Je déteste quand je meurs de faim et que quelqu’un a vidé tous les placards sans se dire que, peut être, ce serait une bonne idée de les remplir à nouveau. Je soupire. Ce n’est quand même pas bien compliqué d’aller à l’épicerie chercher deux ou trois trucs à foutre dans le frigo et dans le garde manger, non ? Manifestement, si, c’est le bout du monde et moi ça me saoule parce que j’ai la dalle. Alors j’me dirige avec les pieds de plomb et l’énergie au plus bas vers le petit magasin qui nous sert de garde manger géant. Dans un rayon je tombe sur Joshua a qui je souris sans grande conviction. « Toi aussi t'es chargé de ramener de la bouffe ? » me demande le candidat. Je hoche la tête. « Ouais enfin j’ai pas tellement le choix si je veux me nourrir. » Je suis de mauvais poil parce que j’ai faim, en fait. Alors je rentre dans le rayon et j’attrape un paquet de crackers genre tuc, je l’ouvre et j’en mange un. Mine de rien ça va déjà mieux. Je tends le paquet à Joshua. « T’en veux ? Ici c’est le seul magasin où tu peux consommer pendant que tu fais tes courses. » Disons que dans la vie réelle c’est pas top de faire ça, hein, ahem.

Le candidat refuse poliment un de mes crackers et a la place il s’éloigne, se dirige dans je ne sais quel rayon alors que je m’enfile une bonne partie du paquet de crackers comme si j’étais un affamé – regardé moi de profil, je SUIS un affamé -. Il revient quelques secondes plus tard avec une bouteille de vin en main. « Puisque c'est gratuit. » fit-il avant de, quoi ?! Retirer sa chaussure et taper sa bouteille de vin comme un con. Je hausse les sourcils en le regardant faire et encore plus quand le bouchon se retire. « Oh putain, j’aurais jamais pensé à faire ça. » Ah mais je vous jure, quelle idée. Il renfile sa chaussure avec un petit sourire avant de boire ‘a ma santé’. Finalement j’avance dans un rayon avec lui et fourre deux trois trucs dans un chariot que je pousse devant moi, les avant bras sur le manche. « Bon et sinon, je te connais même pas, ‘fin je sais que t’es en couple avec Sven mais c’est bien peu de choses ça, hein. » Je me tourne vers lui avec un sourire. « Parle moi de toi. » Je demande. Qu’il me dise ce qu’il veut, j’ai pas besoin de savoir les détails intimes de sa vie, juste les grandes lignes pour savoir avec qui je cause.

Je suis pas certain que ce soit très bon pour le vin de le secouer ainsi mais bon après tout je ne m’y connais pas du tout alors je ne dis rien et tant que c’est lui qui le boit : c’est son problème. On avance donc, finalement, dans les rayons, je balance deux trois trucs dans le caddie pour remplir les placards et le frigo et au bout d’un moment je lui demande de me parler de lui, car je me rends compte que je ne le connais pas. « Oh bah rien de spécial, hein. Je suis un mec sympa. » Ce qui est en soit déjà bien et puis je l’avais remarqué au prime, il ne me connaissait pas et il m’avait filé de la thune : cool. Il prend un paquet de pain au lait dans le caddie et l’ouvre avant d’en manger un. « Et toi ? » demande-t-il avant de boire un peu de vin par-dessus son pain. Je grimace, ça doit juste être immonde comme goût, mais encore une fois c’est son problème pas le mien. « Je me qualifierais aussi comme étant un mec sympa. Peut être un peu trop franc. » Ce qui a une toute petite tendance à blesser les gens, mais soit. Y’a que la vérité qui blesse comme on dit. « Tu fais quoi dans la vie ? » Non je ne suis pas journaliste, je veux juste apprendre à le connaitre.

« Donc si je te pose tout un tas de questions, tu ne diras que la vérité et la stricte vérité ? » Je fais la moue. Hm… « A priori : oui. Mais si tu commences à fouiner du coté de mon secret je pourrais très bien te mentir. » Dis-je en haussant les épaules avec un petit sourire amusé. Après c’est à lui de savoir quand est-ce qu’on parle de mon secret et quand ce n’est pas le cas, hein. Et bien bonne chance pour ça mon coco. Finalement je lui demande ce qu’il fait dans la vie, je me dis qu’un métier ou même des études peuvent en dire long sur une personne. « PDG de Gaz-De-France. » Je fronce les sourcils, mon regard se fait sceptique. Ouais, bien sur, avec sa dégaine de gars qui n’en a rien à foutre il est PDG. « T'as gagné, je suis au chômage. Et toi ? » Je lâche un petit rire. « Pareil. » Je hausse les épaules. « Remarque c’est pratique pour venir dans ce jeu : pas de patron qui te saoulent parce que tu vas pas bosser pendant longtemps. » C’est un point de vue, hein.