Depuis quelques semaines déjà je m’étais décidée à m’instaurer un régime sportif strict ou presque, disons que je m’organisais tous les deux ou trois jours une séance de deux petites heures dans la salle de sport pour, une fois de la zumba et la seconde fois des abdominaux, pompes, de la course sur ce fabuleux tapis de course ou encore un peu de boxe pour bien me dépenser. Aujourd’hui je comptais faire de la Zumba et à moins qu’un éléphant ne soit tombé du ciel et se soit installé devant la porte rien ne devait m’empêcher de répondre à mes désirs de bouger un peu mes grosses fesses sur de la bonne musique métissée qui donnait la pêche instantanément. Vêtue d’un simple short et d’un top décolleté aux motifs panthère je m’étais donc baladée dans le chalet jusqu’à avoir atteint la fameuse salle de sport. Il n’y avait personne pour l’instant, pas une mauvaise chose, j’allais pouvoir être à fond sans être dérangée pour le moment, me dirigeant à la chaine hi-fi je lançais un premier titre en guise d’échauffement avec ce que tout le monde appelait le kuduro, une danse ressemblant énormément au madison avec quelques variantes plus sympathiques à mes yeux, c’était une danse moins plate. A fond dans la chorégraphie je n’avais cependant pas entendu Mado me rejoindre, ce n’est qu’en tournant sur moi-même que je croisais son regard. « Tiens tiens mais qui voilà… Tu viens mettre au point ta tentative d’assassinat ? »

Le sport, c'était un peu toute la vie de Mado, vous savez. Ou une grande partie de celle-ci, du moins. Disons que la jeune femme se plaisait à se dépenser, à se défouler, et qu'elle avait une sainte horreur des gens qui se laissaient aller. S'il lui arrivait à elle aussi de temps en temps d'avoir la flemme, elle ne partait pour autant jamais dans le moindre extrême. Elle aurait vite fait de le regretter par la suite, elle le savait bien. En tout cas, s'il y avait bien une pièce qu'elle fréquentait très assidument au sein de ce chalet, en dehors de la piscine - qui restait sans doute le lieu où elle se rendait tout de même le plus - c'était la salle de sport. Cette salle était incroyablement pratique pour ceux qui avaient perpétuellement la bougeotte. On y trouvait un équipement de pointe, des machines performantes, des accessoires divers et variés. C'était confortable et généralement, il n'y avait pas grand monde à l'heure du gouter. Remarquez, il n'y avait pas non plus bon nombre de courageux le reste du temps, hein. C'était justement ce qui contribuait à faire le charme de cette fameuse salle : on y était généralement tranquille. Sauf qu'aujourd'hui, tandis qu'elle y avait pénétré avec l'envie d'y travailler tout un tas de choses, Mado ne s'attendit absolument pas à y trouver Alecia, en pleine chorégraphie d'on ne sait quelle improbable danse. Clairement, ça n'était pas le genre de choses que Mado aurait tendance à faire ici, mais soit, à chacun son truc. Autant dire qu'elle plutôt amusée par ce concours de circonstances, ou plutôt, par le fait qu'Alecia semble à fond dans son délire. Sa tentative d'assassinat ? Ah euh, mais non, mais non ... « Loin de moi cette idée. Vois-tu, je préfère que nos échanges retrouvent un fond de maturité. » Parce qu'entre les toilettes et l'huile assortie de plumes, elles s'étaient comportées comme des gamines, vrai ou faux ? Vrai, ouais. « Mais dis-moi, t'as le rythme dans la peau, toi. Si tu as dansé de façon aussi sexy devant Mickey, il a du succomber ... à une attaque cardiaque. » Oui parce qu'à Alecia, peut être pas. Mickey avait l'air plus coincé que cela était permis, elle n'inventait rien.

