Mes lectures les plus diverses ont édifié ma pensée, ont approfondi ma vision des choses. Mon appréhension du monde s'en trouvée affinée, plus aiguisée également. Les livres, je les dévore. Je m'en imprègne. Ils ont été mes seuls amis durant mon périple. Les seuls qui me tenaient éveillés tard la nuit, qui me berçaient d'histoires fantasques. Je me suis éprise des vers de Ginsberg. J'ai exalté mon amour pour Bukowski dont les écrits me rappellent cette vieille Amérique. L’Amérique des gens simples à la Steinbeck ou encore le Sud vu par Faulkner. De cette littérature découle mon rêve américain. Celui de l'Amérique profonde. Personne ne vient dans cette bibliothèque à cette heure-ci. Tant mieux. Je n'ai pas envie d'être dérangée. Cela fait trois heures que je suis ici, plongée à corps perdu dans des relectures de mes œuvres préférées. Des bouquins fétiches que je me trimballe partout où je vais. Il ne me quittent jamais. Les pages sont usées, pliées de tout part, annotées dans une écriture fugace parfois illisible. Je retiens des citations ici et là. Je carbure au café et aux clopes. Je les enchaîne, j'en abuse. Je suis bien partie pour faire une énième nuit blanche. J'en ai l'habitude. Je ferme le livre d'un geste sec que je dépose sur le pile que j'ai sous les yeux. Je prends un autre de ma collection personnelle. Baby Doll, de Tennessee Williams. Je frissonne de plaisir et commence à lire la première page. Au bout de quelques heures, le café ne me fait vraisemblablement plus effet car je pique du nez. Ma vision se trouble, s'embrume. Je sombre, mon livre ouvert sur mes genoux. Ma tête ne se tient pas droit. Elle vacille, elle se balance depuis quelques minutes déjà. Elle vient se poser sur une épaule. Mon visage s'adoucit tout d'un coup. Ce parfum m'est familier. J'enfouis mon visage dans son cou et m'enivre de son odeur apaisante.