featuring nora

J'étais dans la salle de vidéo-surveillance, en pleine recherche, et je me grattais la joue avec distraction. Hm. J'aimais pas cette pièce. Vraiment pas. Mais là, tout de suite, j'avais pas le choix. Le détour était indispensable. C'était ça où me trimbaler partout dans le château en demandant à tout le monde "t'as vu Nora? mince comme un clou, brune, avec un air idiot ?" parce que madame était introuvable. Non, on avait bien plus simple pour espionner les gens à Fake Lover. La salle de vidéo-surveillance. Dégueulasse mais efficace, dans ce genre de situation. Du coup, j'avais pas rechigné, et j'étais descendu jusque là. En moins d'une minute, j'avais finis par la repérer sur un écran en haut en gauche. Le lac? Ok. Hm, symbolique, en plus. Rapido presto, je remonte les marches quatre à quatre et sors du château. Oh, il a arrêté de pleuvoir. Cool. Ça n'allait sans doute pas durer, mais tant pis, c'était déjà ça de gagné. L'Irlande avait vraiment la palme, question climat à chier. Même en Belgique, il faisait moins moche qu'ici. Grommelant sur l'état du ciel, je traverse le parc, direction le lac. J'y arrive vite fait, ne voulant pas m'attarder dehors. J'en profite pour me griller une demi-sèche, remettant l'autre dans le paquet, histoire de la terminer à un autre moment. J'allais pas lui donner une excuse pour m'engueuler, en plus. Bref, j'arrive. Je la vois un peu plus loin. « Noraaa » je crie à voix basse, me déchirant la gorge au passage. Rien. Pas de réaction. Hm. « Nora ! » je fais, plus sèchement, un peu plus fort. Que dalle. J'rêve ou quoi. Elle le fait exprès, c'est pas possible. Soupirant, j'amène ma main jusqu'à la poche arrière de mon jean, de laquelle dépassait un petit bricolage fabriqué exprès pour l'occasion. Je l'en retire, et brandis devant moi le genre de drapeau blanc que j'avais confectionné à l'aide d'un bâton trouvé à l'orée de la forêt et d'une petite culotte blanche fixée dessus à l'aide d'une pince à linge. « GISELLE ! » je finis par hurler. Ah, enfin elle daigne se retourner, alors, aussitôt, je cours vers elle, brandissant bien mon précieux devant moi. « Je viens en paix. Pour te proposer une trêve. » Oui, qu'elle ne s'imagine pas que j'allais l'attaquer avec le bâton, ou que je cachais un indélébile dans la petite culotte. Je m'arrête face à elle. « Bon, tu regardes ? J'ai pas toute la journée, j'ai emprunté ça à Eva et j'aimerais la remettre ça à sa place avant qu'elle ne remarque qu'elle a disparu » j'avoue, mine de rien. Oui, parce que ne possédant pas de petite culotte blanche, ni de toute autre couleur, j'avais été obligé de farfouiller discrètement dans les affaires de ma partenaire, et je préférais qu'elle ne sache jamais que je lui avais piqué sa culotte, ne serait-ce que quelques heures et dans un but totalement louable.

J'en reviens pas. Elle se cache, carrément, la trouillarde. À croire que j'étais un fou sanguinaire qui allait lui planter un drapeau blanc dans le coeur, histoire d'être cynique en plus d'être dérangé. En plus, elle était complètement nulle sa cachette. On la voyait à mille kilomètres. Mes lèvres se barrent d'un petit sourire amusé et ironique, tandis que je m'énerve à l'appeler comme un con. Elle l'aura voulu. Là, elle n'a plus le choix, elle est obligée d'arrêter de faire semblant de ne plus me voir. Elle se redresse, commence à gueuler. Oula. J'l'ai pas ratée, quand même. Elle était encore un peu rouge, sous ses lunettes de soleil. J'écoute pas tellement ce qu'elle grogne, trop occupé à observer, fasciné, ses joues. Je me réveillé quand elle m'appelle Phillip. Quel prénom à chier quand même. Non? Presque autant que Giselle. Ouais, j'avoue que des deux, c'est quand même elle qui est la plus mal lotie. Bon, en contre-partie, Giselle elle était cool, quand même. Alors que le Phillip, là, avec son collant rose, franchement, middle. Au moins, Eric, il avait le style. Enfin, pour un prince de dessin-animé, en tout cas. Parce que j'avais remarqué que c'était rare que le prince soit vraiment bien sapé et tout. À croire qu'avoir le bon rôle et les belles fringues étaient incompatibles. Je retiens un éclat de rire, en la voyant s'agiter ainsi. Elle faisait du théâtre, la Nora? Je lui demanderai, un jour. Mais pas maintenant tout de suite, elle semblait de mauvais poil. Peut-être qu'elle s'était réveillée du pied gauche ? Encore un truc à lui demander. Lorsqu'enfin elle termine de s'exciter, détachant son regard du mien, je prends l'air offensé de celui qui est accusé pour rien. « C'est ta faute, mon amour ! Quelle idée de vouloir détruire une oeuvre d'art » je m'exclame. Bah ouais. Elle aurait pu laisser mes dessins sur sa face, au lieu de frotter comme une folle, ça lui aurait évité de ressembler à une nana qui sortait de son cours de sport. Puis merde, c'était pas aussi facile que ça de dessiner correctement sur la mollesse des joues humaines. « Et puis te la faire à l'envers, tout de suite les grands-mots... » et je réfute ses paroles d'un geste vague de la main. C'était bien mon genre que de la lui faire à l'envers. J'rêve. J'étais on ne peut plus réglo. Sérieux. Néanmoins, je prends la peine de réfléchir une seconde. Il lui fallait une preuve. Histoire qu'on puisse passer au moins une semaine tranquille. Une semaine à se faire chier comme des rats morts, en gros. « Et si je te disais qu'en gage de ma bonne foi, je... euh je... » commençais-je, ne sachant comment terminer. merde alors. Qu'est-ce que je pouvais faire pour qu'elle soit rassurée quant à mes intentions tout à fait nobles et louables? Comme un con, je regarde autour de moi, à la recherche d'une idée. « ... me jetais dans l'eau? » je propose finalement, avec un sourire lumineux, tandis que mon regard se repose sur elle. C'était bien ça, non? En plus, il faisait moche, donc l'eau devait pas être particulièrement bonne. C'était juste, non? Non. « Non, c'est nul. T'as pas une idée? » je lâche, secouant la tête, l'air embêté. Non, c'était vraiment à chier comme idée. Mais je la connaissais, elle trouverait au moins mille idées débiles en trois secondes.

