Il y avait un problème. Tweedy en était presque sûre. Si quelques instants plus tôt rien ne l'avait alerté, elle en vint rapidement à cette conclusion lorsqu'elle entendit de drôles de bruits s'échapper du couloir où elle se promenait justement en ce début d'après-midi. Et tandis qu'elle cherchait d'où pouvait bien provenir ces bruits improbables, elle en déduisit rapidement que ça ne pouvait venir que de la salle de musique. Oh bon sang, devait-elle en conclure que ça n'étaient pas de simples bruits, mais bien des notes de musique ? Oui bon, il faut dire qu'elle n'avait pas l'ouïe très fine, et puis que ... non en fait, c'était horrible à écouter. Si bien que Tweedy songea à s'éloigner de cette porte entre-ouverte, de peur sans doute d'assister à un spectacle cauchemardesque. Genre un candidat attaquant le piano à la scie sauteuse, hm. Mais malgré tout, sa curiosité ne tarda pas à s'imposer, si bien qu'elle se retrouva rapidement à pousser la porte, histoire d’apercevoir quelque chose. Et là, bon dieu, elle vit simplement Laoise s'essayer au piano. Pas avec un marteau, pas avec un couteau, pas avec une tondeuse à gazon ... Non, simplement avec ses doigts. Ah, bon. Peut être que tout cela lui paraitrait bien plus mélodique maintenant qu'elle était disposée à mieux entendre, hm ? Et bien non, même pas. C'était presque pire, en fait. Si bien que Tweedy en avait, à chaque note jouée, les poils des bras hérissés. Indéniablement, cette pauvre Laoise n'avait aucun talent de pianiste. Mais ça n'était pas dramatique, dans la mesure où ça ne lui enlevait rien. Et puis, nombreux devaient être les autres domaines où elle excellait probablement, après tout. Quoi qu'il en soit, Tweedy entra pour de bon dans la salle et attendit que sa camarade ait terminé. Mais alors qu'elle comptait se manifester, elle fut grillée avant. Bon, tant pis. La réaction de Laoise la fit alors ricaner. Et là, une question tortura son esprit : devait-elle aller dans son sens et lui confirmer que le piano n'était pas son truc, ou lui mentir en prétendant qu'elle avait manqué de pleurer d'émotion ? Hm, dur dilemme. « Je ne pensais pas trouver plus talentueuse que moi dans ce nid, et pourtant ... » lâcha-t-elle finalement, sur un ton faussement sérieux. Oui bon, ça ferait l'affaire, sans doute.

Très sincèrement, une loi devrait interdire de jouer aussi mal, ou du moins, de s'amuser à pianoter lorsqu'on est dénué de tout talent en matière de musique. Parce que ça ne pouvait donner qu'un résultat quelques peu catastrophique, au final. La preuve ici. La pauvre Laoise était peut être extrêmement belle, extrêmement sympathique, extrêmement attachante ... mais elle n'était pas extrêmement douée pour la musique, hm. Okay, il y avait sans doute pire. Un rat jouerait moins bien qu'elle, c'est certain. Mais dans la mesure où même Tweedy, qui ne maitrisait pourtant pas toutes les bases d'un tel instrument, étant capable de jouer bien mieux qu'elle, c'est que Laoise souffrait d'un niveau infligeant. Non vraiment, elle ressemblait fort à un cas désespéré. Pour autant, il aurait été particulièrement cruel de lui renvoyer son non-talent dans la tronche à peine arrivée, n'est-ce pas ? Ainsi donc, Tweedy s'abstint de le faire. A la place, elle entra aisément dans le jeu de sa camarade, qui avait alors prétendu avoir du talent. Ah mais oui, maintenant qu'elle en parlait, il est vrai qu'elle était sacrément talentueuse. Au moins autant que Tweedy. Non, bien plus que Tweedy en réalité. Une vraie virtuose, cette Laoise hein. Mais voilà qu'elle s'adressait à Tweedy sur un ton qui déplut quelques peu à cette dernière. Parce que ça ressemblait fort à un reproche, non ? Bien sûr que si. Bon, peut être pas tant que ça ... Mais quand même, insinuer qu'il serait bien que Tweedy soit venue écrire une chanson pour Laoise en guise de pardon, c'était un peu fort. Non mais oh. Les sourcils de la petite brune se froncèrent alors quelques peu, tandis qu'elle fit un ou deux pas à travers la pièce, s'approchant par la même occasion du piano. « Me faire pardonner pour l'autre jour ... ? » fit-elle, tandis qu'elle croisa les bras et dévisagea intensément sa camarade. « ... quand j'ai énoncé l'exacte vérité, tu veux dire ? » reprit-elle, sur un air satisfait. Non, elle ne la provoquait pas à nouveau. Pas méchamment, du moins.

