candace + branca

J'aime pas les cimetières, qui peut dire aimer ça d'ailleurs ? Et qui a eu l'idée de nous laisser le cimetière, comme si c'était amusant de se promener là-dedans à moins qu'on soit un peu timbré sur les bords. Le genre qui ne craint pas la mort, le genre qui, donc, ne s'est certainement jamais retrouvé face à la mort ou tout du moins, assez près pour se rendre compte des réelles conséquences que cette dernière engendre. Donc je n'y vais jamais, rarement, seulement en cas d’extrême urgence et là, je sais pas comment j'ai fait mais j'ai réussi à me retrouver dans ce cimetière encore plus glauque que les autres avec ses pierres tombales sans âge et ses petits drapeaux français moisis voletant. J'ai du marcher, fumer une clope, marcher sans regarder autour de moi, fumer une seconde clope et lorsqu'enfin j'ai fini par lever les yeux, j'étais dans le cimetière. Merde. Cet endroit que je fuis comme la peste, où je m'étais juré de ne jamais aller, préférant largement le bistrot, les caves ou même le lavoir. Pour autant, jsuis là alors je prends mon courage à deux mains et je parcours lentement les allées. Des noms, des tas de noms, des morts, tellement de morts... et puis, alors que je repose mon regard sur l'horizon, j'y vois une femme, une silhouette que je connais pour avoir déjà partagé plus que quelques mots au prime ou aux soirées avec elle. Elle m'intrigue, il faut le dire aussi. Déjà, elle est mariée, venue avec son mari, obligé de supporter de le voir pioncer avec une autre. Je sais pas ce que ça peut faire, j'ai jamais été mariée et encore moins amoureuse d'un mec. Et puis, elle a du culot et du tempérament, ce qui n'est pas pour me déplaire étant donné que les autres pimbêche à deux balles me pompent déjà le système. Je m'approche donc, j'imagine qu'elle n'est pas entrain de se recueillir sur la tombe d'une quelconque connaissance, je ne risque donc pas de la gêner. « Les morts sont certainement de bien meilleure compagnie que certains candidats, je suis bien d'accord. » dis-je en guise d'introduction, une chose que j'assume complètement d'ailleurs...

Les gens n'aiment pas les cimetières, trop glauque, trop... Trop. Je ne sais pas, moi ça ne me dérange pas particulièrement. La mort ne m'a jamais fait peur, rien ne m'effraie il faut dire. Ce n'est donc pas si étrange me trouver assise contre une tombe au beau milieu de l'après-midi. Je suis dans une phase où j'ai besoin de faire quelque chose d'intelligent, et ici, les seules choses intelligente que j'ai trouvé consistent à lire. J'adore lire, aussi étrange que cela puisse paraître, il n'est pas rare de me voir le nez plongé dans un bouquin. Par contre, je ne supporte pas lire dans un brouhaha, je me suis donc isolée. J'ai marché dans le village et j'ai trouvé logique de venir m'isoler ici. De toute évidence c'est loin d'être l'endroit le plus fréquenté, je n'ai aucune chance d'être dérangé. En théorie du moins. Je suis plongée dans ma lecture d'American Psycho, sans doute l'un de mes romans préféré, fumant comme à mon habitude lorsque j'entends des bruits de pas. Je ne relève pas la tête d'autant que je suis au beau milieu de l'une de mes scènes favorites : Bateman a fait appel à des calls girl avec qui il est entrain de s'amuser. Le niveau de sadisme est à son paroxysme pourtant une voix s'élève. Je suis sur le point d'envoyer l'inconnu se faire foutre cependant je reconnais la voix de Branca et me ravise. Elle ne m'est pas désagréable. « Les morts sont surtout silencieux contrairement à eux... » Je désigne bien évidemment les autres candidats, leur piaillement incessant m'oppressent. Je termine la lecture de mon paragraphe avant de finalement poser mon livre, sur le sol et lève la tête vers elle. Je l'observe, elle n'a pas le genre de personne à aimer errer dans un cimetière, elle n'a pas l'air aussi à l'aise que je le suis. Je secoue ma cigarette laissant les cendres s'écraser sur le sol avant de la porter à mes lèvres. Je souris légèrement. « Qui fuis-tu comme ça ? » Je demande, légèrement intriguée.

