La piscine n’est tellement pas un de mes endroits préférés que je me demande encore ce que j’y fais. Moi, me pavaner en costume de bain devant les candidats et des milliers de téléspectateurs, ce n’est clairement pas ce qui m’allume. Je ne suis pas du genre prude, ou discrète, surtout pas discrète, mais je déteste vraiment m’exposer à la vu de tous. Pour qu’il puisse me juger ? Pour qu’il voit à quel point je suis imparfaite ? Voilà, ce n’était pas pour moi. Mais comme on est le soir, et qu’en passant près de la piscine, j’ai remarqué qu’il n’y avait personne, j’en ai profité pour aller me changer et mettre mon maillot de bain. Ainsi, après quelques longueurs, je monte sur la plate forme et me sers un verre d’alcool, simplement parce que j’en ai envie. Ce n’est pas de l’alcoolisme que de boire un peu chaque jour ou presque. Je n’y vais pas dans l’excès. Enfin, pour l’instant. Je lève les yeux lorsqu’une candidate fait son apparition et plonge dans la piscine sans même me remarquer. Je me demande combien de temps cela lui prendra pour voir que je suis présente. On ouvre les paris ? Jusqu’ici, elle semble complètement dans sa bulle. Je pourrais être chiante et lui crier haut et fort dans les oreilles, mais non, je n’en ai pas envie. Je n’ai pas envie de beaucoup de choses dernièrement, puisque je passe mon temps à être sur les nerfs, à surveiller mes moindres gestes parce que je suis à la télévision. Et que tout pourrait partir à la dérive en une seule seconde. Elle vient finalement me rejoindre sur la plate-forme et je la regarde sans faire un son. « Je te sers un verre ? » Je baisse le regard vers mon verre qui est vide. Mon dieu, j’ai bu beaucoup plus vite que je ne l’aurais cru. « Oui… Pourquoi pas. Un deuxième ne serait pas de refus. » Elle me l’offre, je ne vois pas pourquoi je dirais non. En plus, elle a une tête sympathique. Je ne la connais pas, et je vais peut-être regretter d’avoir pensé ça au moment où elle va tenter de faire la conversation avec moi. Je suis sauvage, une vraie bête indomptable. Mais si elle est douce, ça devrait aller. Et ça vient à me faire penser à Emilien. N’est-elle pas sa partenaire ? J’ai oublié son nom. « Et tu t’appelles… ? » J’hausse les sourcils en la regardant, attendant évidemment une réponse.

« J'espère que tu tiens bien l'alcool, qui sait ce qui pourrait se passer si tu étais ivre et que, tu sais, j'étais là. » Non je ne sais pas ce qui pourrais exactement arriver si j’étais ivre et qu’elle était là ? Est-ce que ça serait si grave que ça ? Parce que bon, on a tous déjà fait des conneries en étant sous influence de l’alcool et ça ne me dérangerait pas tant que ça d’en faire devant elle maintenant. Pour ce que ça changerait dans ma vie. « Je tiens bien l’alcool… T’inquiètes pas pour moi. Mais si tu veux me noyer au fond de la piscine, vas-y… J’ai fait la proposition à Bob la semaine passé, mais c’est une poule mouillée. » Et voilà que je lance des rumeurs sur ce cher Bob, dont je ne connais pratiquement à l’exception de son drôle de prénom. Encore une fois, juste à y penser, j’ai envie de rire. Elle s’appelait donc Emmy. Ouais, je crois vraiment que c’est la partenaire d’Emilien, il me semble les avoir vu trainer ensemble plusieurs fois. Elle est donc la fille dont j’aimerais voler la place. Enfin, seulement échanger. Elle va avec Mickey et moi avec Emilien. Ça règlerait au moins un de mes soucis. Mais malheureusement, ça ne fonctionne pas comme ça par ici. « Harlow. » Faut bien que je me présente aussi, je crois que ça fait partit d’une norme, se présenter. C’est un truc courant. Moi je trouve que c’est un truc inutile. « Qu'est-ce que je te sers ? » Une bouteille de Jack au complet ! Et là, encore une fois, c’est vrai que je vais finir noyé au fond de la piscine. « J’ai bu de la vodka… alors je vais rester avec ça. Mais épates-moi. Fais moi un cocktail qui goûte pas dégueulasse et trop sucré de préférence… » Je l’examine, alors qu’elle semble en pleine réflexion quand à ce qu’elle va boire elle. Je force un sourire, parce que non, ça ne vient pas toujours aussi facilement que je le souhaiterais. Je crois que j’ai beaucoup plus de facilité à socialiser avec les hommes qu’avec les femmes. Bien que les relations interpersonnelles ne sont pas mon point fort en général, lorsque j’y pense un peu plus. Alors je me contente de rester à ma place, à la dévisager et à ne pas faire la conversation.

« Oh, voyons, ça serait bien trop simple de te laisser te noyer. » C’est vrai que se serait beaucoup trop simple que de crever maintenant. Trop de choses à surmonter, vivre, et à me faire souffrir encore devant moi. Elle ne le dit surement pas dans ce sens là, j’en suis même certaine, mais moi, c’est ce que j’entend et ce que je comprend. Ça m’en donne presque le vertige, mais je ne dis rien, je ne fais aucune réaction et essaie de l’écouter un peu plus attentivement. « Je veux dire que ça serait plus drôle si tu étais toujours en vie et sous l'emprise de l'alcool. » J’hoche la tête une seule fois comme pour lui indiquer que j’ai bien compris ce qu’elle voulait dire. « C’est vrai qu’elle fille saoule… c’est toujours drôle. » Je ne sais pas si je dis ça avec sarcasme ou avec franchise. C’est ce qui est difficile avec moi, je ne sais jamais quel ton je veux donner à la conversation. Je sais juste que je ne suis pas des plus à l’aise, que j’aurais bien envie de me refermer sur moi-même, ou de partir en courant. Ce n’est pas la faute d’Emmy, puisque théoriquement, elle ne m’a rien fait. C’est sa présence simple qui me crée un malaise. Mais je me force, je viens même à lui sourire alors qu’elle me tend un cosmo en me présentant celui-ci. Le pire c’est qu’elle semble gentille. Mais je regrette presque en entendant sa question. « Dis-moi, Harlow... Tu es en âge de consommer de l'alcool, hein ? » Je ne me retiens pas pour lui lancer un regard noir tout juste avant qu’elle me dise qu’elle plaisantait. Évidemment qu’elle plaisantait, ils plaisantent tous. Mais c’est tellement chiant à la longue, je ne sais pas si ils s’en rendent compte. Foutez moi la paix avec mon âge au pire. Si je suis ici, c’est que je suis en âge de l’être. Point, final. « T’es telleeeement la première à me faire cette blague ! » dis-je en éclatant de rire, faussement, ce qui jure avec mon regard glacial d’il y a à peine cinq secondes. Non mais me cherche pas avec ton humour bas de gamme ma belle parce que tu vas attiser quelque chose que tu n’as pas envie de voir. Je me retiens d’en ajouter un peu plus, de toute façon, elle aura comprit le message. Je l’espère. « Faisons quelque chose de fou. Et de stupide. Ça te dit ? » De fou et stupide ? Mais encore ? Je ne savais pas trop ce qu’elle avait en tête. Mais bon, en même temps, ce n’est pas comme si nous n’avions pas du temps à perdre. « Tu veux qu’on baise ? Ça pourrait être assez fou et stupide pour toi ? » Je lui balance cela en plein visage alors que je viens prendre une grande gorgée de mon verre. Le pire, c’est que je suis sérieuse.

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