Voilà maintenant plus de dix minutes qu'elle était lancée à ses trousses. Telle une furie déterminée à mettre la main sur sa proie, Mado le poursuivait avec la ferme intention de ne pas passer toute sa journée à le suivre à travers les différentes pièces du chalet. Viendrait bien un moment où il serait piégé, et où elle aurait tout le loisir de le soumettre à l'interrogatoire qu'elle avait prévu dès la fin du prime de dimanche soir. Oh oui, elle comptait bien obtenir des réponses, car si elle s'était laissée embobinée par Emilien, elle ne comptait pas se laisser faire par Israël, qu'elle connaissait tout de même davantage et sur qui elle estimait alors pouvoir compter pour éclairer sa lanterne. Parce qu'évidemment, c'était Israël qu'elle poursuivait avec détermination depuis tout à l'heure. Israël qui, d'ailleurs, avait du remarquer sa filature - peu discrète, il est vrai - puisqu'il ne cessait de marcher, comme pour la fuir, comme pour fuir la conversation qu'elle était pourtant décidée à avoir avec son camarade. Le fait est qu'elle ne comprenait pas pourquoi ce dernier avait jugé bon d'embrasser son petit frère dimanche soir, et qu'il lui fallait des réponses si elle voulait recommencer à relativement bien dormir la nuit. Parce que oui, inévitablement, tout cela la travaillait. Elle était incroyablement frustrée de ne pas savoir, mais inquiète également, parce qu'une manière générale, et exception faite à son frère, elle ne faisait pas confiance aux hommes. Elle se devait d'agir en ainée et aller au devant des choses, quitte à ce qu'on considère qu'elle se mêlait d'affaires qui n'étaient pas les siennes. Honnêtement, rien à foutre, ça ne l'arrêterait pas. Et c'était peu dire, car plus le temps passait, plus sa marche s'accélérait, au point de trottiner sur la fin. Sauf qu'Israël, pas fou, gagna lui aussi en vitesse. Ah non, hein, ils n'allaient pas jouer à cela plus longtemps. Et heureusement, le jeune homme crut malin de pénétrer dans la pièce vérité, se piégeant lui-même en somme. Une pièce qu'ils connaissaient d'ailleurs déjà plutôt bien, pour s'y être déjà retrouvés en même temps. « Tu es fait comme un rat » lui adressa-t-elle, sans tellement d'émotion, alors qu'au fond, elle l'aimait bien Israël. C'était simplement cette histoire de baiser qui la contrariait, et pas qu'un peu. « Et je crois bien que le destin est de mon coté, pour le coup » reprit-elle, souriant tout de même un minimum. Oui parce qu'ici, elle aurait d'autant plus de facilités à comprendre ce qu'il se passait précisément. Vous savez, le concept de vérité, tout ça ... « Bon alors, qu'est-ce qu'il se passe, hm ? Mon frère est à ton goût, à toi aussi ? » Après Carmen - la pauvre, d'ailleurs - pourquoi pas après tout. Sauf que lui, c'était un mec. C'était donc d'autant moins plaisant, disons.