Au moins, on est sur le même longueur d'ondes et je suis rassurée de ne pas être la seule que certaines conversations et piaillements finissent pas soûler et énerver à la longue. Non, jsuis pas une meuf qui prend des jolies photos, qui écoute de la musique indé ou qui sort de grandes et belles phrases, j'avais et j'ai toujours autre chose à faire dans ma vie et ça n'est pas près de changer à présent et ce même si je n'ai que vingt-trois ans. Il y a des choses comme ça, gravées dans ma peau et qui jamais en me quitteront. C'est aussi pour ça, mes tatouages, parce que je ne veux pas oublier certaines choses et je me dis que si à jour cela venait à arriver, j'aurais toujours un rappel à l'ordre qui me fera de l’œil dans le miroir. Elle lisait, peut-être que je l'interromps, je n'en sais rien mais je me doute qu'elle ne se serait pas gênée pour me renvoyer chier si ça avait été le cas. On dit que la femme devient plus douce en se mariant, à croire que Candace en est devenue encore plus farouche. « Je ne sais pas si on peut faire plus bruyant en effet mais j'imagine que c'est le jeu, une armée de gens peu loquaces comme moi n'aurait certainement pas fait grimper l'audimat. » Et c'est ce qu'il cherche non ? Faire grimper l'audimat en nous mettant en couple, en nous lançant des soirées étranges et des missions sournoises. « Personne, je marchais et jme retrouve ici. Et toi ? Tu lis quoi ? » Question que je n'aurais jamais pensé posé ici, vraiment. « Toujours calme à l'idée de voir ton mari dormir avec une autre ? » je demande. Je suis pas sûre d'avoir eu une réponse claire la dernière fois et comme ce point m'intrigue particulièrement...

Je suis d'accord avec Branca, enfin en partie. C'est vrai que des gens qui ne parlent pas ça peut devenir rapidement ennuyeux, mais de là à raconter n'importe quoi en permanence, il y a de la marge. « Si seulement ils ne parlaient pas pour ne rien dire ça rendrait service à tout le monde... » Je réponds, lasse. Mais bon, je présume que je ne suis pas assez tolérante, pas avec ce genre de choses du moins. Mais elle a raison, ici tout est question d’Audimat, ni plus ni moins. Nous sommes des pions qu'ils manipulent avec plaisir, des pions qui leur rapporte un max d'argent, mais il n'y a pas de quoi se révolter, on en est tous conscient. Je viens de l'interroger, elle me répond. Je regarde la couverture de mon livre. Le nom de l'auteur en gros, un fond immaculé, du sang la souillant. Je souris avant de lever les yeux vers la candidate. « Je lisais simplement. American Psycho, Bret Easton Ellis, une pure merveille. » Je lance d'un ton neutre. Et puis, d'un geste de la main, je l'invite à s'installer à mes côtés, sur la tombe de... Je me retourne un instant. Jeannine. Elle ne nous en voudra pas, j'en suis certaine. Elle m'interroge à nouveau quant à ma possible jalouse. Je ris. « Toujours oui, je m'en moque pas mal à vrai dire. » Je réponds d'un naturel déconcertant, avant de finalement poursuivre. « On se fait confiance, c'est suffisant. » Je préfère ajouter, pour ne pas paraître pour la femme indifférente que je suis pourtant. Je présume que si elle insiste sur ce sujet c'est qu'elle en serait sans doute incapable. « Ca te parait à ce point difficile à concevoir pour que tu insistes ? » Je demande particulièrement amusée.