la règle du jeu. «N'importe laquelle, juste une information véridique» oui c'est mieux. Je fais un sourire en coin, fière de ma trouvaille. «ça marche aussi pour moi» oui ainsi nous serons quitte. C'était important pour qu'il marche dans la combine que j'en fasse partie aussi. Je prends une céréale et avant de la mettre en bouche, je commence à étaler ma vie.. «j'ai vingt-deux ans.» Et hop une céréale mâchée. «et je suis d'origine française» et hop une seconde. À ce rythme là, il allait connaître toute ma vie avant la fin de mon bol. Je le regarde comme pour lui montrer que c'était à lui. J'étais assez curieuse d'en savoir plus. Honnêtement je le vois danseur, étudiant, habitant la capitale. Je me trompe probablement.. mes intuitions ne sont pas toujours bonnes.

Je levais un sourcil attendant sa réponse, salivant alors que la poignée de céréales me faisait de l’œil. Encore un peu, et j’allais l’enfourner complètement en bouche, comme un vrai porc. ‘fin, je n’ai jamais prétendu être raffiné. «je partage sous une unique condition : à chaque fois que tu mangeras une céréale tu devras me donner une information te concernant.» Mon autre sourcil se leva. J’étais assez étonné de cette idée, mais elle était loin de me déplaire. J’haussais des sourcils. « Ok, c’est d’accord. » Je piochais une seule céréale. Finalement, j’allais devoir manger petite bouchée par petite bouchée. Soit, je n’étais pas un goinfre non plus … Ou presque pas. «N'importe laquelle, juste une information véridique» Je fis un sourire en coin. Je n’avais même pas pensé en premier lieu que les informations pouvaient être vraiment diverses et variées. Et oui, j’avais vraiment l’esprit mal placé. «ça marche aussi pour moi» Un sourire sincère orna mes lèvres. J’étais heureux, finalement, de jouer à ce petit jeu. Parce que c’en était un, au fond. Elle ne me mettait pas le couteau sur la gorge pour avoir des réponses, elle voulait juste rendre ça ludique. «j'ai vingt-deux ans.» Je la regardais manger, pas sûr d’avoir le droit de tout commenter. «et je suis d'origine française» C’était sûrement à mon tour. Je prenais une céréale. « J’ai dix-huit ans. » Une deuxième. « Je suis français. » Je lui fis un sourire, comme si ça faisait un lien entre nous. Bref, je passais à la céréale suivante. « En fait, j’habite à Paris. » Une autre encore, j’avais envie de raconter ma vie. « Dans un tout petit appartement avec ma mère. » Je fis la moue en regardant une autre céréale, me demandant si j’avais vraiment envie de tout déballer d’un coup …