Bien sûr qu'il était vain d'essayer de semer Mado. Parce que la jeune femme, particulièrement déterminée à avoir une petite discussion avec Israël, ne comptait assurément pas le laisser filer. Ah non. Donc oui, il était vain d'essayer de la semer, car plus quelqu'un avait tendance à la fuir, plus elle avait tendance à lui coller au cul. C'était comme ça. Et ici, elle ne se voyait absolument pas renoncer à l'idée de s'expliquer avec Israël, tout simplement parce que cette histoire concernait son frère et que cela suffisait à faire d'elle un monstre de détermination. Il accélérait ? Très bien, elle aussi. Il tournait ? Elle aussi. Il entrait dans la pièce vérité ? Oh ... elle aussi. Et là, elle eut le plaisant sentiment de l'avoir coincé. Techniquement, il s'était surtout coincé lui-même, mais disons qu'elle avait tout autant envie de croire que tout le mérite lui revenait. Oui, laissons-la rêver un peu, ça ne pouvait pas lui faire grand mal. Quoi qu'il en soit, maintenant qu'ils se trouvaient tous les deux dans cet endroit, duquel il ne sortait probablement pas en un seul morceau, les deux jeunes gens pouvaient parler. Car parler, c'était justement nécessaire pour que Mado espère comprendre de quoi il retournait précisément entre Ezra et ce jeune homme. Il y avait des choses qu'elle n'était absolument pas disposée à imaginer, qu'on se le dise. De même, l'idée qu'un jeune homme tourne autour de son frère lui était profondément dérangeante. Qu'importe ce qu'on en penserait, qu'importe ce qu'on en dirait, ça n'était pas chose aisée à accepter pour elle, comme pour la plupart des grands sœurs, supposait-elle. Et puis merde, d'où ça sortait encore ? Devait-elle s'attendre à ce qu'une autre personne se dise également charmée par son frère ? Non parce qu'il les attirait comme des mouches, sans même faire de discrimination au niveau du sexe. Ça, c'était fort. Donc oui, ils allaient parler, et tâcher de tirer les choses au clair, car cela lui semblait tout bonnement indispensable. La jeune femme, après avoir joui du fait que son camarade soit coincé ici avec elle - un endroit pas comme les autres, rappelons-le - lui avait alors soumis une question, enfin deux questions n'en formant en fait qu'une seule. Et elle redoutait sa réponse. Car s'il lui disait être tombé fou amoureux d'Ezra, disons que ça ne le ferait pas trop. En soi, n'importe quelle réponse était susceptible de ne pas la satisfaire, alors disons qu'elle s'était déjà préparée au pire. Et justement, elle ne put qu'arquer un sourcil, perplexe, aux propos de son camarade. Hm, d'accord, et donc ... qu'était-elle censée comprendre ? Qu'il se foutait doucement de sa gueule, là ? Bah écoutez, ça semblait un poil tiré par les cheveux, quand même. « Ouais, un homme, comme tu dis. T'en es un aussi, me semble-t-il. Donc ça pose comme un problème, non ? » Ne la jugez pas trop vite, elle ne parlait pas hasardeusement. Bien sûr que ça posait un problème. Et pas un petit. « Et puis quoi, t'avais pas assez de ton petit harem ? Tu trouves ça plus excitant de t'intéresser à un mec, finalement ? » Oui, elle était mauvaise. Mais elle était surtout désabusée. En fait, elle ne comprenait plus rien à ce jeu, à ce casting, à toutes ces histoires ... Elle ne comprenait plus rien à la vie, disons. « Je crois que je préférerais encore qu'il se foute avec Carmen ... » soupira-t-elle, blasée de ne plus rien comprendre à la vie sentimentale de son cadet. Elle n'en était que spectatrice, et ça ne lui allait pas. Ou le spectacle, en tout cas, ne lui allait pas.

