SVEN

Il est tôt et je me suis déjà extirpé de mon lit pour travailler sur les chantiers des maisons abandonnées. C’est une mission que je me suis donné. Déblayer les planchers, plutôt que de dormir jusqu’à pas d’heure sans rien faire. Je déteste l’inactivité et j’ai besoin de ça si je veux survivre au sein du nid de Cupidon. Alors que je soulève la dernière chaise au pied cassé, quelque chose sur le sol attire mon regard. Une sorte de poignet. Je me penche, tire celle-ci et soulève une sorte de trappe qui cache un chemin s’enfonçant dans le sol. J’y devine les souterrains dont Maddie m’a parlé, mais que je n’ai toujours pas eu l’occasion d’expérimenter depuis que l’émission a débuté. Sans perdre une seconde, je me glisse dans le trou obscur avec l’excitation d’un gamin qui vient de dénicher un nouveau terrain de jeu. Il fait noir, froid, humide, mais je continue d’avancer dans le couloir étroit qui parcours les sous-sols du village. Je marche, marche et marche encore, jusqu’à déboucher sur un cul-de-sac. Je fixe le mur quelques secondes, avant de faire demi-tour jusqu’à me retrouver face à trois possibilités de chemin. Merde. J’en emprunte un, un peu au hasard, mais je suis bien incapable de dire si je suis déjà passé par là ou non. Faut être sacrément con pour se perdre aussi bêtement. Je me stoppe, très légèrement en panique à l’idée de terminer squelette dans un endroit aussi sordide. Je fronce les sourcils et crie dans un dernier acte de désespoir : « MARCO ? », espérant trouver un camarade qui complètera le nom de l’explorateur comme les règles du jeu le dicte.

Je reste quelques instants immobiles, avant de me rendre à l’évidence que je vais devoir essayer de me débrouiller seul pour retrouver mon chemin au milieu du réseau de souterrains. Compte tenu de mon sens de l'orientation visiblement effrayant étant donné que je suis sans doute le seul habitant à avoir réussit à me perdre par-ici, j'en ai sans doute pour des heures. Je laisse tomber mes bras comme deux choses dénuées d’os et de muscles par dépit, au moment même où une voix un brin hésitante vient compléter ma phrase. Le son n’est pas très fort, plutôt étouffé, mais reconnaissable. Putain, y’a quelqu’un d’autre. Dans l’un des couloirs qui traverse le sol du village, il persiste une présence humaine et cette simple idée illumine mon regard. Soudainement autant ragaillardis que si je venais de me prendre une dose d'adrénaline, je me tiens avec le dos bien droit à l'affut du moindre bruit qui viendrait compléter le bruit précédent. Mes yeux s’écarquille et j’essaye de me repasser le mot en boucle pour tenter de découvrir l’identité de mon camarade d’explorations, mais deux syllabes c’est loin d’être assez pour avoir une idée claire. « Qui est-ce ? » je reprends d’une voix forte de façon a être parfaitement compris par l’inconnu. Question purement guidée par la curiosité car peu importe le candidat qui se situe à plusieurs dizaines de mètres d’où je me situe, je ne suis pas prêt de le lâcher. « Ici Corto, en direct de… Quelque part. » je reprends avant qu’il n’ait eu le temps de me donner sa réponse. Je jette quelque coup d’œil autour de moi, mais il n’y a strictement rien à observer à l’exception des murs froids en béton, quelque peu angoissant. « Continue de parler, je vais essayer de me guider au son de ta voix. » je m’exclame, partant d’ores et déjà dans une direction, en essayant de me concentrer sur les paroles émises par le jeune homme.

L’identité de la voix s’avèrerait être mon âme sœur. Ou du moins, c’est ce qu’elle me répond quand je lui pose la question. J’arque un sourcil, avec un léger sourire. De mon côté j’ai un doute, mais l’histoire du monde montre que les voix qui sortent de nulle part ont en règle générale raison. Elle continue à résonner dans les couloirs sous ma demande et j’essaye de me concentrer, yeux clos, pour déterminer sa provenance. Je me laisse guider par les sons qui parviennent jusqu’à mes oreilles, m’esclaffant légèrement en entendant les répliques du jeune homme. Parce que la voix semble masculine, à moins qu’elle appartienne à une demoiselle sous stéroïdes j’ai sûrement affaire à un garçon. Ceci dit, j’ai beau me repasser les voix de tous mes camarades de jeu, impossible de déterminer de quel habitant du nid il peut s’agir. Alors qu’il parle déjà mariage, je sens que je suis au point de toucher au but. « Je veux bien éventuellement réfléchir à la question d’un PACS, mais le mariage ça semble compromis… » je fais remarquer à voix haute, alors que je pivote sur la droite pour tomber nez à nez avec Sven. Mon apparemment idéal amoureux. Je l’observe les lèvres pincées pour m’empêcher de rire, avant de lâcher railleur : « Je croyais que tu devais être grand et fort. Je vais devoir réclamer remboursement au SAV. »