Le prime venait de se finir. J'avais salué London, sachant que je ne la reverrais peut-être plus jamais après cela. Dieu sait bien qu'en temps normal, je n'ai aucune difficulté à laisser partir les gens. J'crois que j'ai un certain trouble, mes parents n'ont jamais prêté attention à moi - que personne ne me dise que c'est parce que je suis roux, je le croirais pas - et depuis, j'arrive pas à nouer des liens. Mais dans ce château, j'ai l'impression que c'est différents. C'est bizarre à dire, mais certaines personnes comptent à mes yeux et London en faisait parti. J'sais bien qu'on s'est promis de ne pas s'attacher, mais au fond, je l'appréciais vraiment avec ses qualités et ses défauts. Voyant que désormais son destin était scellé et que je ne pouvais rien y faire, je décidais d'aller me coucher. J'avais juste besoin de fermer les yeux un peu et d'oublier que ma plus grande alliée vient de me quitter ce soir-même. J'avais peu dormi pourtant, la nuit avait été agité et je ne m'étais pas senti complètement à l'aise. Plutôt que de tourner inutilement, j'avais préféré aller prendre une douche d'abord et ensuite, je décidais d'aller prendre l'air pour me vider un peu la tête. J'avais besoin de faire le point, me remettre les idées en place et mes objectifs premiers qui consistaient à me faire passer avant toute autre personne de ce jeu. C'est au pont levis que j'arrive, instinctivement je sors mon paquet de clope, ensuite une clope que je porte spontanément à mes lèvres. Me surélevant, je pose mes fesses sur l'un des murs du pont. J'allume ma clope, je respire, j'expire, j'inspire , je me vide la tête. Ce départ ne doit pas m'atteindre, peu importe le temps que l'on a tous les deux passés ensembles.

FT ENNIO

C'est très clair pour moi, j'suis venu ici pour aller le plus loin possible et pour gagner des tunes. J'sais pas encore ce que j'en ferais mais c'est par fierté quoi. J'ai besoin d'objectifs dans la vie, je ne peux pas avancer sans but et ça a toujours été comme ça pour moi. J'suis un peu comme un âne qui avance à la carotte, moi c'est les buts qui m'aident à progresser dans la vie. J'ai voulu devenir jongleur, c'était mon objectif et à force de travail j'y suis parvenu. J'ai voulu montrer à mes parents que j'pouvais être un bien meilleur parent qu'eux et je pense m'en tirer très bien avec mon gamin. Pour gagner ce jeu, je m'étais promis de ne jamais faire passer quelqu'un avant moi, et je n'avais pas encore déroger à cette règle, je comptais pas le faire de toute façon. Mais il était important pour moi de bien replacer ça dans mon esprit. Le jeu c'est le jeu et les affinités ne doivent pas intervenir là-dedans. JAMAIS ! Pas même pour mes plus proches amis, comme Jamie. J'pensais pouvoir rester seul à réfléchir de la sorte pendant longtemps mais fallait pas trop compter là-dessus dans le coin. Si il y a bien une règle à retenir c'est que peu importe où tu vas, tu finiras toujours par être rejoins par quelqu'un d'autre. Cette fois, c'était la voix d'Ennio qui m'indiqua que je n'étais plus seul. Si cela pouvait me déranger au début du jeu, je m'y étais finalement habitué et maintenant, ça allait beaucoup mieux. La présence des autres candidats ne m'insupportait plus. « C'est cool que tu sois resté mec mais, arrête-moi si je me trompe, t'as pas l'air particulièrement heureux » Je tourne la tête aussitôt, laissant un nuage blanc filé entre mes lèvres. « Si ça va, j'suis content d'être resté. Vraiment. Disons que j'étais pas habitué à vivre au sein de ce jeu sans London. J'ai perdu mon équipe. Enfin, un bout. Mais ça va, t'inquiète. » J'sais pas pourquoi je lui disais ça à lui ? sans doute avais-je besoin d'en parler sans réfléchir et Ennio s'était présentait donc. « Toi, ça va ? »

