(28/09, 13h57)
FISH IN THE DISH, W/ JARED.

Le poisson me manque. La plupart des gosses déteste les repas du vendredi midi à la cantine, synonymes de colin beignant dans une mare de flotte ou autre saumon desséché: pas moi. En même temps, en tant que fils de pécheur, il est normal que je sois adepte de la nourriture de la mer, sans quoi j'aurai l'air... bien ridicule. Epris donc d'une folle envie d'aller me concocter de quoi me rassasier; alors que je sais à peine me servir d'une poêle; je quitte donc la jolie jeune femme avec laquelle je discutais; non sans lui avoir proposé une part de mon futur repas ichtyen, chose qu'elle déclina avec une mine assez dégoutée; en direction des cuisines de la cantine mises à notre disposition. Après une habituelle pause nicotine, je pousse la porte d'entrée, souris à un mec attablé dont j'ai oublié le prénom et dont le visage est l'archétype même de celui du petit con qui fait chier tout le monde au lycée, et m'avance donc vers la cuisine. Je sonde un instant le frigo, puis le congélo, en sors une barquette de filet de rouget; merci à mes grandes connaissances en la matière; puis décide, après longue réfléxion, de me préparer l'entièreté de la chose; aux grandes faims les grands moyens. Je jète un coup d'oeil circulaire à la cuisine, entreprends d'ouvrir tous les placards; la tâche s'avère plus compliqué que prévu. Je me retourne brièvement vers le fameux gars toujours dans mon dos, l'apostrophant rapidement. "Dis, mec, tu s'rais pas des fois où s'trouvent les poêles?" A la volée, j'ouvre d'autres portes, explore d'autres coins des rangements, sans succès. "Et l'huile d'olive par la même occasion." Je me gratte un instant le crâne, fronce les sourcils devant mes biens piètres qualités de détective. "Puis les couteaux aussi." Je me frotte les yeux, me tourne vers le mec; bizzarement, il m'a pas l'air très réceptif.

Je suis assis tranquillement dans la cantine en train de manger mon sandwich quand un mec entre dans la cuisine, il me sourit, je souris sans dire un mot et continue mon sandwich alors que j’entends ce mec s’agiter dans mon dos dans la cuisine. Moi je m’en fou, je continue ma vie mais apparemment il a besoin de moi puisqu’il m’apostrophe. "Dis, mec, tu s'rais pas des fois où s'trouvent les poêles?" Je jette un regard derrière moi au candidat, termine mon sandwich et m’apprête à lui répondre quand il continue avec ses questions. Et l’huile d’olive. Et les couteaux. Ok il est aveugle ou quoi ? Je me lève, je ramasse les miettes de mon pain avec ma serviette et jette le tout à la poubelle. « Attends. » Je fais avant de me laver les mains, bah ouais je viens de manger quoi. J’attrape un essuie de vaisselle et me sèche les mains avec avant d’ouvrir un tiroir pour les couteaux, le garde manger en hauteur pour l’huile d’olive et finalement une armoire en bas du garde manger pour les poêles. « Et voilà. Dis, tu cuisines bien ? » Si il cuisine bien, il va devenir mon nouveau meilleur ami. Moi, je suis trop nul pour ça. Oh et… « J’suis Jared. » Au cas où, hein.

Pas si tête à claques que ça au final le bougre; à vrai dire, je n'attendais à ce qu'il me jete son sandwich peu ragoutant au visage, rien ne pouvait ainsi m'atteindre. A mon grand étonnement donc, il se lève et, optempérant, sort des placards dans lesquels j'avais pourtant déjà fouillé, tout ce que je lui avais demandé. Tout au long de la manoeuvre, j'arque les deux sourcils de concert à m'en faire mal au front tant sa réaction me surprend; agréablement, cela va sans dires. Nota bene: ne plus jamais ainsi juger les gens, même si leurs gueules ne te reviennent pas. Presque balbutiant, j'ouvre à peine la bouche. "Hm, ben, nickel, merci mec." Armé de mon couteau, j'affaire à la tâche, recoupe les filets, mets la poêle à chauffer; tout un programme fort excitant, en bref. Si je suis bon cuisinier? Je ricane, ne lève pas les yeux, trop concentré sur mon ouvrage. "Pas vraiment non, bien au contraire. J'sais juste faire cuire du poisson, mes capacités vont pas plus loin qu'ça." Monsieur est intéressé? Désolé Sir, je ne sais même pas faire cuire des pâtes correctement. Il se présente, je relève la tête, pose mon couteau puis me lave les mains, m'apprêtant à lui tendre la droite, me ravisant aussitôt, fronçant des sourcils. "'Scuse-moi, déformation professionnel. J'suis Louis, enchanté." Le monde ultraviril des marins-pécheurs, bercé par les poignets de mains puissantes et autres volutes de Gitanes caractéristiques. "J'te prépare une assiette ou ton super jambon/beurre t'suffit? C'toi qui voit." Je sens une sorte de malaise, il me fixe bizarrement: sa manière de toiser tout le monde? Je suis plus grand que lui de dix bons centimètres. Et bam.

"Hm, ben, nickel, merci mec." Fait-il, manifestement un peu étonné du fait que je l’ai aidé. J’ai l’habitude, j’ai la gueule du mec qui va te faire chier dès qu’il en aura l’occasion mais le fait est que je ne suis pas méchant. Je suis beaucoup de choses mais je n’ai que très rarement pour but de blesser les gens. Les faire chier… C’est autre chose, parce que c’est particulièrement amusant mais là il avait besoin d’aide, il a pas l’air chiant alors je l’ai aidé. « Derien. » fis-je simplement en me posant contre un meuble. "Pas vraiment non, bien au contraire. J'sais juste faire cuire du poisson, mes capacités vont pas plus loin qu'ça." Personnellement je trouve ça relativement admirable parce que le poisson c’est pas forcément facile à faire. Enfin j’aime pas spécialement ça à la base donc c’est normal que je ne m’y sois jamais intéressé. « C’est déjà ça. » Remarquais-je en haussant les épaules. Ensuite, je me présente. Le candidat se lave alors les mains et s’apprête manifestement à me tendre la main avant de se raviser, tout ça avant même que je ne puisse esquisser un geste. "'Scuse-moi, déformation professionnel. J'suis Louis, enchanté." Je souris. « T’es pêcheur ? » Je demande encore une fois, mes questions vont le saouler à force mais je suis presque certain de ne pas me tromper. Ou alors il adore vraiment beaucoup le poisson. Possible aussi. "J'te prépare une assiette ou ton super jambon/beurre t'suffit? C'toi qui voit." Je secoue la tête. « Non, merci. J’ai assez, je mange peu. » C’est même pas pour ma ligne, parce que sérieusement je suis à peine plus épais qu’une feuille de papier mais c’est juste qu’a force de vivre avec peu de moyens on s’habitue à manger relativement peu. J’me plains pas, c’est ma vie, au moins je la mène comme je l’entends.