Bien sûr que j'avais encore du papier. Enfin, non, en fait, dans la mesure où c'était Anabel qui avait réquisitionné mon unique bloc-notes la semaine où elle avait reçu l'interdiction formelle de prononcer un mot. Bon, j'avais été ravi de le lui offrir hein, y'avait pas de malaise. De toute façon, j'avais le tic d'écrire plus souvent sur mes mains ou mes chevilles que sur du papier, quant bien même il y en aurait eu devant moi. J'avais toujours fait ça, déjà ado, et c'était sans doute de là que me venait ma passion bien connue pour les tatouages. Sauf que là, rien à voir avec un problème de papier. C'était absolument et totalement voulu que ça soit son visage qui me serve de support. Bah ouais, c'était pas drôle, sinon. Pas drôle comme attraper la crève, ce qu'elle confirma. Bon, c'était déjà ça. sauf que... « Tu rigoles ou quoi, la dernière fois, j'avais au moins une quadruple pneumonie » je la contredis, soupirant au souvenir de cette atroce semaine et demi que j'avais passées au plumard. Heureusement que pépé tatoué et Ana étaient venus me tenir un peu compagnie. C'était genre la première fois que j'étais malade depuis mille ans. J'vous jure, en temps normal, j'ai un système immunitaire du feu de dieu. Y'a pas un microbe qui passe. Sauf que là, bah, il devait être parti en vacances, j'sais pas. Ou peut-être était-ce un virus particulièrement coriace, car ma partenaire avait également été atteinte. On s'était retrouvés tous les deux au pieu, comme deux petits malheureux. Trop marrant. Bref, pour des raisons évidentes, on écarte la proposition du bain improvisé dans le lac. j'veux dire, j'veux pas mourir d'hypothermie, moi. Au lieu de ça, elle réfléchit une seconde, son regard dévie sur un arbre, sur le côté, et plus précisément, une pomme accrochée pas mal loin au-dessus du sol. Instinctivement, je tourne la tête à sa suite, suivant la direction qu'indiquaient ses yeux, plissant les paupières pour apercevoir ce qu'elle regardait. Aïe mon oeil. bah ouais, merci Cucus, j'avais un sale oeil au beurre noir depuis hier matin et du coup, difficile de mettre mes lentilles. Heureusement que j'étais pas super myope et que j'avais mes lunettes. « C'est tout ? Aucun problème » je fanfaronne. J'avais fais mes preuves au grimpage d'arbre avec Adie, quelques semaines plus tôt, dans la forêt, alors ça ne devrait pas être trop compliqué. Surtout que les pommiers ne sont pas franchement les arbres les plus chauds à escalader, dans la mesure où ils ne devaient jamais faire plus de trois mètres de haut. j'étais certain d'atteindre une branche sans même lever les bras. Haussant les épaules, je trottine jusqu'à mon défi, me retourne vers Giselle, et, mettant mes mains en mégaphone autour de mes lèvres pour rire, je crie « tu comptes m'abaisser le futal pendant que je suis en train de risquer ma vie, ou c'est quoi le plan ? » Nan parce que c'était facile comme défi. À moins qu'elle ne me prépare un truc façon les Douze Travaux d'Hercule?