Mince. J'crois que je suis paumée. C'est ça qu'elle se dit depuis de longues minutes, Ismay. Autant son sens de l'orientation terrestre n'était plus à remettre en cause, autant en souterrain... Mouais. Elle avait voulu se mettre au défi et voir en combien de temps elle allait retrouver son chemin mais c'était largement surestimer ses capacités à se repérer à la seule lueur d'une lampe à pétrole, dans un labyrinthe de galeries qui traversait tout le village. Tant pis pour elle. Elle ne pourrait s'en prendre qu'à elle-même si elle se retrouvait coincée là, mourant de faim et attendant désespérément qu'un autre candidat ne passe par là pour la sauver, si dieu le veut. Un bâton de sucette quasiment terminée dans la bouche, elle lançait ça et là des regards intéressés et hagards, jusqu'à s'arrêter complètement en arrivant dans ce qui ressemblait à un bunker de la seconde guerre mondiale. Déambulant un instant, ouvrant de grands yeux, elle tomba sur un vieux tableaux à l'effigie du général de Gaulle, qu'elle observa de longues minutes durant, analysant vêtements, visage, expression, posture... Lorsque finalement, elle se détourna, elle ne fit pas attention à quel couloir elle emprunta, si bien qu'elle se retrouva bien vite encore plus paumée qu'avant. Mince. Si elle hurlait sous une bouche d'aération, quelqu'un l'entendrait forcément, non ? Alors qu'elle faisait tourner le bâton de sucette entre ses lèvres, elle entendit des bruits de pas, quelque part devant elle. S'arrêtant, elle tenta d'apercevoir quelqu'un. Rien. « Je te préviens Casper, je suis armée » lança-t-elle alors, à la personne invisible. Si si. Elle avait un bâton de sucette. Arme certifiée par la mafia sicilienne. « J'ai un taser ! » bon, ça, c'était faux. C'était de la frime. « Tss tsss ! » fit-elle, imitant de façon très approximative le bruit de la décharge électrique. En vrai, elle n'avait jamais vu quelqu'un se servir d'un taser, si ce n'est dans un film. Certains gardes spéciaux en avaient à la clinique, mais on les voyait si peu que forcément, leur taser étaient encore moins visibles. « T'entends ! » termina-t-elle sans conviction, plissant à nouveau les yeux pour essayer d'apercevoir la personne.

Bon, elle était où la personne invisible ? La fille invisible, d'ailleurs, parce que la voilà qui éclate d'un rire étouffé, là, quelque part dans les souterrains. Mince, elle est tout près. Pourquoi elle rigole, d'ailleurs ? À cause du bruit du taser imaginaire d'Ismay ? Bon, ça devait sûrement être peu convaincant, dans la mesure où il ressemblait plus à un bébé Pikachu qu'à un véritable taser, son taser. Mais l'intention y était, pas vrai ? Mais voilà, on ne l'entendait plus. Juste ses pas. Ou des esquisses d'échos de pas. Bah. Qui ça pouvait bien être ? La voix ne lui disait rien, ou du moins, l'identité de sa propriétaire ne lui sautait pas aux yeux. Aux oreilles. Hm. C'était ridicule d'avoir peur, d'ailleurs, elle n'avait pas peur, elle était surtout curieuse d'apercevoir enfin la fille. Coucou ? Alors qu'elle esquissait un pas vers l'avant, une voix résonna juste dans son dos, un "je t'entends" qui la fit sursauter, bondir en avant et gueuler. Bon sang ! Tournant vivement les talons, Rumer apparut dans son champ de vision. Elle était cinglée, vraiment barrée ! D'où on se pointait dans le dos des gens comme ça, pour les effrayer en traître ? « Pourquoi je hurle alors que si tu me tues, des millions de personnes te verront ? » fit-elle en reprenant son souffle. Cinglée, cinglée, cinglée, cin... Riant le souffle court, elle secoua vigoureusement la tête. « Non, ne réponds pas à cette question. » Des fois que. Non, parce qu'elle ne voulait pas franchement entendre la réponse. Parce que t'es conne. Parce que t'es une trouillarde. Parce, parce, parce que. Maintenant qu'enfin elle avait Rumer sous les yeux, elle pu vriller son regard sur elle un quart de seconde, avant de tourner la tête à droite, puis à gauche, puis sur elle. « Tu sais comment nous faire sortir d'ici avant la semaine prochaine ? » Qu'est-ce que tu fous là ? Toi aussi t'es paumée ? Avec un peu de chance, elle avait eu la bonne idée de semer quelque chose derrière elle pour retrouver son chemin. Oh mais... attendez. « C'est quoi ta couleur naturelle ? » de cheveux quoi. De quoi d'autre ? c'est ce qu'elle demanda, regardant la tignasse de la rose avec curiosité. C'était osé, les cheveux roses. Mais bon, du peu qu'elle connaissait la fille, elle n'avait pas l'air de faire dans la demi-mesure.