Mon corps n'a qu'une envie, se presser contre le sien. Je la détaille depuis quelques minutes déjà, incapable de la réveiller. Elle dort à quelques pas de moi et je suis là, incapable de bouger, feignant de dormir à chaque fois qu'elle bouge. Si cette petite voix en moi m'oblige à ne pas bouger et haïr plus que tout cette phrase qu'elle a prononcé à l'encontre de Raphaël, je ne peux pas m'empêcher de la vouloir contre moi. Inspirer son odeur et m'en nourrir avec envie. Son corps bouge, les draps se froissent et je ferme les yeux, comme captivé par un rêve mielleux. J'entends ses pas feutré se diriger jusqu'au dressing et mes yeux s'ouvrent de nouveau. Nous jouons au chat et à la souris. Si ce jeu peut paraître adorable, il ne fait qu'accentuer cette blessure béante prodiguée lors du prime. Je soupire, lourdement histoire qu'elle m'entende. A l'image d'un enfant, tout bonnement. Je feinte de me réveiller doucement et m'assieds dans le lit, sans aucun regard pour le dressing. Comme si je n'avais rien vu, rien entendu. Son visage réapparaît, je fais comme si de rien était. Ignorance la plus totale. J'aimerais qu'elle vienne, j'en brûle. Ma fierté m'oblige à ne pas le faire après tout, je suis la victime dans cette histoire. Son corps se presse jusqu'à mon lit, je pose mon regard sur sa peau dénudée. Elle m'amadoue et ça marche. Je la hais d'être aussi adorable. Je ne bronche pas, extérieurement. Intérieurement, je boue de plaisir, je boue d'envie, je boue d'amour. Je la laisse s’asseoir près de moi, sans rien dire. Je n'ai absolument aucun mot à dégoiser, de toute manière. J'attends qu'elle fasse le premier pas. Qu'elle m'explique, qu'elle me prouve que je ne suis pas sensé m'en faire. J'ai besoin qu'elle me montre que je suis à elle, et que la réciproque est vraie, surtout.

Je suis méfiant de nature. Et face à Elliot, face à cette phrase - sortie de son contexte certes mais dite quand même - je suis désarmé. Ma carapace se reconstruit rapidement. Je me braque, je redeviens l'Arès du début. Celui qui doute de tout. J'aimerais passer au-dessus de ça. J'aimerais ne pas en tenir compte et profiter d'Elliot comme j'ai l'habitude de le faire, savourer nos moments. Impossible. Comme si ma vraie nature refaisait subitement surface après avoir été frôlée, altérée. Je me méfie du moindre détail, de la moindre parole de travers. J'ai une peur bleue de souffrir. Elle se blottit contre moi et toutes mes peurs s'envolent. C'est affreux, l'effet qu'elle me fait. J'aimerais lui en vouloir, la haïr le temps d'un instant pour la façon dont elle traite mon pauvre coeur mais je n'y arrive pas. Ses yeux de chaton apeuré me font fondre. Je veux soupirer mais, je me retiens. Elle prononce quelques mots. Ils m'atteignent, ils me percutent, ils me blessent. Bien sûr que je lui en veux. Qui passerait à côté d'une phrase pareille ? L'amour est une putain d'erreur. Il nous rend méfiant, constamment sur nos garde. Je hais ce putain de sentiment autant que j'aime Elliot. Et c'est cette contradiction qui me fait vivre. Je m'accroche à ses lèvres comme à une bouée de sauvetage. Sauve-moi je t'en supplie. Je sombre dans cet abysse sans fond qu'on appelle l'amour. Plonge avec moi, relève-moi, aide-moi à vivre, je t'en prie. Mes yeux océan la scrute un long moment. Je ne résiste pas, mon intérieur boue littéralement. Elle est belle, affreusement belle et je l'aime. « Alors pourquoi t'es-tu sentie obligée de lui dire ça ? » je demande sur un ton enfantin. Pourquoi de tels propos sont-ils sortis de tes lèvres sucrées, fruitées, en sa direction ? Je me découvre possessif, jaloux. J'aimerais que ces mots soient miens, qu'ils ne s'échappent pas dans d'autres oreilles que les miennes. Je voudrais profiter de tous les propos tendre qui sortent de sa bouche et qu'elle a un mal fou à prononcer. Et encore plus à cause de cette dernière raison. Des mots comme ceux qui me parviennent, d'ailleurs. Elle m'aime. Je panique, je suffoque intérieurement. Elle m'aime. Ma bouche s'entrouvre mais aucun son ne sort, ne veut sortit. Elle m'aime. J'ai peur de ne pas assurer, de ne pas assumer. Et les lèvres lui montent aux yeux. Je l'aime, putain. Je m'empare de ses lèvres avec une violente douceur. Mes mains encadrent son visage. « Je t'aime aussi, Elliot. » je marque une pose. Longue et douloureuse. Parce que je mets une part de ma fierté de côté. C'est difficile, je n'ai pas l'habitude. « Et je n'ai pas envie de te partager. » La bombe est lancée, je peux soupirer en paix. Je la veux. Je suis égoïste. J'aimerais qu'elle m'appartienne.