CARMEN

J'étais juste en train de me laver les mains. Juste ça, le truc le plus basique et chiant à regarder du monde. Mais on est dans les toilettes, il n'y a pas de caméras. Personne était en train de me regarder, ni télespectateur, ni membre de l'équipe de production. Et c'est bien dommage, parce-que j'ai levé le switch qui maintient mon cerveau en veille du coup. J'ai subitement arrêté l'eau et j'ai regardé droit devant moi pendant une bonne minute.

Puis j'ai avancé ma main pour refermer l'écoulement du lavabo et j'ai ouvert l'arrivée d'eau, regardant la vasque se remplir petit à petit avec une distance dans le regard qu'on aurait pu croire que j'allais la laisser déborder mais non. Je l'ai arrêté quand elle était pleine à ras bord et puis je me suis accroupi devant et je suis resté là. Il ne reste qu'une goutte pour faire déborder le vase et cette pensée m'occupe une bonne demi heure ? Je ne sais pas combien de temps je suis resté la devant avant que la porte qui s'ouvre brutalement m'extirpe de ma contemplation. Carmen.

"Désolé".

Je m'excuse, car à cette heure elle ne s'attendait peut être pas à trouver quelqu'un dans les toilettes, encore moins quelqu'un de statique, figé à la Paranormal Activity. Je me redresse et j'ouvre le lavabo pour que l'eau s'écoule par les canalisations. Si elle me demande ce que j'étais en train de faire, je lui dirais que je suis somnambule alors que c'est pas du tout le cas, ou insomniaque ce qui est le cas, et que je vérifiais la plomberie je sais pas... je préfère passer pour un débile que de lui expliquer que l'espace de longues minutes, j'ai sérieusement contempler l'idée de me noyer.

Impossible de dormir. Foutues insomnies. Foutu mal de crâne. Depuis quelques jours déjà et à cause du changement brutal de température, Carmen écopait d'un bon grog rhume qu'elle ne réussissait pas à soigner. Aussi, le sommeil se faisait extrêmement rare et il lui arrivait fréquemment de se relever en pleine nuit, faire un petit tour et finir par s'endormir de fatigue dans un coin du salon. Ce fut le cas cette nuit. Le réveil égrainait les minutes d'une lenteur affligeante et à force de soupirs, la jolie blonde se leva. Luter contre ses insomnies se révélait vain et, finalement, la belle se dirigea en direction des toilettes avec la ferme intention de se rafraîchir le visage. Sans imaginer une seule seconde qu'elle puisse ne pas être la seule insomniaque du nid, l'italienne fut surprise de constater que l'un des candidat s'amusait – ça ne pouvait être autre chose que de l'amusement, au final – à remplir une espèce de vase jusqu'à ras bord. D'abord, elle haussa un sourcil et détailla le candidat de haut en bas, tentant de mettre un prénom sur son visage. Ithaque à en croire ses traits et son regard sombre. Carmen n'avait jamais eu l'occasion de le côtoyer mais sa réputation au sein du nid n'était plus à prouver. Il avait été élu membre le plus charismatique (si ses souvenirs étaient bon) et à vrai dire, le public avait plutôt bien voté, selon elle. « Pourquoi ? » demanda-t-elle simplement à l'instar de son interlocuteur. Désolé d'entreprendre des expériences loufoques en pleine nuit ? Ithaque n'avait de comptes à rendre à personne, pas même à l'italienne qui finit par fendre son visage d'un sourire lumineux. « C'est un endroit plutôt curieux pour une insomnie. » lui fit-elle remarquer, s'approchant du lavabo afin de s'asperger le visage.

Désolé que tu m'es trouvé dans cet état. Désolé parce-que tu aurais pu me trouver dans un état encore bien pire. Désolé d'être là en pleine nuit à faire Dieu seul sait quoi alors que tout le monde pionce tranquillement, y'a quand même plus charmant comme rencontre nocturne j'imagine. J'essuie mes mains trempées sur une serviette propre et j'enfonce mes poings dans les poches de mon jean. Je sais à l'avance quand je ne pourrais pas dormir du coup après ma douche, je me suis directement habillé pour le lendemain.