Oui, cela posait un sérieux problème à Mado d'imaginer qu'un jeune homme puisse avoir des vues sur son frère. Cela n'avait rien à voir avec une quelconque homophobie ou une trop faible ouverture d'esprit - elle pouvait être drôlement tolérante, par moments - mais avec tout autre chose, qui l'empêchait ainsi de cautionner ce genre d'attirances, ou en tout cas celle-ci. Car oui, évidemment, le fait qu'Ezra soit ici impliqué n'était pas sans jouer un rôle dans le fait qu'elle n'appréciait pas du tout la situation. Un homme ne pouvait pas trouver Ezra à son goût. Une femme, c'était en soi suffisamment dérangeant, mais un homme ... non, c'était bien trop déstabilisant, et complètement inenvisageable pour elle. Israël n'était évidemment pas disposé à comprendre d'où venait précisément le problème, parce que jusqu'à preuve du contraire il n'était pas dans sa tête, donc non, il ne comprenait assurément rien à ce qui dérangeait profondément Mado dans cette histoire. « Je ne suis pas médecin mais, tout de même, il me semble qu'une chose a tendance à faire que, si, ça diffère. » Qu'il voit ou pas où elle voulait en venir - c'était relativement explicite, tout de même - elle s'en fichait. Et elle ne cherchait pas à le prendre pour un idiot - qu'il n'était pas, pour le connaitre un tantinet - simplement à laisser entendre que ce qui la dérangeait était incroyablement bête, en soi. Vraiment, inutile de chercher midi à quatorze heures. Bon, peut être Mado aurait-elle du s'abstenir de placer un petit commentaire sur ce qu'elle avait cru observer au niveau des regards échangés lors du prime, mais étant observatrice de nature, disons que rien n'avait franchement pu lui échapper. Donc oui, elle soupçonnait Israël d'avoir suffisamment de soupirantes pour ne pas avoir à s'intéresser à Ezra. Visiblement, il le prit relativement mal. Mais devinez quoi ... elle n'en avait pas grand chose à foutre, oui, exactement. « Oh mais tout ce que je dis, moi, c'est que tu es un peu difficile, dans ton genre. » Deux jolies jeunes femmes semblaient s'intéresser à lui, mais le gars se payait visiblement le luxe de virer gay, comme ça, à la surprise générale. Quoi que non, elle ne pouvait aucunement savoir s'il ne l'avait pas toujours été, mais bon, ça ne changeait rien au fait qu'il aurait pu se contenter de choisir entre la proposition A et la proposition B, sans opter pour la C, qu'il avait rajouté lui même sur sa copie, comme un foufou qu'il était. IL N'Y AVAIT PAS DE PROPOSITION C. Il N'Y EN AVAIT JAMAIS EU. Donc d'où ça sortait, hein ? Merde, quoi. Il précisa, gentil comme il était, que ça n'avait rien à voir avec une quelconque forme d'excitation. C'était peut être censé la rassurer, ou la calmer en tout cas, mais ça ne changea rien. Tout simplement parce qu'il en faudrait beaucoup pour l'apaiser, là. Maintenant, Israël semblait trouver les propos de Mado absurdes. Ah oui, vraiment ? Il pouvait développer, peut être ? Oui, visiblement. Donc maintenant, c'est lui qui prétendait tout savoir de ce qui la liait à Ezra, hm ? Naïf qu'il était. « Tu connais Ezra depuis quatre semaines. Je connais Ezra depuis vingt-trois ans. Est-ce que j'ai besoin d'insister sur le fait que tu ne sais rien de lui, de moi, de nous et de toute la complexité de ce qui nous lie, ou ... ? » Ouais, un rien la rendait médisante. Mais elle ne supportait pas que l'on porte un regard aussi crédule sur sa fratrie. Il n'était donc pas curieux ? « Tu n'as pas complètement tort, mais tu n'as pas complètement raison. » Elle aimait tourner des phrases d'une manière bien casse-tête, oui, absolument. « Ezra est mon âme sœur, et celle de personne d'autre. Personne ne peut me le voler, il me reviendra toujours. Mais à choisir, si je devais le laisser partir avec quelqu'un, je n'aurais aucun mal à choisir entre une jolie blonde et un mec du genre à faire son coming-out en prime-time. » Non pas qu'elle ne soit pas pour le fait d'assumer ses goûts, simplement, il y avait des manières de faire, et clairement, le pays tout entier n'avait pas besoin de savoir qu'il aimait foutre sa langue dans la bouche du premier type mignon qu'il croisait. C'est vraiment tout ce qu'elle disait, hein.