Il semblerait que l'on ait déniché un nouveau talent au sein de cette aventure. Une pianiste à la destinée flamboyante, c'était certain. Car Laoise ferait pâlir d'envie les plus grands musiciens de ce monde. Il faut dire qu'avec un talent comme le sien, elle aurait bien tort de ne pas vouloir le montrer à tout le monde, hein. Tweedy, par exemple, n'en revenait pas de côtoyer une future vedette, hm. Elle osait même espérer que Laoise se souviendrait d'elle lorsqu'elle se serait produite dans les plus grandes salles de Concerts au monde. Bon d'accord, tout cela était affligeant. Non, Laoise n'était pas dotée d'un talent remarque pour la musique. Et même, l'on pouvait clairement dire qu'elle était d'une profonde nullité une fois face à un piano. C'est bien simple, de nombreux téléspectateurs avaient du porter plainte pour nuisance sonore. Si, si. Tweedy, elle, était partagée entre le désir de rire de sa camarade - pas méchamment, évidemment - et celui de pleurer en hommage à la mélodie massacrée de tout à l'heure. Mais finalement, et lorsque Laoise lui proposa de lui écrire une chanson à la gloire de son immense talent, Tweedy ne trouva rien de mieux à faire que de provoquer sa camarade. Oui, elle osa récidiver. Décidément, Tweedy n'avait peur de rien, et certainement pas de Laoise. Non non, elle ne lui faisait pas peur. Pas le moins du monde, même. Parce qu'elle avait beau lui assurer qu'il lui arriverait quelques bricoles à force, Tweedy n'était disposée qu'à s'amuser de ses paroles. « Ne me dis pas ça, déjà que je suis apeurée ... » Oh oui, au moins. C'était même un remarquable euphémisme, hm. Non franchement, Laoise continuait sérieusement de penser qu'elle effrayait Tweedy ? Voyons, c'était tellement naïf. La petite brune vint à son tour poser un doigt sur l'une des touches du piano, faisant résonner un son peu audible. « Mais dis-moi, où as-tu appris à jouer du piano à la perfection ? » ironisa-t-elle gentiment, en plaisantant très clairement. Parce que bon, Laoise comprendrait probablement aisément l'humour de Tweedy. En même temps, il serait bien impensable qu'elle la croit sérieuse, à condition d'être réaliste ...

