J’étais en train de fouiller dans mon placard, la tête à moitié enfoncé dans celui-ci, lorsque j’entendis des pas dans mon dos, puis une voix. « Salut Ana ! » Je sortis la tête pour apercevoir Laoise, qui se dirigeait vers le coin qui lui avait été attribuée. Il fallut que j’attende qu’elle se retourne vers moi avant de la saluer d’un signe de la main, et d’un large sourire. « C’est vrai que tu n’as pas le droit de parler. » La moue désolée de la jolie Laoise s’accorda à la mienne, qui apparut tout juste dans mon visage alors qu’elle prononçait ces mots. En effet, c’était une bien dure sentence pour deux demoiselles aussi bavardes que nous, qui aimait bien discuter de temps à autre. Mais en fait, il s’agissait de véritable torture, que ce soit avec elle, ou avec n’importe qui d’autres… Que Dieu maudisse Marcus, qui m’avait imposé cette saloperie. « C’est nul, comment font ceux qui ont un besoin presque vital d’entendre ta voix ? » J’haussais les épaules, d’autant plus désolé. Sauf crier, voir même rire – ce qui n’était pas interdit en soi – je ne pouvais piper mot. Sauf peut-être lors de la soirée ou des rassemblements au salon. Il me semblait qu’en ces cas précis, j’aurai droit à un relâchement sur le règlement. Vivement ces jours, alors. Je sortis néanmoins le calepin d’Ennio de ma poche, avant d’y griffonner quelque chose, que je tendis à Laoise. « Ils se l’imaginent, dans leur tête. » Petit sourire en coin, pour tenter de consoler ma camarade, qui devait faire son deuil de ma voix, cette semaine, tout comme je devais faire le mien.

S’il était insoutenable pour les autres de ne point entendre ma voix, imaginez-vous une seule seconde être à ma place. Je devais subir cette stupide imposition, et ne pas m’en plaindre, car c’était le jeu et que je devais m’y conformer. Encore une fois. La semaine prochaine, ce serait quoi? Parce qu’il y aurait quelque chose, j’en étais persuadée. Et ce petit quelque chose s’appelait une carte mystère. Qu’est-ce qui m’attendait? Je ne voulais même pas le savoir, en fait. « C'est vraiment pas pareil, je préfère t'entendre parler. » Je comprenais son désarroi, la pauvre. À force de garder ainsi le silence, j’allais finir par me convertir, et il ne fallait surtout pas que cela arrive ! « Tu imagines, je vais devoir parler pour deux ? Ça va être horrible pour toi. » Un large sourire étira mes lèvres. Cette éventualité ne me déplaisait pas, à moi. Je ne vois pas en quoi ce serait horrible de l’écouter bavarder de tout et de rien, faire un monologue dont je serai la seule spectatrice. « Surtout si je ne trouve rien à dire, ça va être encore plus pénible pour toi. » Je levais les yeux au ciel, puis me penchant un moment sur mon calepin, pour y rédiger un truc. « Arrête, voyons. Tu trouves toujours quelque chose à dire! » À ne pas en douter, elle ne risquait pas de m’ennuyer, au contraire, je comptais un peu sur elle pour me divertir, me changer les idées. Et rendre ce supplice un peu moins pénible. « Tu peux toujours essayer de me faire rire. » Que je sache, ce n’était pas proscrit. Et elle entendrait un peu de ma voix… même si parler et rigoler était deux opposés. Mais un son vaut mieux que l’absence totale de bruits.

« Je vais essayer. » Laoise n’avait pas l’air particulièrement convaincu de ce que j’avançais, à savoir qu’elle était capable de nous trouver de quoi discuter… enfin, pas vraiment nous, dans la mesure où je ne pouvais qu’écrire, ce qui donnait une sorte de dialogue à sens unique. Mais bref, je ne doutais pas de sa capacité à faire aller son imagination en ce sens. Peut-être en doutait-elle. Dommage. Je ne m’étais jamais vraiment ennuyée en sa compagnie, et ce n’est pas aujourd’hui que je laisserai ce jour arrivée. Voilà pourquoi je lui proposais une petite mission bien personnelle, même si départ, je lançais ça comme une simple remarque… Me faire rire. Elle en était capable, n’est-ce pas? « Ce n’est pas facile de faire rire les gens. » me contredit-elle, et j’hochais négativement la tête. Voyons, il ne fallait pas partir que sur du négatif, ma jolie. Allez, un peu de cran. Peu convaincu, la jeune femme avança néanmoins en ma direction, avec un air que je ne saurai décrire au visage. Bon, soit elle avait un plan derrière la tête – et j’aurai mieux fait de me méfier – soit, elle n’avait aucune idée de ce qu’elle allait faire. En bref, je ne savais pas à quoi m’attendre… et il ne me restait qu’une seule solution : attendre, justement. J’allais bien vite savoir ce qu’il en retournait, non?

- c'est affreux, je suis désolé -