Jouer au billard est un art, tant pour les pochtrons américains respectant les clichés que leur imposent les films made in USA, mais aussi bien pour les hommes de pouvoir qui aiment se la jouer mac autour de cette table recouverte de velours vert. Pour la première fois j’allais m’essayer au billard seule, sans personne pour me guider ou me mater –qu’on se le dise-. J’attrapais donc une queue (miaou les sous-entendus) afin de shooter dans les boules que j’avais réparti en triangle comme il fallait le faire. Niveau vocabulaire billardien je ne suis vraiment pas au point, le seul mot que j’ai réussi à retenir est « queue », en fait. Je ne sais pas trop pourquoi. Bien que je sois seule l’ambiance était assez cosy, mes yeux se posèrent d’ailleurs sur un paquet de cigarettes malencontreusement déposé sur le bord d'une table basse. Of, pourquoi pas tiens. Je ne suis pas fan de la cigarette, entre l'haleine de chacal et les dents jaunes qui moisissent je n'en cerne pas bien l’intérêt; sauf pour les gens qui n'ont pas d'autre conversation que "t'as pas du feu?", mais j'étais bien tentée d'en fumer une là. Pour voir comment ça fait de se péter les poumons. Tandis que j'ouvrais le paquet d'un air perplexe afin d'en tirer un petit cylindre de papier, j'entendis une soudaine présence, le genre de présence masculine que je sais détecter sans lever un œil. « Hey, bonsoir... William? » Je lui lançais un sourire mesuré et assuré en plongeant mon regard dans le sien. Secrètement j'espérais qu'il ne m’aie pas déjà cataloguée à cause de l'autre cagole et de son coup de cinéma lors du prime. Si cela était le cas j'allais vite le faire changer d'avis.

Je n’ai pas grand chose à faire. En fait, je m’emmerde même un peu. Et ce n’est pas vraiment mon genre de trouver le temps long. Je laisse habituellement le temps couler, en profitant pour composer une nouvelle chanson, ou simplement fumer une cigarette sans ne rien foutre. Là, c’est plutôt le contraire, je me cherche quelque chose à faire. Et ce qui est bien avec ce village, c’est qu’à chaque jour, on se trouve une nouvelle activité. Bon, j’ai pas encore trouvé pour aujourd’hui, mais ça va venir, je le sens. Justement, j’entre dans l’auberge pour venir jouer un peu de guitare ou de piano quand finalement, autre chose attire mon attention. Ou plutôt quelqu’un d’autre le fait. C’est Nicole, la fille au tampon. Enfin, pas celle qui l’a lancé. C’est dommage pour elle, mais je l’ai automatiquement associé à cette connerie, puisque c’est la première image que j’ai d’elle dans ma tête. « Bonsoir Nicole. » Je lui souris poliment en m’approchant un peu plus d’elle. « Je peux t’accompagner dans ta pause cigarette ? » Parce qu’aussitôt qu’il est question de clope, moi, je suis partant, c’est évident. « Et surtout que se sont les miennes que tu t’apprêtais à fumer… » Et je ne plaisante malheureusement pas. J’ai laissé mon paquet à cet endroit exact hier soir. J’hausse un sourcil, de façon à ce qu’elle croit que ça me dérange. Alors qu’au contraire je m’en fous totalement. C’est la production qui nous fournit alors techniquement, elles sont à tout le monde, ces cigarettes. « C’est parce que je me sens de bonne humeur… mais on peut bien partager. » Je lui fais un clin d’œil, lui faisant comprendre que je plaisantais un peu avec la situation.

« Je peux t’accompagner dans ta pause cigarette ? » Pause cigarette c’est vite dit. Maintenant qu’il est là je ne vais pas m’initier à la torture du fumeur ; à savoir celle de s’infliger le cancer. Non, moi je suis plus bio et dents blanches. « Et surtout que ce sont les miennes que tu t’apprêtais à fumer… » Bon ben problème réglé. Je vais le lui rendre, sa boîte en carton à six euros. « Ah je vois. Je te rends son déclencheur de mauvaise haleine et de dents jaunies dans ce cas. » Je lui tend son paquet, regrettant de ne pas lui avoir fait payer la clope à l’unité avant de lui rendre son bien… tant pis, ici nous sommes tous ruinés de toute façon. « C’est parce que je me sens de bonne humeur… mais on peut bien partager. » Même en lui rappelant les méfaits de ces petits cylindres il me propose de fumer avec lui… n’a-t-il pas compris qu’un canon dans mon genre ça s’enlaidie pas pour si peu ? Qu’on se le dise, la cigarette c’est unsex. « Non ça ira mais merci quand même Tsonga. » Je doute qu’il ait acheté les droits d’auteurs pour copier la pub, autant que je lui prévienne d’une manière indirecte qu’il se retrouvera avec un procès sur le dos une fois sortit du jeu. Je lui adresse un sourire en réponse à son clin d’œil effectué il y a une poignée de secondes plus tôt « La vérité c'est que je ne sais pas comment ça marche des trucs là.» Dis-je en désignant le paquet rouge. « Enfin j'ai déjà essayé deux trois fois mais j'ai toujours failli mourir.» Et le pire c'est que je devais le faire en toute discrétion. Croyez-moi c'est hardcore.