"J'ai cru que je t'avais fait peur."

Voilà c'est très bien ça. Je suis pas obligé de lui mentir, ni de trop lui en dire. D'autant plus qu'elle relève à peine l'étrangeté de la situation. Elle me fait juste remarqué que c'est pas l'endroit le plus glam pour passer ses nuits d'insomnies. C'est clair. J'avais pas du tout prévu de rester là hein à la base je lisais une partition dans le salon ce n'est qu'après que mon cerveau malade à décidé que là c'était...

"Au contraire je le trouve parfait, y'a pas de caméras. Quand je n'arrive pas à dormir j'ai des phases un peu étranges comme celle dans laquelle tu viens de me trouver, autant que le moins de monde possible y assiste."

Ca me désole suffisamment comme ça que quelqu'un soit entré à ce moment là. C'est Carmen en plus. Carmen je la connais pas mais voilà, justement. J'aimerais bien qu'au moins une personne dans cette maison me considère comme quelqu'un de normal. Mickey, que j'apprécie énormément, me prend pour un cas d'école. Emilien me prend pour un Paladin, Mason pour le mec le plus déprimant de l'histoire, Alecia pour un dingue, et même Neila me reprochait d'être un vrai dictateur, peut être même que c'est pour ça qu'elle à quitté le jeu. Du coup la pour faire une bonne impression sur Carmen ca me paraît compliqué. Je l'observe s'asperger le visage, j'en conclu par déduction qu'elle est venue se rafraichir, sans doute parce-qu'elle aussi n'arrive pas a dormir. Je souri a son reflet dans le miroir.

"Toi par exemple quand t'arrives pas à dormir tu fait des trucs normaux."

« J'ai cru que je t'avais fait peur. » Raté. Carmen ne pouvait prétendre avoir peur de rien mais croiser quelqu'un dans les toilettes à une heure pareille dans un nid constitué d'une trentaine de candidats n'était pas anodin. Aussi, la demoiselle avait apprit à faire abstraction de toutes les habitudes de ses co-habitants.. même les plus loufoques. Il était clair qu'Ithaque avait des pratiques nocturnes plutôt peu communes mais la jeune femme n'avait absolument rien à redire dessus. Quoique. « C'était surprenant de te voir remplir un vase dans des toilettes à quatre du matin mais bon. Nous sommes tous bizarres à notre manière, je suppose » ne put-elle pas s'empêcher d'ajouter de façon mutine avant de s'approcher du lavabo dans le but de se rafraîchir. Carmen quant à elle avait été très loin d'opter pour une tenue de jour et s'était présentée – pas volontairement mais tout de même – au candidat, en nuisette. D'autant plus que la chaleur ne quittait définitivement pas le nid. « Au contraire je le trouve parfait, y'a pas de caméras. Quand je n'arrive pas à dormir j'ai des phases un peu étranges comme celle dans laquelle tu viens de me trouver, autant que le moins de monde possible y assiste. » Donc Ithaque était vraiment bizarre, cela se confirmait. Qu'importe, la blondinette haussa docilement les épaules en un sourire amusé. « A cette heure-ci je ne suis pas sûre que beaucoup assiste à grand chose. » en d'autres mots, le candidat n'avait rien à craindre, ses folies nocturnes resteraient certainement secrètes un bon moment. Peu étaient ceux se relevant la nuit pour faire un tour aux toilettes et surtout, très peu étaient ceux qui dormaient dans la salle de vidéo surveillance afin de ne rien louper quand il était clair que les lits à disposition étaient de vraies mines d'or. « Toi par exemple quand t'arrives pas à dormir tu fait des trucs normaux. » D'ailleurs, l'italienne en profita pour boire une gorgée d'eau au robinet. « Qu'est-ce que tu fais dans la vie ? » Inventeur, peut-être ce qui expliquerait la situation dans laquelle elle venait de le trouver..

