Un jet d’eau plus ou moins chaud vient s’écraser sur le sommet de mon crâne, avant de se fendre de chaque côté de ma silhouette pour buter bruyamment sur le carrelage. Le visage levé vers le pommeau de douche, yeux clos, je ne me rends même pas compte de la présence de Maddie dans la salle de bain, avant qu’elle ne vienne tirer ma main pour me faire tourner dans sa direction. Elle vient se blottir contre mon torse humide et je referme mes bras autour d’elle instinctivement, sans prendre le temps de réfléchir à ce qui l’amène ici avant toute chose. La présence de ma partenaire entre ces quatre murs à quelque chose d’insolite. Pas seulement parce qu’elle est venue se réfugier toute habillée sous le jet d’eau, mais parce que j’ai instauré une règle silencieuse concernant la salle de bain. Jamais nous ne prenons nos douches côte à côte. Je ne sais pas si elle a compris que je tenais à préserver cette intimité, mais on s’y tient docilement depuis le début de l’aventure. Pour mon propre bien, il ne vaut mieux pas que j’assiste à la toilette de la jeune femme, quand on constate mes réactions lorsqu’elle pose uniquement son front contre le mien. En attendant, elle est là, dans mes bras. « Maddie… Tu vas attraper froid. » je lui souffle d’une voix douce. Je desserre mon étreinte pour la pousser tout doucement, puis je ferme le robinet de douche. Mes yeux ne parviennent pas à se détourner des gouttes d’eau qui perlent des pointes de ses cheveux roux jusque sur son haut, elle me donne envie de greloter. Je prends le drap de bain que j’avais suspendu à quelques pas pour l’entourer autour de ma taille pour adopter une tenue plus décente. La nudité ne me dérange pas, mais je ne me montre jamais sans le moindre sous-vêtement face aux caméras. Question de principe. De même, il est hors de question que j’affiche mon boxer trempé aux yeux innocents de la jeune femme. Je prends sa main délicatement. « Viens. » je murmure en l’entraînant vers les bancs de vestiaires placés au centre de la pièce. Je me saisis d’une seconde serviette, avant de m’accroupir face à elle pour m’atteler à essuyer lentement son visage mouillé avec un pan de celle-ci. « Qu’est-ce qui se passe ? » je lui demande tout doucement en plongeant mes prunelles dans les siennes, tandis que je dépose la serviette sur ses épaules à la manière d’un châle. Depuis quelques jours, Mads est presque éteinte. Son comportement à quelque chose d’inquiétant, mais j’étais d’avis de ne pas la brusquer en cherchant à savoir ce qui se passait. Je me contentais d’essayer de la faire sourire ou bien même, lorsque j’atteignais le jackpot, rire. Je pose ma main sur son avant-bras et continue à l’observer intensément.