Bon sang, Tweedy était terrifiée. Et encore, voici un bel euphémisme. Parce qu'elle était carrément terrorisée par sa camarade. Il faut dire que celle-ci parvenait à lui faire très peur. Oh oui. C'est bien simple, si Tweedy parvenait à trouver le sommeil cette nuit, ce sera un puissant miracle. Parce que lorsque Laoise prenait cet air menaçant, Tweedy craignait véritablement de subir les foudres de sa camarade. A moins, bien sûr, que tout cela ne prenne pas avec elle. Oui, il était en fait tout à fait probable que Laoise ne parvienne pas le moins du monde à l'effrayer et que la petite brune ressente simplement le besoin de se moquer un peu d'elle, hm. Mais voilà que Laoise lui fit savoir qu'elle était ... attendez voir ... autodidacte. Tweedy lâcha spontanément un petit rire. Oui, ça l'amusait. Parce que si Laoise était autodidacte, et bien, elle avait très probablement l'oreille absolue ... « Ah bah oui, tout s'explique » fit alors la petite brune, sur un ton naturellement ironique, mais surtout amusé. Oh, elle pouvait bien entrer dans son jeu. Qu'est-ce que ça lui coûtait, après tout ? C'est alors que Laoise partit en plein délire. Elle voulait visiblement se venger de Tweedy, et avait pour ce faire de drôles d'idées. Enfin, "drôles" n'est peut être pas le mot qui conviendrait ... Disons surtout que ses idées étaient affreuses. Oui, parfaitement, affreuses. Parce qu'entre un shampoing à la crème dépilatoire, une allergie provoquée et un piège dans la forêt, l'on pouvait dire que l'imagination de Laoise était diaboliquement débordante. Attendez voir, elle était carrément censée choisir, en plus ? Genre, entre la lèpre, la peste et le choléra ? Non mais oh, n'importe quoi Laoise, vraiment, n'importe quoi ... « Je ne me laverai plus jamais les cheveux, du moins tant que je serais ici ... Je n'ai aucune allergie, Sami pourra d'ailleurs en témoigner ... Et je ne m'aventure plus dans la forêt que pour tenter d'apprivoiser mon enfant en compagnie de son père ... et je pense qu'il s'en chargera parfaitement bien tout seul. » Autrement dit, inutile de faire un choix quand on peut se contenter de faire comprendre à Laoise que tout cela était tout bonnement irréalisable. Que voulez-vous, Tweedy était bien trop maligne pour elle.

Au secours ! Mais que quelqu'un vienne aider Tweedy, et tout de suite, nom de dieu. Parce qu'à ce train là, elle ne finirait pas la journée. Oh non. Avec une Laoise aussi dangereuse, elle allait même avoir du mal à passer l'heure. Il faut dire que celle-ci mettait tout en œuvre pour effrayer sa pauvre camarade qui, naturellement, était au bord de l'évanouissement. Tant d'émotion, tant de frayeur, ça n'était assurément pas bon pour elle, hm. A moins que tout cela ne marche en fait pas le moins du monde sur Tweedy. Oui, peut être bien qu'en fait, la jeune femme trouvait drôle de mimer une certaine terreur, alors que le comportement de sa camarade parvenait tout juste à l'inquiéter, et qu'il la faisait surtout rire ... Oui, c'était très probable qu'il s'agisse en fait de cela. Par contre, elle ne manqua pas de découvrir une drôle de facette de la personnalité de Laoise, une facette qui pour le coup aurait de quoi sérieusement l'apeurer. Parce que celle-ci se mit à réfléchir à ce qu'elle pourrait faire pour se venger de Tweedy, et que les idées qu'elle énonça ne manquèrent pas d'être diaboliquement bien trouvés. Sauf que ... sauf que ... sauf que ... rien ne saurait marcher sur la présente petite brune. Il faut dire que Tweedy était bien trop maligne pour tomber dans le moindre piège. Et elle en avait vu d'autres, sachez-le. Ainsi donc, désolée pour Laoise, mais aucune de ses idées ne saurait véritablement marcher. Mais voilà que la jolie blonde n'en resta pas là et parla maintenant d'un laxatif dans un verre. Ah oui ? Ben dites donc, elle avait une sacrée imagination la demoiselle. Peut être un peu trop ? « Alors je mourrai assoiffée » déclara-t-elle spontanément, comme si elle était véritablement prête à cesser de boire, de crainte d'avoir à faire à un sale coup de Laoise. C'est alors que cette dernière crut intelligent de se remettre à jouer du piano, ce qui ne tarderait pas à être une torture pour les oreilles de tout individu l'entendant pianoter. Oh bon sang, on ne pouvait laisser faire ça. « Tu veux précipiter la fin du monde, malheureuse ?! » s'écria alors Tweedy, qui manqua de bondir sur le piano pour en éloigner sa camarade, mais qui se contenta de saisir doucement le bras de cette dernière. Et, comme à son habitude, elle exagérait à peine.