Beaucoup de sportifs riaient lorsque la danse était comparée à une activité sportive à part entière et pourtant s’en était une qui permettait d’affiner sa silhouette tout en faisant un poil fonctionner le cerveau et en améliorant la fluidité. Vous ne me croyez pas ? Alors faites deux ou trois heures de danse de suite et on en reparlera. Quoi qu’il en soit je n’étais pas une sportive du dimanche qui prétextait faire de la danse et qui au final n’était pas capable de tenir sur la durée, en plus de la danse sous ses diverses formes, bien que je préfère de mon côté les danses toniques et modernes, je pratiquais également du sport dans sa définition la plus répandue, j’entends par là en courant, me musclant, boxant, usant le sol avec mes exercices d’abdos, de pompes… Je vous passe les détails mais j’étais une fille qui avait besoin du sport, lorsque je ne pouvais pas m’y atteler pendant plus d’une semaine c’était comme si j’étais mourante, mon hygiène de vie prenait en compte le sport et sans cette variable alors il m’était formellement impossible d’être au meilleur de ma forme psychique. Mado était arrivée alors que j’étais en plein milieu d’une danse de zumba me déhanchant avec tonus, j’aurais pu être stripteaseuse, je l’avais peut-être même été dans une vie antérieure vu ma manière de me déhancher, je contrôlais pleinement mon corps et j’aurais pu être le sosie de Shakira si j’avais eu son physique de bombe latine. Bon n’abusons pas mais je savais faire pas mal des mouvements qu’elle pouvait faire dans ses clips sans jamais avoir eu besoin de me calquer dessus, je le faisais avant et je ne continuerais, on me l’avait juste souvent faire remarquer. « Loin de moi cette idée. Vois-tu, je préfère que nos échanges retrouvent un fond de maturité. » M’en voilà pleinement satisfaite, enfin, par maturité j’espérais qu’elle incluait quand même des moments de rigolade parce qu’être complètement sérieuse je ne savais pas faire. « Pourquoi pas, mais saches que je serais tout de même attentive au moindre de tes mouvements en ma présence. » N’oublions pas que je lui avais assuré ne pas rechercher la vengeance la semaine précédant ma tentative réussite. « Mais dis-moi, t'as le rythme dans la peau, toi. Si tu as dansé de façon aussi sexy devant Mickey, il a du succomber ... à une attaque cardiaque. » Je souriais amusée, même sans avoir voulu séduire Mickey je devais avouer une chose, dans l’un des scénarios que j’aurais pu, et je dis bien J’AURAIS, me faire sur une éventuelle aventure avec Mickey ou plus j’étais bien loin d’y parvenir. « Une attaque… C’est le bon mot ! »

Eh ben dites donc, Alecia était déchainée. Ah oui, vraiment, elle semblait à fond dans son improbable chorégraphie, là. Au point que Mado songeait presque à la laisser seule, histoire de ne surtout pas risquer de la déconcentrer. Ce serait franchement ballot. Quoi qu'en même temps, elle n'aurait rien contre l'idée de rester ici pour l'admirer à l’œuvre, hein. Après tout, la voir se déhancher de la sorte, c'était un spectacle des plus divertissants. Mado avait beau ne pas être particulièrement fan de ce genre de danses, ni tellement de ce genre de musiques d'ailleurs, elle n'en était pas moins disposée à reconnaitre que sa camarade assurait, et pas qu'un peu. Sans doute la française était-elle impressionnée, en fait. Oui voilà, impressionnée, c'était bien le mot. Elle espérait d'ailleurs se rappeler de lui réclamer un autographe, une fois qu'Alecia aurait terminé. Bah oui, quand même quoi. En tous les cas, que sa camarade se rassure, Mado venait la fleur au fusil. Elle n'avait plus la moindre intention de repartir dans des échanges d'une puérilité incontestable, et désirait même laisser les récents évènements derrière elles. Oui, ce serait une assez bonne idée, c'était certain. Pour autant, Alecia semblait sceptique. Sans doute doutait-elle quelques peu de l'honnêteté de Mado, et sans doute cette dernière lui avait-elle donné de bonnes raisons d'en douter par le passé, effectivement. Pour autant, en ce jour, Mado n'était véritablement pas mal intentionnée. Non, non. « Je vois que la confiance règne » souffla-t-elle, en un fin rictus. « J'estime que nous sommes quittes, toutes les deux. Alors à moins que tu ais prévu de relancer les hostilités, tu n'as aucune raison de te méfier de moi, vraiment. » Autrement dit, elle ne nuirait plus à Alecia, à moins que ce soit celle-ci qui se risque à lui refaire un sale coup. Et clairement, il ne valait mieux pas. Quant à cette fameuse danse, Mado ne put que supposer que si Mickey avait eu un tel spectacle sous les yeux, il avait sans doute eu du mal à s'en remettre. Peut être pas au point de faire une attaque cardiaque, bon, mais quand même. « Alors, dis-moi, tu nous l'as un peu décoincé, le Mickey ? Au fond, je suis sûre que c'est une bête de sexe. Il cache bien son jeu, ça ne fait aucun doute. » Ou pas ? Ouais, ou pas, hein. Parce que bon, elle voulait bien croire que certaines apparences étaient trompeuses, mais peut être pas à ce point, quand même. Quoi que.