« Moi ? Toujours » Y a des gens comme ça, des gens qui vont toujours bien même lorsqu'ils vont mal. Y a plusieurs choses qui peuvent expliquer le fait de toujours aller bien. J'pense que ces personnes , lorsqu'elles vont mal, n'ont pas envie de le faire partager aux autres, peut-être que ces personnes se sous-estime par rapport à d'autres et estiment que leurs problèmes sont minimes comparés à ceux de certains. Je dis pas que c'est le cas d'Ennio, mais ça pourrait très bien l'être. Je le connais pas tant que ça, alors je peux pas me faire une idée correct par rapport à son cas et peut-être que lui, il va vraiment toujours bien. J'ai pas cette chance en tout cas, certainement pas aujourd'hui. J'dis pas que le départ de London m'est insurmontable, rien ne l'est. Tout est surmontable mais il faut un certain temps d'adaptation avant que je ne me fasse à son absence quotidienne. Malgré tout, je l'aimais bien. J'aurais aimé plus la connaître encore, approfondir ce que je connaissais d'elle. Parce que je crains désormais de ne plus jamais la revoir. Je vis en Europe, première difficulté. J'fais parti de ceux qui n'ont pas vraiment de domiciles fixes, à cause du cirque, deuxième difficulté. J'ai pas beaucoup d'amis en dehors de ma famille et quand je parle de famille, je ne parle pas de ma famille biologique mais bel et bien de ma famille du cirque. J'éprouve pas le besoin d'avoir d'autres amis, et en plus, c'est difficile de créer des liens lorsque l'on voyage tout le temps. Voilà, je pense que je reverrais plus London. Et je l'explique à Ennio, j'ai besoin d'en parler à quelqu'un et il est là, alors je pense que je peux lui faire confiance. En tout cas, il ne m'a jamais prouvé le contraire, j'pense pas que ce soit un méchant gars ce petit là. « Je comprends, je crois que je réagirais pareil si Eva était éliminée... » Je redresse alors la tête, redresse mes épaules. C'est pas le moment de te laisser abattre Marcus, tu vaux mieux que ça. Tu dois aller loin dans ce jeu. Pas de baisse de morale. Plus de baisse de morale. Je me motive comme je peux. Parce que faut pas que je perde pied pour un simple départ. Et puis j'sais pas quoi lui dire d'autre à Ennio, oui, sans doute réagirait-il comme ça lui aussi. Les liens crées ici sont à mes yeux bien plus fort que nos liens extérieurs et je sais de quoi je parle étant donné que je ne m'attache à personne en temps normal. J'ai même pas de meilleur ami ou d'autres conneries de ce genre. J'pense que les gens sont fait pour entrer dans nos vies et en ressortir, personne ne perdure éternellement. « Tu veux me frapper ? » J'balance la tête de droite à gauche, j'vais pas le frapper quand même ! « J'veux dire, tu te sentirais peut-être un peu mieux. » C'est vrai que j'ai vu ça dans plusieurs émission comme le grand frère. Parait que ça aide. Alors je réfléchis à deux fois à l'idée d'Ennio. «Sérieux, je te le propose en toute amitié, je t'en voudrai pas ni rien. Enfin, si tu pouvais juste éviter de me shooter dans les couilles, j'apprécierais le geste » Au moins il arrive à me faire sourire, non parce que jamais je comptais lui shooter dans les couilles, je sais à quel point c'est important pour un mâle ce genre de truc là. Sans ça, pas de vie hein. « D'accord. » C'est ce que je me contente de dire tandis que je descends du petit muret sur lequel je suis assis depuis un moment déjà. Je dépose ma clope sur ce muret et m'avance en direction d'Ennio, je me concentre et donne un premier coup de poing à celui-ci. J'espère qu'il m'en voudra vraiment pas. J'en donne un autre. Il a raison, ça m'aide un peu. Mais j'veux pas en donner plus, j'veux pas le blesser d'avantage. « Allez, on arrête les frais. Et on demandera un punching ball à Cupidon. Comme ça, j'serai pas obligé de te taper toi ! » J'apprécie cependant le geste du candidat. « Et merci. » Je lui revaudrais ça le jour où il aura besoin de taper sur quelqu'un aussi. « Parlons d'autres choses, ça va me changer les idées. » Bon, j'ai pas d'idée précise mais j'suis sûre qu'il va trouver un truc. Un sujet de discussion.