Je continue à regarder Maddie, front légèrement plissé par l’inquiétude qui me submerge. On n’accourt pas dans les bras d’une personne sous un jet d’eau tiède toute habillée sans la moindre raison. Elle finit par me souffler qu’elle la déteste. Le elle, j’ai pas besoin de me creuser la tête très longtemps pour déterminer de qui il peut s’agir. Fantine n’adresse plus un mot à ma partenaire depuis le début de la semaine, malgré toutes les approches plus ou moins subtiles que j’ai tenté d’opérer pour réhabiliter la jolie rousse dans l’entourage de la jeune femme. Et vas-y que Mads a mal dormi cette nuit, et que c’est drôle qu’elle se prépare des spaghettis parce que c’est justement ce que Mads a pris pour le déjeuner. Mais je n’ai pas parvenu à lui arracher plus qu’un acquiescement de la tête d’un air neutre. « Pourquoi tu dis ça ? » je lui demande tout doucement sans réellement attendre une réponse, en laissant ma main caresser lentement son avant-bras espérant qu'elle puisse y trouver un tant soit peu de réconfort. « Prendre ses distances ne sous-entends pas détester. En général c’est plutôt le contraire… » je poursuis, en continuant mes mouvements le long de sa peau laiteuse. Et je crois connaître la raison de cet éloignement qu’elle leurs impose. Je crois bien qu’en fait, ça pourrait être moi. Mais Maddie l’ignore sans doute. Elle n’a pas senti les doigts de Fantine chercher sa main pendant le prime et tomber sur la mienne à la place. Je me lève légèrement pour venir m’asseoir à ses côtés sur le banc. Si je m’écoutais, je la prendrais dans mes bras sans plus attendre, pour la laisser se lover contre mon torse. Pourtant, je me contente de poser ma main tout juste sous son oreille et de laisser mon pouce caresser affectueusement sa joue en essayant de lui faire relever le regard dans ma direction. Quand ses iris rencontrent enfin les miens, je lui demande d’une voix lente afin qu’elle comprenne bien tous mes mots : « Je peux peut-être faire quelque chose. Tu veux que j’essaye ? » Peut-être que si je me fais moins présent, que si je refoule mes envies irrésistibles de tenir la main de ma partenaire dans la mienne ou de l’étreindre pour sentir son corps contre le mien, Fantine n’aura plus l’impression d’être de trop et reviendra d’elle-même vers la jeune femme.

Maddie ne comprend pas les raisons qui peuvent pousser une personne à prendre ses distances, ce qui me fait soupirer doucement. Il n’y a pas d’explications particulières à donner, c’est ce qu’on fait quand on veut le bien d’une personne, point. Se séparer pour mieux se retrouver ensuite. Je réfléchis à une manière de lui exposer la chose, parce que je sens que c’est ce dont elle a besoin pour concevoir le comportement de Fantine, mais rien ne me vient. Je me contente de continuer à caresser son bras pour essayer de l’apaiser d’un air pensif. « Cette semaine est particulière, elle doit jongler avec Louis enfermé seul dans son manoir et le reste des habitants… » je tente à mi-voix, bien que ce ne soit sans doute qu’une part du problème. « Donne lui un peu de temps. » je reprends en cherchant ses yeux du regard, sans les trouver. Je m’assois sur le banc pour me mettre à sa hauteur et je suis incapable d’arrêter ma main qui progresse jusqu’à sa joue pour s’y poser délicatement. Je me noie presque dans ses iris qui m’observent avec perplexité. « Contente-toi de me répondre. » je souffle en retour, essayant de me montrer le plus doux possible sans la brusquer. Je l’étouffe même si elle ne s’en rend pas encore compte. Je passe mes journées à la chercher et si elle se trouve déjà avec un autre habitant, je guette à l’écart l’instant où leur échange se terminera pour pouvoir me réapproprier ma partenaire l’air de rien. Si les journées de Maddie n’étaient pas si vides pour que mon envahissement manifeste vienne combler les trous d’ennuis qui les traversent, ma présence lui aurait apparu depuis bien longtemps importune. Mais la question ne se pose plus maintenant que nous sommes tous les deux nominés. La jeune femme est une pointure, ça me parait si évident que le public en a forcément conscience. Je me promet de la laisser respirer si je reste dans l’aventure, en attendant je profite. « Prends du temps pour réfléchir et tu réaliseras qu’il n’est pas question qu’elle te déteste. » Je me lève, la couve d’un sourire agréable et reprends la parole : « Et pour ça, tu as besoin d’être sèche. Donne-moi deux minutes. » Je m’éclipse et file jusqu’à son dressing pour en extirper des vêtements propres, avant de revenir dans la salle de bain où Mads n’a pas bougé d’un pouce. Je me place face à la demoiselle immobile qui me fait guise de partenaire et je retire la serviette enroulée autour de ses épaules. Je me penche pour agripper les pans de son haut que je soulève pour le faire passer par-dessus sa tête comme un pantin désarticulé, tout en tentant de ne pas laisser mon regard s’aventurer sur le corps de la jeune femme par politesse.