Eh bien, ça ne déconnait pas. La Production ne s'était clairement pas fichue d'eux au niveau de leur nouvel environnement. C'était grand, mais pas seulement, c'était classieux. Suffisamment classieux pour que cela contraste très nettement avec le petit appartement parisien où vivait Mado, et où l'on vivait bien souvent les uns sur les autres. Ici, nul doute que tout le monde serait apte à préserver un minimum son espace vital, elle la première. Parce que Mado avait beau désormais vivre en communauté avec une trentaine de pedzouilles probablement plus chiants les uns que les autres, il n'en était pas moins véridique que la grande diversité des lieux proposés par la Production rendait facile le fait de s'isoler. Par exemple, la jeune femme pouvait profiter de cette jolie salle de jeux sans être importunée par qui que ce soit. Il n'y avait personne, sauf elle, et c'était parfait ainsi. Elle avait donc le temps de s'y attarder, de s'y éterniser même, en scrutant la moindre machine, la moindre plateforme. En soi, toutes ces choses n'étaient pas tellement faites pour elle, étant donné que la brune était initialement plus branchée compétition sportive qu'affrontement via jeux vidéos. Mais bon, elle devait aussi penser à elle de temps en temps, à tout ce à quoi elle se privait de profiter, à tout ce qu'elle s'empêchait de découvrir, d'apprécier. A trop penser à être la meilleure dans chaque discipline qu'elle découvrait, Mado en oubliait l'amusement, le bien être, le plaisir. Il était grand temps qu'elle apprenne à redécouvrir les petits plaisirs futiles, qu'elle reconsidère un peu ses priorités. Et justement, elle s'interdisait de quitter cette pièce avant de s'y être véritablement amusée. Ainsi, qu'elle opte pour un karaoké foireux ou une course de motos virtuelle, il était nécessaire qu'elle prenne du plaisir. Et voilà qu'au moment où elle vint à la conclusion que bon nombre des activités proposées nécessitaient malheureusement la présence de deux individus au maximum, la porte s'ouvrit. C'était décidé, elle inviterait la première personne à passer le seuil de cette porte à jouer avec elle. Et quel merveilleux hasard qu'il s'agisse d'Ezra, son petit frère, et donc qu'elle n'ait pas besoin de prendre sur elle et de contrôler sa naturelle froideur. Avec lui, tout était simple, facile. Elle ne pouvait pas se montrer désagréable avec lui. Il la rendait docile et bienveillante. « Oh Ezra, tu tombes bien. J'ai très envie de faire un baby-foot. » Et elle n'attendit même pas une réponse de sa part pour s'avancer vers l'engin, d'ailleurs. « Il me semble que tu aimes y jouer avec Aaron. » Par là, elle sous-entendait sans doute que s'il se plaisait à initier son neveu de quatre ans à ce jeu, il pouvait bien accorder une ou deux parties à sa grande sœur. Il serait malvenu qu'elle soit jalouse de son propre fils, tout de même.

Une chose était sûre, dans ce nid, il y avait mine de rien de quoi se perdre. Un pied après l'autre, je suis donc le fantôme de ces lieux, j'hante les habitants à la recherche d'une quête pour retrouver la vie et... putain, j'raconte vraiment que de la merde parfois. Non, plus sérieusement, ça fait au moins deux minutes que je me torture l'esprit à savoir ce que je dois faire. Trouver quelque chose pour m'occuper, voilà qui risque de pomper une bonne partie de mon énergie, déjà que j'suis un gars super motivé de base. Non, mais je vais me reprendre, je vous le promets. Bon, peut-être pas tout de suite, genre, il me faut deux, trois semaines d'adaptation, quatre maximum, mais après ça devrait aller mieux. Ouais, je me suis toujours senti étrange lorsque je me retrouvais dans un endroit que je ne connaissais pas, certainement du au fait que mon sens de l'orientation était plus que déplorable. Un jour, j'arriverai à changer cela aussi. Pas de toute de suite, mais un jour, ouais. Et c'est en entrant dans la salle de jeu que je ne tardais pas à frôler la crise cardiaque. « Oh Ezra, tu tombes bien. J'ai très envie de faire un baby-foot. » Je devais être entrain de rêve, d'halluciner, de délirer. Pincez moi ! Non, enfin peut-être pas. Mais qu'est ce que Mado pouvait bien faire dans une pièce telle que celle ci ? Les jeux, c'était en règles générales pas trop son trip à elle. « Il me semble que tu aimes y jouer avec Aaron. » j'approuve d'un hochement de tête alors que j'avance vers la jeune femme, déposant un baiser sur sa joue. Je termine par prendre à mon tour la parole. « Ouais, mais étrangement je ne suis pas sûr que ce soit un jeu qui te correspond... Attends, je crois savoir ce qu'il te faut. » vous avez devant vous le pro du jeu vidéo, s'il vous plait. Et c'est ainsi que je fais le tour de la salle, la jeune femme à mes arrières, ne tardant pas à trouver mon bonheur. « Ah voilà ! » Et sur ce, je dépose l'immense pistolet bleu entre les mains de ma frangine. Quant à moi, je me vois armer du rose. Et merde, j'aurais du calculer pour avoir l'autre couleur. « En gros, tu vois l'écran ? T'es un soldat, et t'as des zombies qui te poursuivent. Bah en gros tu tires sur tout ce qui bouge. Sauf sur moi, évidemment. » de toute façon elle n'oserait pas. « Prête ? » Cinq. Quatre. Trois. Deux. Un...

