BRANCA

Là, assis sur l'autel de cette église, en tailleur, jambes croisées, tête baissée, j'observais le petit carnet de croquis que je tenais entre les mains. Je parcourais ainsi les pages, en tournant une pour en laisser apparaitre une seconde avant de finalement m'arrêter sur le portrait d'un des candidats, Branca. Je l'avais fait il y a de ce quelques semaines, peut-être deux, voire trois. Il était loin d'être fini puisque les reflets dans ses mèches manquaient à l'appel et les contrastes de sa peau n'étaient pas encore asses visibles. Jamais je ne m'étais prétendu comme étant un artiste. J'étais juste un gars qui grattait sa feuille de papier lorsque le temps lui échappait. Rien de plus, rien de moins. Branca. Cela faisait un petit moment que je ne lui avait plus parlé, je ne sais trop pour quelle raison d'ailleurs. Nous ne nous croisions simplement plus. Nous n'avions plus vraiment le même entourage. Elle avait Dagga, Jared, Candace -je connaissais un peu plus ces deux dernières que la première- et j'avais Raphael, Nicole, Arès, pour commencer. Et si j'avais bien compris, ce n'était pas vraiment l'amour fou entre eux. Mais devait-on pour autant s'éloigner ? Devait-on suivre nos autres connaissances et baser notre relation sur ce qu'elles pensaient et non pas nous ? Je sais que beaucoup pensaient que chacun était défini par leurs proches, mais j'avais cette petite voix dans ma tête qui me criait que non, seuls nous pouvions choisir qui nous étions, qui nous voulions fréquenter. De choisir comment nous voulions simplement vivre. Et c'est alors que la fameuse candidate, par le plus grand des hasards, franchit les portes de l'église. Mon regard se déposa sur sa silhouette, se découpant dans les rayons que le soleil laissait encore filtrer à travers ces masses de nuages. « J'étais justement entrain de penser à toi. » lâchais-je sans la moindre gêne. Nous étions encore amis non ? Il était logique qu'il m'arrive de penser à elle. Je refermais alors mon carnet, le plaçant dans l'une de mes poches arrière.

Oui, cela faisait un petit moment qu'elle et moi n'avions pas pris le temps de parler, certainement en partie de la faute, il faut dire que j'avais l'impression de passer toutes mes journées avec Raphael, et peut-être devais-je changer ça. M'éloigner quelque peu. J'avais besoin de réfléchir à exactement où je me trouvais. J'avais besoin de revoir mes priorités pour n'avoir à négliger personne, et certainement pas la jeune femme que je considérais comme l'une de mes plus belles rencontres ici, jusqu'à présent du moins. « Je suis pourtant loin d'être Dieu je crois. » un léger sourire se dessina sur mes lèvres « Si tu crois que la première personne à qui je pense en entrant dans une église est lui, tu te mets bien le doigt dans l'oeil. » mon sourire s'intensifia légèrement avant de lentement s'effacer. Ouais, de toute façon je n'étais pas quelqu'un de croyant, je n'étais pas de ceux qui avaient besoin de quelqu'un à qui se raccrocher, non, je pensais qu'avant de croire en quelqu'un d'autre, il fallait commencer par se faire confiance, à nous même, et à partir de là, personne n'aurait besoin d'être supérieur, quel qu'il soit. « Tu sais, ceci n'est pas un banc. » mes yeux se baissèrent légèrement pour observer le fameux autel. « Il y a des tas de bancs mais tu as choisi l'autel. Comme tu choisis le sol dans le cinéma. Ça veut dire quelque chose ? » « Je n'aime simplement pas les normes. » dis-je en haussant les épaules avant d'ajouter « Il y a tant de choses définies, que je trouve bien de vouloir s'en défaire. » ou du moins, pour quelques unes. « Et donc, pourquoi tu pensais à moi ? » hésitant, un instant, je finis par dénicher le petit carnet dans ma poche arrière, avant de lui lancer. « La page cornée. » c'était le fameux dessin du visage de la jeune femme. Là dessus, et certainement pour qu'elle n'ait pas le temps d'émettre une critique sur mes qualités et défauts en dessin, chose stupide puisqu'elle pourrait le faire par la suite, je repris la parole. « Je suis tombé là dessus, et m'est venue la pensée que j'étais un parfait imbécile que de m'éloigner de toi, comme des autres. »