Il ne pouvait pas comprendre. Il ne pourrait jamais comprendre. Que ça n'était pas tant contre lui que contre n'importe quel autre homme sur cette terre. Qu'elle voulait qu'Ezra soit heureux mais qu'une chose l'empêchait de se résoudre à ne plus se mêler de ses affaires. Qu'elle aimerait être beaucoup plus détachée de son frère, mais qu'elle ne pouvait pas. Vraiment, Israël ne comprendrait jamais de quoi il retournait exactement. Il ne verrait jamais que la forme, il ne chercherait jamais à en voir le fond. Il n'était pas blâmable pour sa crédulité. Mais elle, elle se sentait forcée de lui en vouloir pour quelque chose, alors elle n'avait pas cherché bien loin. A sa réponse, elle soupira. Elle n'était pas aussi étroite d'esprit qu'il semblait le penser, et qu'elle le laisserait d'ailleurs croire elle-même en réagissant de la sorte. C'était juste compliqué. Oui, voilà, compliqué. Bien sûr qu'elle aimerait croire que quelqu'un comme Israël, chez qui elle n'avait jamais cessé de soupçonner un excellent fond - puisse sincèrement aimer son frère. Mais il était ce qu'il était. Il était un homme. Et les hommes, la plupart du moins, ne lui étaient pas le moins du monde sympathiques. Encore une chose qu'il ne pourrait jamais comprendre. Encore une chose qu'elle n'attendait pas de lui qu'il comprenne, naturellement. « Les hommes ne savent pas aimer. » Ce furent les seuls mots qui franchirent la barrière de ses lèvres. Si son expression restait affreusement neutre, c'est parce qu'elle se donnait beaucoup de mal pour ne rien lui montrer de ce qui était entrain de se passer à l'intérieur de son être. Cette douleur. Ce poison. Il la rongeait. Depuis si longtemps. Depuis trop longtemps. Sa mâchoire contractée, son esprit accaparé par mille pensées obscures, elle tâchait de paraitre la plus sereine possible. Bien sûr qu'elle ne l'était pas. Comment pourrait-elle l'être ? C'était chose impossible. Aujourd'hui comme n'importe quand. Elle n'irait jamais bien. Et qu'importe s'il croyait qu'elle parlait sans savoir, qu'importe s'il croyait connaitre Ezra, qu'importe s'il croyait être apte à juger leur fratrie ... Il n'était rien. Elle ne voulait pas de lui dans la vie d'Ezra. Ni dans la sienne, inévitablement. Ni dans celle d'Aaron. Non, il n'y aurait jamais sa place. Monstre perfide qu'il était sans doute. Comment osait-il maintenant dire qu'elle parlait d'Ezra comme elle parlerait d'un animal domestique ? Ne se trouvait-il pas abjecte de dire ce genre de choses ? Oh, elle se retenait de lui en mettre une. Mais elle l'appréciait. Beaucoup plus qu'elle ne voudrait l'admettre ici. Elle n'avait rien contre Israël. Elle avait quelque chose contre l'homme qu'il était. Il disait assumer. Bien. Tant mieux pour lui. Et il n'avait pas tort lorsqu'il disait qu'elle n'aurait jamais apprécié qu'il se rapproche de la sorte de son frère, même en dehors du prime. Bien sûr que non. Ça n'aurait pas changé grand chose, si ce n'est qu'elle n'aurait pas vécu ça en direct, et en prime-time. Mais son désarroi aurait été le même. Sa trouille aussi. Soupirant à nouveau, elle fuit son regard et le déposa sur le sol. Rien à observer, simplement c'était là un sublime échappatoire. Car maintenant, c'était elle qui en venait à regretter d'être entrée ici. Prise à son propre piège, sans doute. « Il est ce que j'ai de plus cher au monde » finit-elle par reprendre, comme subitement en retrait, moins provocatrice, mais tout aussi concernée. Peut être n'imaginait-il pas à quel point elle tenait à Ezra, à quel point il était le seul sur lequel