Mado dans une salle de jeux, c'était un peu comme Mado dans une bibliothèque ou à Disneyland, à savoir relativement improbable. Et pourtant, la jeune femme avait fini par se promettre à elle-même qu'elle ne sortirait d'ici qu'à condition de s'y être amusée, et pas qu'un peu, histoire de rattraper le temps perdu et toute les fois où elle s'en était empêchée. Mais que faire, alors ? Elle n'en savait trop rien. Il y avait du choix. Beaucoup de choix, même. Peut être même beaucoup trop. Car Mado n'avait pas nécessairement besoin de trouver l'activité parfaite, simplement d'en trouver une qui la divertirait suffisamment pour qu'elle estime pouvoir sortir d'ici, y être autorisée. Et justement, elle eut beaucoup de chance que son petit frère passe le seuil de la porte, puisqu'il restait assurément le plus disposé à la divertir, ou ici, à jouer avec elle. Et pourquoi ne pas s'essayer au baby-foot, puisqu'elle se souvenait qu'Ezra en avait acheté un petit modèle à son neveu Aaron, et que tous deux y avaient passé beaucoup de temps. Elle partait ainsi simplement du principe que c'était le genre d'activités qui devaient brancher son frère. Quant à elle et bien, sans plus disons. Certes, elle aimait le football, mais le football en lui-même, le fait de taper dans un ballon, le fait de courir après une balle, et pas franchement le fait de faire bouger des lignes de bonhommes ridiculement représentés, et dont la répartition n'est généralement pas du tout réaliste. Alors oui, c'était surtout pour lui qu'elle faisait ça, parce qu'elle pensait probablement qu'il n'y avait aucune chance qu'il lui refuse une partie si elle lui proposait qu'il était censé aimer. Elle, elle n'aimait en soi pas grand chose et était prête, pour lui, à si tôt en oublier la promesse qu'elle venait de se faire, celle de s'amuser pleinement. Comme quoi, elle n'agissait pas de la même manière avec Ezra qu'avec les autres. Il n'y avait que lui qu'elle pouvait faire passer avant sa propre personne. Même son fils comptait moins à ses yeux. Il était son frère, il était tout pour elle en somme. Mais voilà qu'il sembla lui même noter que le jeu en question pourrait ne pas correspondre à la grande brune. Hm, il la connaissait encore mieux qu'elle l'aurait cru, ce qui ne manqua pas de la faire sourire. La jeune femme laissa alors son frangin décider d'une autre activité. Et son choix la surprit à peine. En soi, il la réjouit même. « C'est mieux. Bien mieux. » Alors elle laissa son frangin lui transmettre un pistolet bleu assez impressionnant de par sa taille et son graphisme, et l'écouta lui expliquer les règles du jeu. Même si bon, elle s'en était quand même doutée. « Bien. Je suis prête. » Elle avait tout compris et était effectivement disposée à débuter. Alors la partie se lança, et bien vite, il était question d'éliminer un maximum de créatures cauchemardesques. « Putain, ça bouge bien ces conneries. C'est pas évident de les viser. » Et pour cause, les zombies partaient un peu tous les sens, si bien que les deux frangins n'étaient pas dans la merde. « Ah mais c'est dégueulasse. Et sois mignon de te bouger, tu vois bien que t'en rates pleins. » Elle, à force d'acharnement, finissait effectivement par en éliminer plus que lui. Mais du coup, elle n'avait presque plus de munitions. « EZRA, BORDEL. T'ES NUL A CHIER, REPRENDS-TOI. » Et là, elle venait de crier sur son frère. Sur Ezra. C'était pourtant si rare. Elle n'aimait pas hausser le ton avec lui. Parce qu'il était celui avec qui elle voulait rester agréable en toutes circonstances. Là, elle se détestait de s'être cru en pleine compétition sportive, comme si elle entrainait quelqu'un pour la victoire, alors qu'elle ne faisait que jouer avec son petit frère. Quoi qu'elle fasse, le sport, la combattivité ne parvenaient pas à la quitter. « Je te demande pardon, trésor. Je prends ça trop à cœur. » Et elle soupira. Lourdement. Elle n'en arrêta pas pour autant de jouer, parce qu'abandonner ne faisait pas partie de ses principes. Mais elle était perturbée par sa propre réaction. Elle se trouvait aussi dure avec les autres qu'avec elle-même.