Assise sur le canapé, je décide de plier mes jambes afin de me mettre en tailleur. Je ne quitte pas mes chaussures, la flemme, tant pis. Je bois une gorgée de jus d'orange pour faire passer les céréales et continue d'écouter mon camarade. Je ne sais quelle idée j'ai eu d'inventer un jeu pareil. Je ne le trouvais pas stupide, mais ça allait trente secondes, ça allait vite me prendre la tête.. je crois. Quoi que pour le moment c'était intéressant. Moi qui n'aimait pas questionner mes camarades, là j'avais trouvé la solution pour éviter cette corvée. Daphnis joue le jeu et ça me fait sourire. J'étais fière de moi dans le fond. Et contente de la réaction de mon camarade. Visiblement je ne m'étais pas trompée sur lui. «Je suis français.» je relève la tête à cette information. Décidément encore un français. Ça me rassurait, j'avais comme l'impression que nous petit français on envahissait l'émission et surtout on relève le niveau.. ben oui, forcément. «ça nous fait un point commun.» J'avais aussi entendu son âge du coin de l'oreille. Je le pensais jeune mais pas autant. «t'es hyper jeune enfaîte.. à vu d'oeil je t'aurais vieilli d'au moins trois ans!» c'est sans aucun doute une réflexion inutile mais j'avais envie qu'il le sache. Allez, j'avais faim. Prendre une céréale par une c'était assez déprimant j'avais comme l'impression de ne pas avancer. «par contre moi je viens de st malo.» dis-je amicalement en prenant une céréale. Lui venait donc de Paris. Il habitait toujours à Paris si j'avais bien compris. De nouveau le blé en bouche, je suis la règle du jeu. «Bretagne!» au cas où il l'aurait pas compris. «mais je suis maintenant irlandaise.» je prends trois céréales d'un seul coup (la fifolle). J'ai explosé mon forfait. Maintenant il faut que je rattrape le tire. «à dublin avec mon père.» allez changeons de sujet, j'aimais pas trop parler de mon enfance. «je joue du violon.» qu'est-ce que je peux rajouter? Je compte sur mes doigts, il me reste encore une information à donner. «je suis passionnée par la musique» J'espérais trouver en lui un deuxième point commun, j'aimais beaucoup parler musique, ça pouvait peut-être être l'occasion. «euh je vais m'arrêter là, peut-être.» et par la même occasion je vais peut-être arrêter de manger... dévoiler ma vie aussi rapidement à un cher inconnu n'était pas dans mes habitudes.. c'était pourtant une idée de ma part. Quelle gourde parfois!

Spoiler:

Je ne savais pas si ce jeu allait continuer longtemps. Après tout, se dévoiler autant céréale après céréale, ce n’était pas le pied pour tout le monde. Personnellement, je pouvais continuer toute la soirée, j’avais rarement des secrets, et je m’en foutais profondément de ce qu’on pouvait penser de moi. C’est juste que parfois on a envie que la découverte soit moins rapide, moins franche aussi. Mais c’était un jeu, et j’aimais plus que tout jouer. Je lui fis un sourire quand elle nota qu’on avait un point en commun. Par contre, je pouffais de rire à l’entendre dire qu’elle me donnait plus. « Tu dois bien être la seule de tout le château ! Je suis persuadé qu’ici parfois on ne me donne pas plus de quinze … » Ce qui pouvait être vexant autant que plaisant. Je respirais la jeunesse ! Ou alors, j’avais l’air d’un vrai gamin. Je la regardais manger avec une certaine curiosité, attendant qu’elle me révèle quelque chose. Elle habitait en Bretagne. Certes, j’étais nul en géographie, mais je savais un peu près où se situer sa ville. Où je n’étais jamais allé bien entendu, n’étant jamais allé nulle part. Elle avait du voir la mer tous les jours, la chanceuse. Dublin, maintenant. Bordel, ça me rappelait de plus en plus que je connaissais rien au monde. Ca ne m’avait jamais dérangé en soi, mais avec tous ces gens venus de partout, je commençais tout doucement à me dire que ce serait bien de voyager. Mes yeux commencèrent à briller lorsqu’elle avoua jouer du violon. Je ne connaissais rien à la musique, ‘fin, je n’en jouais pas. J’étais plutôt un très auditoire, une oreille attentive, et généralement admirative. Peut-être pas fin connaisseur, mais intéressé par tout. Emerveillé pour un rien aussi. Alors qu’elle finissait son tour, j’enfournait cinq céréales pour accélérer la cadence. « 1) J’adore la musique. 2) Mais je joue aucun instrument. 3) A vrai dire, j’y connais rien même si j’adore. 4) Il se trouve que j’ai aucun talent artistique. 5) J’ai jamais vu la mer, ‘fin, seulement à la télé quoi… » Je m’arrêtais là. J’donnais pas beaucoup le change, ne faisant même pas avancer la conversation. Alors, juste encore une céréale. Ca allait pas me tuer. « En fait, je suis jamais vraiment sorti de Paris, avant aujourd’hui. Ca parait dingue nan ? » Ou alors ça faisait simplement miséreux …