elle avait jamais pu compter, et à quel point la réciproque était vraie. « Je ne te laisserai pas l'utiliser simplement pour être fixé sur ton orientation sexuelle ... » Elle ne savait évidemment pas s'il y avait eu des précédents, et s'il comptait faire quoi que ce soit avec Ezra ... Elle ne voulait simplement pas qu'il pense pouvoir s'en servir comme d'une inédite expérience du genre. Il en crèverait, et ce serait ballot. « Tu sais, je me fiche que tu sois ... Enfin, je n'ai rien contre ça. Mais là, ça concerne Ezra. Je ne veux pas de ça dans sa vie. » Par ces mots, elle cherchait à mettre les choses au clair : non, elle n'était pas homophobe. Loin de là. Mais que les hommes se tiennent loin de son frère, oui, ça lui ferait franchement plaisir. Relevant son regard pour le replonger dans le sien, elle redevint silencieuse. Elle ne savait pas ce qu'elle attendait exactement d'Israël. Qu'il ne s'approche plus d'Ezra ? Qu'il lui prouve qu'il ne le blesserait jamais ? Non, elle ne savait pas. Elle ne savait plus. Parce qu'elle ne pouvait pas rester aussi dure bien longtemps. Parce qu'elle ne voulait pas se tromper d'ennemi, surtout.

Les hommes ne savaient pas aimer. Oui, c'est tout ce qui avait cru bon de s'échapper de ses lèvres. Il n'était pas certain que ce soit une chose à dire, ni que ça ne pourrait pas se retourner contre elle par la suite, mais qu'importe, cela lui était venu naturellement. Parce que c'était ce qu'elle pensait. Oui, parfaitement. Que les hommes ne savaient pas aimer et qu'ils n'étaient en soi bons qu'à faire souffrir. Cela se vérifiait à n'importe quel instant, après tout. Ces temps-ci, elle n'allait pas bien. Comme la plupart du temps. Et les hommes n'étaient jamais bien étrangers à ses tourments, c'est certain. Israël ne pouvait assurément pas imaginer ce qui la poussait à dire ce genre de choses, et dieu sait qu'elle ne s'attendait pas à ce qu'il s'y risque. Il disait que ça ne le regardait pas, et effectivement, c'était vrai. Sera peut être un temps où il n'ignorerait plus rien, mais à cet instant, il était en effet certain qu'il n'avait pas à savoir de quoi il retournait véritablement. Peut être avait-il raison lorsqu'il disait qu'elle n'avait pas le droit d'opter pour ce genre de généralités, car bien sûr, ça pouvait être blessant pour les hommes biens qui faisaient en ce moment partie de son quotidien. Si elle n'avait de base jamais considéré Ezra comme l'un de ces monstres, elle se voyait tout aussi mal mettre des hommes comme Israël, Fitz ou Peyton dans ce sac également. Parce qu'évidemment, elle n'avait pas envie de croire qu'Israël pourrait blesser Ezra. Elle le connaissait suffisamment bien pour savoir qu'il ne devait pas être du genre à faire preuve de cruauté. Mais elle doutait, inévitablement. Parce que toute cette histoire la chamboulait au point de faire trembler les bases de leur relation. Il ne lui était pas plus antipathique qu'auparavant, mais il est vrai qu'elle ne pouvait s'empêcher d'être méfiante à son égard, bien plus méfiante que précédemment. Elle haussa doucement les épaules, sans répondre, parce qu'elle savait bien qu'elle n'était pas en droit de mettre tout le monde dans le même sac, sous prétexte qu'elle en avait bavé par le passé. C'était irrespectueux et bien trop facile, clairement. Mais l'admettre, elle ne pouvait pas. Pas aussi facilement. Alors oui, elle resta silencieuse, gardant pour elle ce qu'elle en pensait, à savoir qu'elle était toujours aussi injuste, toujours aussi catégorique, car toujours aussi meurtrie. Ezra était en