Une chose est sûre, ma soeur n'avait jamais, ni était une bonne perdante, ni une joueuse laxiste. Lorsqu'elle s'adonnait à une activité, elle y allait à fond, quitte à en devenir légèrement incontrolable. J'avais l'habitude et en la faisant participer à ce jeu en ma compagnie, j'étais certain qu'elle s'emballerait bien vite. Pourtant elle restait ma soeur, je l'aimais inconditionnellement et ce qu'elle crie ou non. De toute façon ce n'était qu'un jeu comme un autre, il n'y avait aucune raison de se fâcher pour ça. « C'est mieux. Bien mieux. » « Evidement, j'ai toujours raison. » ouais, c'était une évidence, ça aussi. « Bien. Je suis prête. » d'un signe de tête, je pressais donc la manette pour débuter la partie, et ainsi, nous livrer à des zombies fictifs. Laids, mais fictifs. « Putain, ça bouge bien ces conneries. C'est pas évident de les viser. » j'avais moi même du mal à bien viser. Non pas que je ne jouais jamais à ce genre de jeux, simplement que je n'avais jamais été très bon lorsqu'il s'agissait de tirer sur les monstres, quels qu'ils soient. Non, en fait j'avais une précision très aléatoire, et ce que depuis toujours. Très certainement pour ça que je n'avais jamais été très bon en basket. « Ah mais c'est dégueulasse. Et sois mignon de te bouger, tu vois bien que t'en rates pleins. » j'essaie de me concentrer, mais tout va bien trop vite pour moi. Non pas que je suis nul, non, j'suis fort, mais c'est leur faute. J'suis sûr que le jeu bug de toute façon, ce n'est pas logique qu'ils arrivent à m'échapper de cette façon. Outch, on vient de me toucher j'crois. Ça doit être pour cette raison que mon écran clignote en rouge depuis quelques minutes. « EZRA, BORDEL. T'ES NUL A CHIER, REPRENDS-TOI. » j'éclate de rire. Elle s'énervait vraiment pour peu. Mais bon, il est vrai que comparé à elle, je n'avais pas tué beaucoup de ces satanés zombies. « Je te demande pardon, trésor. Je prends ça trop à cœur. » « T'inquiètes, de toute façon ma manette bug j'crois, ça ne peut qu'être ça. » bah oui. Mauvais perdant, vous dites ? Meuh non.

Mado avait décidément un problème avec tout ce qui impliquait de faire une bonne performance. Que ce soit dans le domaine sportif, ou comme ici, au niveau d'un vulgaire jeu vidéo, il était certain que la grande brune prenait véritablement les choses à cœur. Elle n'aimait pas perdre, tout comme elle n'aimait pas que les gens auxquels elle était associée perdent. C'était d'ailleurs peut être pour cela qu'elle vivait si mal son partenariat avec Bob, le chevelu du nid, parce qu'elle estimait sans doute qu'en gros loser qu'il était, il ne manquerait pas de l'entrainer dans sa chute. Là, son petit frère Ezra venait simplement de se faire dégommer par quelques zombies. Cela n'avait même plus le moindre rapport avec une compétition sportive, et pourtant, elle n'avait pas manqué de s'y impliquer ... beaucoup ... probablement trop. Car à peine son frère sembla-t-il en difficultés qu'elle n'avait pas manqué d'y réagir, peut être pour le motiver, le booster, mais surtout très maladroitement. Quant au moment où elle constata qu'il venait tout bonnement de se faire buter, et bien, il est vrai qu'elle s'emporta. Elle cria, même. Alors qu'il était généralement bien rare qu'elle soit amenée à crier sur son frère. Elle savait qu'il ne lui en tiendrait pas rigueur, que comme à son habitude, il ne prendrait pas ce genre de réactions au sérieux, mais elle, elle n'aimait pas réagir de la sorte à l'égard de celui qui faisait généralement ressortir le meilleur d'elle même. Pour le coup, un rien était capable de la mettre dans un état pas possible, au point d'en hausser brusquement le ton. Elle même n'aurait jamais cru qu'une simple partie de jeu vidéo avec son petit frère lui ferait péter un petit plomb. Elle ne tarda en tout cas pas à s'en excuser, estimant que sa réaction était clairement démesurée compte tenu de la situation. Encore, qu'elle se fâche quand l'une des personnes à qui elle apprenait la nager lésinait sur ses efforts, okay, c'était relativement compréhensible, mais là non, elle y avait été un peu fort, et pour presque rien en soi. Démesurée donc, oui. « Non mais ... Ezra, je n'aurais pas du péter un câble pour une simple partie de jeux vidéo. C'était ridicule, et malvenu. » Soupirant puis reposant le faux flingue, elle ébouriffa les cheveux de son frère et lui adressa un sourire amusé. Il était l'un des rares à avoir droit à ce genre de sourires, d'ailleurs. « Je crois que je suis à cran. Entre cette association douteuse avec l'autre débile et cette perte brutale de liberté, j'ai l'impression que je vais en faire chier plus d'un. » Mais ça, à la rigueur, ça n'était pas dramatique. Vu les cas qu'il semblait y avoir ici, certains auraient probablement besoin qu'on les remette à leur place. Quelle chance que Mado se porte volontaire pour en dresser deux ou trois.