J’aimais la danse, c’était une passion que j’avais eu la chance de vivre à l’époque du lycée avant ma grossesse, j’avais eu l’occasion de mettre en scène une comédie musicale qui était organisée par l’ensemble des clubs du lycée, vous savez, la dream team comme beaucoup appelaient ça, ceux qui régnaient comme une famille royale et pouvaient faire aussi peur qu’attirer le respect. Toute ma scolarité j’avais été l’une des personnes composant cette équipe, mon histoire était très stéréotypée, j’avais fait beaucoup de gestes pour les associations et m’étais très investie dans la vie au point même que le principal avait été prêt à m’offrir de l’argent pour poursuivre mes efforts, j’avais refusé mais passons… La question n’était pas là. Je m’étais donc frottée à l’élaboration d’un spectacle entier qui avait rapporté au total quasiment deux mille dollars, une recette énorme pour une production scolaire qui n’avait eu que deux représentations, en plus de chorégraphier et mettre en scène j’avais également pu danser… Là où je veux en venir c’est que j’avais suffisamment de pratique dernière moi pour me permettre parfois de danser devant les autres, j’aimais énormément danser quoi qu’il en soit, c’était un outil d’expression qui me paraissait formidable et pas aussi simpliste qu’on pouvait le penser. Ayant remarqué Mado je m’étais arrêtée, par politesse tout d’abord puisqu’elle me parlait mais également parce que j’avais envie de discuter avec elle. « Je vois que la confiance règne » Je souriais amusée. « J’ai été une garce la semaine passée alors que je disais la même chose, je me méfie donc de l’eau qui dort. » Je gloussais baissant le volume de la musique afin qu’il soit plus simple pour nous de comprendre ce que disait l’autre. « J'estime que nous sommes quittes, toutes les deux. Alors à moins que tu ais prévu de relancer les hostilités, tu n'as aucune raison de te méfier de moi, vraiment. » Je ne comptais pas préparer un nouveau mauvais coup, j’avais eu ma vengeance, j’étais satisfaite et mon côté esprit vengeur était totalement apaisé, elle pouvait dormir sur ses deux plumes… Pardon, ses deux oreilles ! « Nous sommes quittes en effet, jusqu’à ce que tu ne te sois à nouveau décidée à faire de moi ta victime tout ira pour le mieux dans le meilleur des mondes. » Bon ce n’est pas comme si nos jeux stupides avaient pour but de faire du mal mais c’était bien de le préciser quand même. Nous changions complètement de sujet parlant de Mickey. « Alors, dis-moi, tu nous l'as un peu décoincé, le Mickey ? Au fond, je suis sûre que c'est une bête de sexe. Il cache bien son jeu, ça ne fait aucun doute. » Je souriais presque gênée de parler de lui mais j’avais confiance en Mado, je sautais donc le pas, m’installant tranquillement sur l’un des bancs de musculation. « Pas vraiment, il est impossible de le décoincer, c’est dans sa nature… Il hait profondément tout ce qui a un rapport avec les échanges sentimentaux ou physique… Je n’ai peut-être rien fait sexuellement parlant ou eu le moindre rapport tout court depuis douze ans mais ce n’est pas le même type d’animosité, avec la bonne personne moi ça disparaitra… Lui je ne sais pas… Il est vraiment fermé ! »