J'ai lancé mon poing dans le visage d'Ennio, comme ça d'un coup. A partir du moment où mon poing est parti, s'est élancé. Je n'ai plus pensé à rien, j'agissais guidé par une pulsion qui me disait que j'en avais besoin. J'vais pas mentir et dire que je ne me suis jamais battu. Je l'ai fais plusieurs fois. Quand j'étais jeune et inconscient, j'avais tendance à user souvent de mes poings. Pour moi, les coups que je donnais étaient la seule solution pour lutter avec certains de mes problèmes. Quand j'suis parti de chez moi, j'étais jeune. J'ai du me débrouiller seul et affronter certaines choses seul. J'étais obligé de savoir me défendre un peu et ce, même si j'suis pas le mec le plus musclé qui soit.Oui, je me suis donc déjà battu pour des choses qui me paraissent tellement futiles aujourd'hui. Cependant, jamais je ne toucherait à un cheveux de ma femme ou de mon fils, même dans mes plus gros excès de colère. Je ne pourrais d'ailleurs pas le supporter et je pense que je m'en voudrait tellement que j'en crèverais. Quand j'ai un problème avec ma femme, soit j'en discute avec elle, soit je me casse et j'attends que ça nous passe. C'est pas la meilleure solution qui soit, mais au moins je ne lui tape pas dessus. J'suis pas un mari exemplaire mais je lui dois bien ça. Pour ce qui est de mon fils, lorsqu'il fait une bêtise, c'est le coin qu'il rejoint. Il est encore jeune mais c'est pour moi ce qu'il y a de mieux à faire avec un enfant, ça lui permet de réfléchir aux petites bêtises qu'il a fait. Alors qu'une claque, ça ne vaut rien du tout et ça ne lui enseigne rien. J'veux pas devenir un monstre aux yeux de mon petit, je m'y oppose formellement. « Avec plaisir » Je le vis frotter son visage. J'avais sans doute frapper un peu fort mais cela n'avait rien de méchant et surtout ce n'était pas contre lui. C'était sa proposition que j'avais simplement accepter et diable ce que cela me faisait du bien. L'espace d'un instant, ce geste m'avait permis de me vider la tête et de ne plus penser à tout ce que le départ de London pourrait engendré par la suite. C'est à dire devoir vivre avec une nouvelle partenaire et pas n'importe laquelle, Valentina avec qui la vie n'avait pas toujours été rose. Faute à qui ? A moi sans aucun doute. Je l'avais très vite jugé, j'suis doué pour juger au premier petit coup d'oeil mais c'est pas ce qu'il y a de mieux à faire. « J'suis désolé mec. » Vu la douleur que je ressens sur mon poing, il doit bien avoir mal lui. Je secoue un peu ma main, pour faire passer la douleur. C'est un réflexe inutile mais c'est mentale comme truc. Mais pour moi, le meilleur moyen de me faire oublier c'est simplement de discuter d'autres choses. Si je parle d'un autre sujet, j'oublierai forcément que je ne suis pas au top de la forme en ce moment. Et je le laisse choisir le sujet en plus. J'suis pas étonné qu'il choisisse mon secret comme sujet de discussion. C'est pas con, après tout, on est tous là pour la chasse au secret. J'souris à Ennio. « ça marche, mais seulement si on parle du tien la prochaine fois qu'on se croise. » Je comptais pas lui livrer mon secret sur un plateau d'argent. J'voulais le garder le plus longtemps possible et ça tombait bien, pour le moment aucun buzz ne m'était destiné. «Genre est-ce qu'il concerne ta famille ? et par famille, j'entends, famille proche, rejetons, femme, belle-famille... » Question typique, mais intelligente. J'relevais un sourcil avant de répondre. « Ouais, ça se pourrait bien que ça concerne ma famille. » Voilà, c'était même assez clair là. Et puis tout ce qui me concernait, concernait également mon fils et ma femme. Nous étions plus liés que ce que je laisse paraître. Nous sommes solides.

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