Les toilettes, on ne peux pas dire que ce soit l'endroit absolument rêvé pour faire connaissance mais après tout on est dans Fake Lover, j'ai bien été envoyé fêter la Saint Valentin dans une salle de jeu, au point ou on en est, je me tourne pour m'appuyer sur la vasque du lavabo et je regarde droit devant moi. Ca donne l'impression que je suis ailleurs, c'est pas ce qu'il y a de plus poli quand on s'adresse à quelqu'un mais en ce qui nous concerne et dans la situation dans laquelle on se trouve, c'est surtout que j'ai pas envi de l'observer se pencher pour boire au robinet alors qu'elle est en nuisette.

Plutôt que de partir je reste, donc. Je trouve assez agréable le fait qu'elle n'ai pas l'air de me prendre pour un malade, et plus encore, qu'elle s'intéresse un minimum à la nouvelle rencontre que je représente. Manque de bol sa question se porte sur ce que je fait dans la vie et de ce coté là, je suis loin derrière tout les autres candidats du jeu, j'ai rien de spécialement épique à lui servir sur un plateau, je fait rien de spécial de ma vie à part ce qu'on sait déjà: que je suis un musicien raté donc bonjour la première impression. Ou ce qu'on ne sait pas encore et là je me vois dans l'obligation de me taire plus ou moins.

"Je vis la nuit"

Ceci explique cela. Mon insomnie n'est pas du au décalage horaire qui à eu le temps de disparaitre en trois semaine, c'est un rythme de vie particulièrement éprouvant mais salvateur qui en est la cause, pour distraire mes pensées négatives il faut absolument que je trouve une distraction. Et ici, j'ai du mal d'ou mon pétage de cable. Finalement, je tourne la tête vers elle, j'ai une impression tenace de déjà vu c'est toujours très étrange c'est ce qui me pousse à la fixer soudainement, j'essaye de me replacer dans la tableau.

"Ca m'empêche de tourner dans mon lit à ressasser des idées noires, et toi ?"

Il était peut-être quatre heures du matin mais Carmen, elle, partait du principe qu'une rencontre pouvait se faire à toute heure du jour et de la nuit. Celle-ci n'avait rien de bien commun et c'était exactement ce qui attirait la blondinette qui essuya ses lèvres trempées dans la première serviette à portée de main. Désireuse d'en savoir plus sur le personnage que représentait actuellement Ithaque, elle ne put s’empêcher de poser la question apparemment de trop. Elle ne put s'empêcher de noter le changement d'expression dans son regard. Il devint plus noir, quelque peu renfermé. Loin de s'imaginer ce qui se tramait réellement dans la tête du Grecque, Carmen laissa couler, attendant simplement une réponse, se promettant de ne pas en demander plus. « Je vis la nuit » avait-elle réellement promit ? Son caractère de feu revint au galop, lui filant un bonne baffe en pleine figure, laissant les mot dévaler la barrière de ses lèvres sans qu'elle ne puisse les arrêter. Foutue spontanéité. « T'es strip-teaseur ou tu fais le trottoir ? Je ne juge pas hein, tu sais. » Après tout, elle n'avait absolument rient dit face à son activité de cette nuit-là. Et elle ne comprenait d'ailleurs toujours pas ce qu'il pouvait bien faire avec ce vase et toute cette eau à part gaspiller.. Bref. « Ca m'empêche de tourner dans mon lit à ressasser des idées noires, et toi ? » La réponse à cette question allait être très loin de le satisfaire, elle en était certaine. Il l'avait fixer, subitement. Et Carmen n'étant pas du genre à ne pas supporter ce fait, planta ses deux émeraudes dans les sien, un fin sourire flottant sur ses lèvres gourmandes. « Je vis de petits jobs. Je n'ai pas fait d'études et la seule chose que je sache faire est tenir un plateau et sourire comme une godiche. » commença-t-elle presque joyeusement. L'italienne n'était certes pas fière de sa vie, malheureuse de ne pas avoir eu d'enfance mais vivait ce que ses parents lui avaient tout de même construit à fond ne se souciant que d'elle-même. Et être serveuse n'avait pas des désavantages. « Oui, bingo, je suis serveuse dans un bar. » termina-t-elle en un sourire radieux.