Effectivement, la confiance régnait. A croire qu'Alecia s'attendait désormais au pire chaque fois qu'elle croisait Mado. Et cela aurait pu être réciproque, si la française n'estimait pas préférable de laisser toutes leurs gamineries derrières elles. Oui, ça lui paraissait franchement pas mal, comme idée. A quoi bon rester sur l'histoire des toilettes, celle de la patinoire et celle de la chambre, hein ? Elles n'en étaient pas ressorties grandies, ni l'une ni l'autre, et y avaient même perdu un peu de leur dignité. Autant dire que Mado ne tenait pas à repartir dans ce genre d'hostilités, ne serait-ce que parce qu'elle avait tendance à penser que la suite pourrait être pire encore que tout ce qu'elles avaient trouvé le moyen de faire jusqu'à présent et que, allez savoir pourquoi, elle n'était pas plus curieuse que ça d'en avoir un aperçu. Donc oui, autant revenir à des échanges plus cordiaux, plus matures et adultes surtout. A noter qu'Alecia n'en démordait pas, elle restait visiblement méfiante. Grand bien lui fasse. Mais vraiment, Mado n'avait même pas en tête de l'attaquer en traitre. Elle pourrait, clairement, mais là, non, elle n'y tenait pas particulièrement. « C'est bien de garder une part de méfiance. Mais je t'assure que je suis venue en toute amitié. » Est-ce que c'était clair, désormais ? Non parce qu'elle voulait bien le lui prouver, mais elle ne savait pas trop comment. Oh, elle pourrait se démerder pour brandir un drapeau blanc, mais peut être n'était-il pas nécessaire d'en arriver là, si ? Disons qu'elle préférait partir du principe que sa camarade se ferait une raison et qu'elle la croirait. Vraiment, ça lui ferait plaisir. Pourtant, elle continuait. Alors comme ça, elle partait réellement du principe que Mado récidiverait à l'avenir ? Personne ne pouvait rien en dire, mais tout de même, il était dommage qu'elle ne lui fasse même plus confiance. Pour le coup, Mado en verserait presque une larme. Presque, oui. « Roh mais, Alecia ! Je vais finir par te prendre au mot et par récidiver, alors, hein. Vu qu'apparemment, tu n'attends que ça ... » Bah oui, puisqu'elle en parlait tout le temps, peut être était-ce effectivement ce qu'elle attendait de Mado ? Qu'elle reparte dans de sales délires ? Bah attention, quand même, à ne pas finir par lui donner des idées. Il en faudrait bien peu pour qu'elle soit tentée de lui donner raison, du coup. Vu que de toute façon, Alecia semblait tout à fait pessimiste. Alala. Concernant Mickey, notons que la française était disposée à rêver toute éveillée. Comme si quelqu'un d'humain était disposé à décoincer l'anglais, hein. Non pas qu'elle remette en question les techniques de drague de sa camarade, mais quand même quoi, c'était Mickey. Alecia reprit alors la parole et ... Mado fut assez stupéfaite, en fait. « Attends » fit-elle alors, histoire de bien comprendre. « Depuis douze ans ? » Oui, c'était LA chose qu'elle avait retenu de sa prise de parole. « Merci, Alecia. Merci de me donner un peu moins l'impression d'être un ovni. » Parce que pour Mado, ça faisait quatre ans. Quatre étant moins élevé que douze, oui, elle se sentait rassurée. Tout pour ramener les choses à elle, oui, bon. « Pour en revenir à Mickey, hm, je crois que c'est une cause perdue. Je ne sais pas ce qui a pu le dégoûter à ce point des autres, mais ça me semble assez irréversible. » Dommage, il était presque sexy, quand il passait le balai. Miam. « Dis, tu crois qu'il se ... ? » Soulage. Oui, c'est ce qu'elle avait voulu dire. Pourquoi cette question ? Oh, et pourquoi pas ?

