Sïana (et Rumer)

MERCREDI 17 OCTOBRE ; 10H12
QUARTIER D'ARAGON - CANTINE

« IL FAUT AGIR, ET VITE ! » m'exclamais-je en pénétrant subitement dans la cantine, me dirigeant d'un pas rapide vers Sïana qui se voulait attablée et visiblement sur le point de petit-déjeuner. J'avais prévu mon coup en fait, ayant suivi la jeune femme de sa sortie de notre chambre à sa venue dans cette cantine. D'ailleurs je m'étonnais du fait qu'elle ne m'eut pas démasqué entre temps tant d'ordinaire je n'étais pas doué pour les filatures. Bref, maintenant j'étais là, et pas pour rien. Car nous avions un petit-déjeuner de type "vitaminé" à prendre, Sïana et moi, sachez-le. Aussi, à peine entré dans la pièce, je me déplaçai vers le réfrigérateur duquel je sortis une brique de lait, une bouteille de jus d'ananas et des fromages blancs. Ensuite, je me saisis de quelques fruits dans la corbeille à côté de moi, et terminai par sortir un pot de miel et du sucre roux d'un placard, au dessus de ma tête. Je posai le tout sur la table, reportant par la suite le regard sur Sïana, et arborant un grand sourire niais. « J'ai reniflé toute la nuit, preuve que je ne vais pas tarder à m'enrhumer. Donc oui, il faut agir, et je pense que tout ceci nous donnera des forces pour, allez... les quatre ans à venir, au moins. » Je voyais peut-être les choses en grand, seulement il fallait voir ce que j'avais devant les yeux là, des tonnes et des tonnes de vitamines, de quoi nous donner un bon coup de peps. D'ailleurs, je ne savais trop par quoi commencer... Mais peut-être Sïana avait-elle une préférence. Ah et inutile de dire que chez moi, vitaminé rimait avec équilibré, et que donc céréales chocolatées et pâte à tartiner n'avaient aucunement leur place sur cette table. « Alala j'ai faim, pas toi ? » Bien sûr qu'elle avait faim, question idiote d'un type un peu idiot, hm. Message subliminal : bon, on attaque ? Et c'est alors que je remarquai la présence d'une petite blonde à ses côtés. Ah ! Rumer ! Les deux jeunes femmes étaient attachées l'une à l'autre cette semaine, et comme Rumer n'avait je crois plus le droit de parler, je ne l'avais tout simplement pas remarquée avant cela. « Oh ! Heu... Salut. » fis-je donc à Rumer, avant de m'assoir en face d'elles deux, un peu confus c'est vrai, mais toujours aussi affamé cependant.

« IL FAUT AGIR, ET VITE ! » J'étais tranquillement assise à table lorsque cette voix, ce cris, me forçait à tourner la tête. C'était Malik, mais ça, je pouvais déjà le savoir avant de regarder en fait. A force de vivre avec les gens, on finit par les reconnaître facilement. Un peu comme lorsque l'on est chez soit, et que l'on sait définir quelle est la personne qui est occupée à grimper l'escalier. C'était un de mes jeux préférés lorsque j'étais plus jeune. J'comprenais aussi que la présence de Malik n'était pas due au hasard vu l'heure qu'il était puisque nous nous étions promis de petit-déjeuner ensembles un matin. Celui-ci semblait savoir précisément ce qu'il avait à préparer pour ce petit dej', tandis que moi, assise sur ma chaise, je me contentais simplement de sortir du comas dans lequel j'étais encore plongée vu la nuit que j'avais passée. Plutôt mauvaise, vous le devinerez aux cernes qui dessinent le dessous de mes yeux.« J'ai reniflé toute la nuit, preuve que je ne vais pas tarder à m'enrhumer. Donc oui, il faut agir, et je pense que tout ceci nous donnera des forces pour, allez... les quatre ans à venir, au moins. » Voir tout ça posé devant moi, venait soudainement d'ouvrir mon appétit d'ours. « Alala j'ai faim, pas toi ? » Je me tamponne le ventre de la main qui est encore libre, parce que je veux pas déranger Rumer en agitant sans cesse l'autre main. « Si j'ai la dalle. On commence par quoi ? » Je me penche sur la table, dévorant chaque aliment des yeux. « Allez, on commence par le fromage blanc » Que je lui dis en affichant un large sourire. « Dis Malik, tu veux pas t'occuper de me faire mes tartines ? Parce que j'ai du mal avec ça. » Que je lui dis en montrant nos liens. Ouais, je profite un peu de ma situation, mais il peut pas me refuser ça ? Si ? Parce que j'suis quand même une fille trop sympa, trop adorable mais surtout trop crevée aujourd'hui. D'ailleurs, je crois qu'il vient seulement de remarquer Rumer puisqu'il ne salut que maintenant. « Oh, et bien sûr tu peux te servir dans les réserves de Malik, Rum Rum. »