tout cas ce qu'elle avait de plus cher, oui, c'était évident. Il disait n'en avoir pas douté un seul instant, mais elle, elle n'avait pas non plus dit cela parce qu'il aurait pu en douter. Ce fut plus une précision, autant pour lui que pour tous ceux qui devaient critiquer la façon qu'elle avait de vouloir protéger son frère. Ce n'était pas une relation fraternelle comme les autres. Ce n'était pas une fratrie comme les autres. « Je ne veux que son bien. Je sais que je donne l'impression de vouloir l'empêcher de vivre sa vie, mais je veux simplement le protéger de ce monde de dingues. Je me suis toujours employée à veiller sur lui, et il me l'a bien rendu. Je suis consciente de mon égoïsme, parce que je ne veux pas le perdre, je ne veux pas qu'il m'abandonne. Mais à mes yeux, il est resté si jeune, si innocent. C'est pour ça que je vis mal chaque flirt qu'on lui prête et que je rentre dans tous ceux qui se disent intéressés par mon frère. » Elle n'attendait pas de lui qu'il comprenne, ou qu'il lui pardonne son attitude. Ce qu'elle voulait simplement, c'est mettre les choses au clair à tous les niveaux. Elle avait besoin de dire ces choses, c'est tout. Personne ne pouvait véritablement assimiler sa relation avec Ezra, pas encore du moins, mais elle avait eu besoin de s'exprimer à ce sujet. Il disait alors ne pas avoir l'intention de se servir d'Ezra. Au fond, elle n'en avait jamais douté non plus, mais l'entendre le lui assurer avait un coté rassurant, évidemment. « J'essaierai de ne plus en douter » confia-t-elle alors, sincèrement. On aurait tort de penser qu'elle n'essayait pas à tout prix de changer. On aurait tort de penser qu'elle ne détestait pas ce qu'elle était. Oh oui, on aurait bien tort de penser qu'elle cautionnait sa propre attitude. Car non, clairement pas. En tous les cas, non, Mado n'avait rien contre Israël. En tant que ce qu'il était, non, il ne la dérangeait pas. Elle se méfiait simplement du fait qu'il soit un homme, oui, encore une fois. Elle essayait de dépasser tout ça, mais c'était difficile. On ne pouvait pas changer d'opinion du tout au tout, pas après tant d'années. Lorsqu'il reprit la parole, elle l'écouta avec attention. Le jeu était partiellement calmé, et quoi qu'on puisse en penser, ça n'était pas pour lui déplaire. « Mais tu ... enfin, tu aimerais qu'il te témoigne tout autant d'intérêt, de son coté ? Je veux dire, est-ce qu'il te plait vraiment ? » Mado et sa maladresse, le retour. Parce qu'elle galérait toujours à saisir tout ça. Rappelons que sa vie sentimentale était comparable à celle d'une bonne soeur, et donc que ce genre de choses la dépassaient bien souvent. Si elle-même n'était pas tellement capable de mettre de mots sur ses propres sentiments, il va de soi que ceux des autres lui échappaient d'autant plus. « Et est-ce qu'Ezra s'est confié à toi récemment ? Moi, je ... j'ai l'impression qu'il ne veut plus tellement me mettre au courant de ce qu'il en est pour lui au sein de ce jeu. J'espère, sincèrement, qu'il y est plus heureux que moi. Mais j'aimerais qu'il n'oublie pas que j'ai besoin d'être rassurée, perpétuellement. » Pourquoi est-ce qu'elle lui disait ça ? Elle n'en savait rien. Peut être parce qu'elle était calmée et qu'Israël lui apparaissait à nouveau comme quelqu'un de confiance. Les choses étaient changeantes, à n'en point douter. Et puis dans cette pièce, elle se confiait elle aussi, inévitablement. Naturellement, le regard qu'elle lui adressa par la suite lui indiqua que rien ne le forçait à ne lui répondre, à quelle question que ce soit.