En dehors de nos petites plaisanteries enfantines et de très mauvais goût j’avais confiance en Mado, je pensais pouvoir compter sur elle au cas où j’aurais besoin de quelque chose, envie de me confier par exemple et c’est ce qui me plaisait le plus dans notre relation au-delà du fait qu’il soit très simple de plaisanter avec elle. La jeune femme n’était pas le genre coincé du cul à la Everleigh avec un sens de l’humour peu développée si vous voyez ce que je veux dire. Certes, lui lancer une bombe à eau alors que nous n’avions jamais eu le moindre échange toutes les deux n’avait pas été très fin mais ce n’était que de l’eau et sa réaction avait été terrible, chaque conversation depuis tournait au clash et la connasse que j’étais n’allait pas faire d’efforts, pas pour le moment, c’est moi qui avais fait le premier pas et je ne comptais pas être toujours celle qui revenait, telle une désespérée aux pieds de la petite brune. De toute manière si entre nous ça ne marchait pas je n’allais pas faire quoi, il y a des gens avec qui ça passait et d’autres pas du tout. « C'est bien de garder une part de méfiance. Mais je t'assure que je suis venue en toute amitié. » Elle semblait être sincère mais je me méfiais tout de même, moi aussi j’étais sincère lors de notre journée à la patinoire, j’étais venue en toute amitié moi aussi et c’était un peu plus tard que ma revanche s’était mise en place. Au fond je taquinais légèrement Mado par la même occasion, je doutais du fait qu’elle soit tarée au point de se confronter à nouveau à la garce que je pouvais être lorsque je cherchais à me venger, certes c’était toujours dans la bonne humeur mais avouons-le, je méritais un point pour la créativité. Mado en méritait plusieurs elle aussi cependant. « Roh mais, Alecia ! Je vais finir par te prendre au mot et par récidiver, alors, hein. Vu qu'apparemment, tu n'attends que ça ... » Je souriais levant les mains en l’air comme si un policier était sur le point de m’arrêter pour une quelconque infraction. « Non, je te crois… Bon je n’ai surtout pas envie que tu recommences hein, mais j’ai envie de penser qu’à l’instar de mon cerveau pervers tu n’es pas en train de me faire baisser la garde. » Après avoir coupé la musique je m’étais installée sur un bac de musculation pour une petite séance confidences aux côtés de Mado, nous parlions de Mickey et j’avais donc tout naturellement comparé son cas au mien même si, admettons-le, il n’y avait rien de vraiment comparable. « Attends » Mes sourcils s’élevaient un peu, j’attendais de savoir ce qu’elle venait d’apprendre qui la poussait à me demander d’attendre. « Depuis douze ans ? » Je souriais amusée, tout le monde était toujours surpris lorsque je racontais cela et pourtant c’était la réalité, peut-être que c’était triste mais jusqu’à maintenant je n’avais jamais éprouvé le besoin de sauter le pas à nouveau. « Merci, Alecia. Merci de me donner un peu moins l'impression d'être un ovni. » Un ovni, était-elle dans la même situation que moi elle aussi ? « Ouaip douze ans, tu sais ça passe vite, surtout quand il y a autre chose à faire en dehors des relations amoureuses…. Et… Tu es dans la même situation toi aussi ? » Peut-être que je me méprenais et que ça n’était pas du tout ce qu’elle voulait dire hein. « Pour en revenir à Mickey, hm, je crois que c'est une cause perdue. Je ne sais pas ce qui a pu le dégoûter à ce point des autres, mais ça me semble assez irréversible. » Nous étions toutes les deux du même avis. « Je pense aussi, je me dis que c’est peut-être même en rapport avec son secret. » J’étais au point mort niveau chasse aux secrets, avoir des tonnes d’idées c’était bien mais fallait-il encore que je sois capable d’aller jusqu’au bout et ce n’était clairement pas le cas pour le moment. « Dis, tu crois qu'il se ... ? » Mon air dégoûté me trahissait totalement, rien que l’image de Mickey en train de se masturber me donnait envie de vomir. « C’est un mec, il n’y a que des femmes capables de faire vœu d’abstinence… Je pense que oui, mais au moins, puisqu’il est maniaque il n’en laisse pas partout après. » Bah oui, certains ne savaient pas ce que c’était les mouchoirs et ce genre de choses vous voyez ?