L'heure était grave. Les épidémies faisaient rage en ce début d'octobre, et je me sentais plus que jamais vulnérable face à celles-ci. Aussi, j'estimais qu'il était grand temps de prendre ce fameux petit-déjeuner vitaminé que Sïana et moi avions prévu pour une grande occasion. Et elle était là, cette grande occasion. Après avoir pénétré tout à fait énergiquement dans la cantine, je disposai sur la table de quoi petit-déjeuner comme des rois. Puis je fis savoir à Sïana que j'avais faim, lui demandant s'il en était de même pour elle. « Si j'ai la dalle. On commence par quoi ? » Justement, j'attendais qu'elle me dise par quoi attaquer car tout à fait honnêtement je peinais à faire un choix parmi tout ce que j'avais sous les yeux. « Allez, on commence par le fromage blanc » rétorqua-t-elle alors, un grand sourire aux lèvres. Les fromages blancs étaient parfaits je pense pour débuter en beauté ce petit-déjeuner équilibré et vitaminé. « Dis Malik, tu veux pas t'occuper de me faire mes tartines ? Parce que j'ai du mal avec ça. » Toujours prêt à aider mon prochain sans jamais avoir l'impression d'être exploité ou que sais-je encore, je ne pouvais bien entendu qu'accepter de m'occuper des tartines de la jolie brune. De plus, il me fallait me montrer compatissant, car se trouver attachée toute une semaine durant à une camarade sans avoir son mot à dire, ce devait être frustrant tout de même. « Mais bien entendu ! Je m'en occupe de suite. » J'entrepris alors de confectionner les tartines de madame, avec de la confiture de groseilles s'il vous plait - le beurre étant, avec moi, totalement proscris. J'en préparais également pour Rumer, dont la présence venait tout juste de me sauter aux yeux. J'espérais qu'elle ne le prendrait pas mal, hein, c'est surtout que ce petit-déjeuner était initialement prévu avec Sïana, et puis ayant la mémoire courte, je ne m'étais pas souvenu sur l'instant de ce dont elles avaient toutes deux écopé dimanche soir. Mais alors que je leur tendis à l'une comme l'autre les tartines faites maison, Rumer recracha tout le contenu de son verre de jus d'ananas. Super, rien n'avait été épargné. Ni les tartines, ni mon gilet, ni mes cheveux. Un vrai délice. Je grimaçais légèrement, quelque peu écœuré il faut bien le dire. C'était quand même assez répugnant, non, vous ne trouvez pas ? Bon, elle n'aimait peut-être tout simplement pas ça, le jus d'ananas. « Et je suppose que c'est à moi de nettoyer, également. » leur adressais-je dans un soupire, constatant là encore qu'avec leurs liens aux poignets, les deux jeunes femmes ne pourraient pas faire grand chose. C'était un peu toute ma vie ça, nettoyer derrière les autres. J'en avais l'habitude quoi, alors au fond ça ne me dérangerait pas plus que ça.

Le lien qui nous unissait Rumer et moi, depuis le dernier prime était un réel handicape dans la vie de tous les jours. C'est bien simple, à moins d'être super coordonnées ou d'être super souple, nous ne possédons qu'une seule mains réellement valide. Imaginez le calvaire quand vient le moment de fermer nos soutiens-gorge le matin, c'est toute une organisation. C'est donc gentiment que je demande à Malik d'alléger l'une de mes tâches journalières, il n'est pas du tout obligé, mais ça me ferait vachement plaisir quand même. « Mais bien entendu ! Je m'en occupe de suite. » Quel homme serviable, j'pense qu'ils devraient tous êtres comme lui. Parce que j'suis sûr que pas mal de mecs auraient refuser cette tâche. J'lui adresse un large sourire. « Merci, t'es un ange. » que j'articule tout en le regardant tartiner ma tranche de pain. De la confiture, c'est parfait. C'est d'ailleurs ce que j'ai l'habitude de manger le matin puisque je fais parti du tout petit pourcentage de la population qui n'aime pas réellement et à fond le nutella. Contrairement à beaucoup de femmes, je ne pourrais pas enfourné une cuillère remplie de pâte à tartiner dans ma bouche. Autant accompagné de pain, cela passe encore, mais seul ... Impossible. Mais Rumer n'aurait pas été Rumer si elle n'avait pas recraché tout ce qu'elle avait mis dans sa bouche, c'est à dire du jus d'Ananas. Toute nana bien élevée se serait contenté d'avaler ça et de ne plus en prendre à l'avenir, mais non, Rumer n'était pas comme ça. Il suffisait de se rappeler l'épisode du tampon pour savoir qu'elle n'était pas des mieux élevée. Mais bon, loin de moi l'envie de commencer à la critiquer tout en sachant que je vais passer une semaine accrochée à son poignet. C'est le pauvre Malik qui est le plus à plaindre en ce moment, vu son état. « Elle est désolée ! Pas vrai Rumer ? » Il lui suffisait désormais d'hocher la tête si vraiment c'était le cas. « Et je suppose que c'est à moi de nettoyer, également. » Ha non, ça, je peux l'aider quand même. Je me mets debout, attendant pour que Rumer en fasse de même. « J'vais t'aider, va te débarbouiller et on s'occupe de nettoyer la table. »