Alecia doutait-elle à ce point de Mado ? Visiblement. La brune en serait presque offensée, vous savez. Car elles avaient beau s'être récemment chamaillées à coup de vilaines blagues, elles n'en restaient pas moins amies, tout de même. Du coup, sentir qu'Alecia pouvait avoir de sérieux doutes quant à ses intentions, forcément, ça avait tendance à désoler Mado. Bon, elle tâchait surtout de relativiser et de se dire qu'il ne tenait alors qu'à elle de prouver à sa camarade qu'elle ne voulait plus lui nuire, et donc qu'elle pouvait ravoir pleinement confiance en elle. Il faudrait simplement qu'Alecia y mette tout de même un peu du sien, parce que bon, elle voulait bien faire des efforts pour restaurer des échanges sérieux, mais il fallait que ça vienne des deux cotés. Oui, très certainement. Toujours est-il qu'Alecia disait maintenant croire Mado, ce qui ne manqua pas de contenter cette dernière. Non parce que, quand même, elle s'était demandée s'il ne lui faudrait pas contacter son avocat, hm. Surtout que bon, il ne faudrait pas qu'elle en vienne à donner de vilaines idées à Mado qui, si elle voyait qu'Alecia doutait toujours autant d'elle, se devrait de lui donner raison, finalement. Elle n'était pas contrariante après tout, la Mado. Et elle aimait tellement faire plaisir aux gens qu'elle serait prêtre, rien que pour Alecia, à repartir dans un délire scato, vous voyez. Qu'est-ce qu'elle ne ferait pas pour les autres, quand même. Mais bon, visiblement, Alecia ne tenait pas plus que ça à ce que la française récidive, et ça tombait bien disons. « Je veux simplement qu'on ne passe pas notre temps à se méfier l'une de l'autre, ce serait franchement bête » confessa-t-elle naturellement, histoire qu'il soit plus que clair qu'elle ne tenait pas à repartir là dedans. La méfiance, c'était parfois une bonne chose, mais uniquement de façon raisonnable. Quant au reste, et bien, il est vrai que Mado fut pour le moins interpellée par les propos de sa camarade. Alors comme ça, cela fait douze ans qu'elle n'avait rien fait du tout ? C'était ... surprenant. Non pas que Mado ait envie de la juger - elle serait si mal placée pour parler de tout ça sur un ton critique - mais il est vrai que ça semblait bien long, comme période d’abstinence. Donc oui, inévitablement, Mado avait l'impression d'être un peu moins "bizarre" dans cette société où l'on entendait parler de sexe à longueur de temps. « C'est un choix, je suppose. Je veux dire, tu as probablement décidé de mettre ça de coté pour te consacrer à autre chose, non ? Ton travail, peut être ? » Finalement, elle ne connaissait pas grand chose de sa camarade, alors peut être pourrait-elle remédier à ce détail. « Me concernant, c'est quelques peu compliqué. Et ça n'est pas nécessairement une situation qui me convient, du moins, maintenant que j'ai eu l'occasion d'y repenser. » Si elle vivait comme elle vivait à ce jour, c'était autant par choix que par dépit. Il y avait des choses que le temps n'effaçait pas, et elle n'arrivait pas aussi bien à dépasser tout ça qu'elle aimait le croire. En tous les cas, oui, elle s'était posée des questions et s'était demandée si elle pouvait s'infliger de vivre dans le passé comme elle le faisait. C'est ce qui la rendait malheureuse depuis quatre ans, et ça devenait dangereux. Quant à Mickey, et bien, elles semblaient d'accord pour dire qu'il avait un sérieux soucis, Alecia allant même jusqu'à supposer que ça pouvait concerner le secret de l'écrivain. Pourquoi pas, oui. « C'est clair que ça intrigue, et qu'on pourrait effectivement en penser que ça concerne son secret. Surtout que bon, il doit être un peu maso sur les bords pour s'enfermer ici avec une trentaine d'inconnus, si la présence d'autrui l'insupporte tant ... » Peut être qu'il se testait, ou qu'il voulait se faire du mal. Ce serait préoccupant, hm. Non, il devait y avoir une raison à cela. Mado n'avait pas franchement d'idées quant au secret de Mickey. Disons qu'elle était un peu refroidie, niveau chasse aux secrets, depuis peu. Soit. Quant à la question que Mado se risqua à poser, il est vrai qu'elle sortait de nulle part. Et ça ne lui ressemblait absolument pas de se questionner au sujet de ce genre de choses. Pour autant, le cas Mickey l'amusait quelques peu, alors oui, elle en venait à se poser des questions ô combien existentielles. La réponse d'Alecia, en tout cas, la fit rire de bon cœur. Bon, elle aurait du se taire, hein. « Comme quoi, sa pointilleuse minutie a de bons cotés. » Parce qu'on avait beau critiquer Mickey, il fallait tout de même reconnaitre que sans lui, ce serait un peu le bordel ici. « Surtout que sa semence doit valoir de l'or » reprit-elle, en gloussant bêtement. Oh, de temps en temps, elle aimait enchainer les âneries. « Au fond, Mickey est quelqu'un d'intéressant. Et tu sais quoi, je crois que je vais même acheter l'un de ses bouquins, en sortant d'ici. Je l'apprendrai par cœur et je le lui réciterai. Il sera aux anges. » Bon, autant elle songeait sérieusement à organiser un peu mieux son temps et à se remettre à la lecture - d'un livre de Mickey, oui, pourquoi pas - autant elle ne prévoyait évidemment pas de se casser la tête à apprendre quoi que ce soit par cœur. Le but n'était justement pas de le perdre, son temps.