C’est drôle, d’être ici, parce qu’il y a tellement d’endroits différents, ouah, je ne sais pas où aller, moi, j’ai envie de tout voir, maintenant, de tout essayer, au plus vite, mais on ne peut pas tout faire en même temps, alors, je ne sais pas trop où aller, en premier, je tourne en rond, depuis tout à l’heure, je change d’avis en trois petites secondes, c’est pénible, comme ça, de ne pas savoir prendre une décision aussi simple que ça. En plus, je suis toute seule, ouah, j’aime pas ça, moi, être seule, mais je ne sais pas où il est, Oliver, alors je crois que je dois me débrouiller sans lui. Et sans Kat, et sans Jamie, et ça m’embête, qu’ils ne soient pas là, je suis sûre qu’ils adoreraient être à ma place, ouah, même Jamie, s’il voyait tout ça, il aimerait, c’est certain. Je suis rentrée dans un endroit, au hasard, et ça sent bon, ça sent drôlement bon, suffisamment bon pour que je n’ai pas envie d’aller autre part. Y’a déjà une fille, je ne sais pas qui elle est, j’essaie de me rappeler d’elle, au prime, mais, rien à faire, ça marche pas, pas du tout. Je la regarde, sans trop savoir quoi dire, ouah, c’est gênant, ça, mais ce n’est pas Kat, alors, je ne sais pas quoi lui dire, j’ai pas l’habitude. « Tu. T’attends quelqu’un ? » je ne sais pas, moi, elle est installée, là, et elle ne fait pas grand-chose, peut-être que je la dérange.

Elle attend son mari, c’est ce qu’elle me dit, c’est sans doute vrai, ouah, je ne pensais pas qu’elle était mariée, moi, je ne sais pas, c’est vraiment adulte, ça, être mariée. C’est vrai qu’elle est plus adulte que moi, ça se tient, finalement, oui, cohérent. Mais, en fait, non, elle éclate de rire, un vrai éclat de rire, ouah, j’y ai cru, moi, pourquoi est-ce qu’elle me mentirait, cette fille. Et puis, elle continue de parler, j’essaie d’être attentive, ce serait mal poli, je crois, de ne pas l’écouter, ah, ce ne serait pas bien. C’est vrai, ça fait du bien, d’avoir de la compagnie, j’aime pas, moi, être toute seule, je pense trop à Kat, quand je suis toute seule, et au fait qu’elle me manque beaucoup, et je regrette vite d’être ici, c’est pas bien, d’être seule, je suis d’accord avec elle, j’hoche la tête, et puis, elle se met en maillot de bain, ouah, je ne sais pas ce que je dois faire, moi. Je détourne le regard, voilà, je regarde le mur, même le mur, il est joli, ici, c’est que cette fille, je ne la connais pas, je ne sais pas si je peux me permettre de la détailler, alors qu’elle est aussi peu vêtue, ouah, c’est pas Kat, cette fille. C’est vrai qu’elle parle beaucoup, mais, je crois que je ne peux pas lui en vouloir, je parle beaucoup, aussi, en général, et vite, et dans le désordre. « Zola, oui, oui, je me souviens, je te cherchais, au prime, mais je ne t’ai pas vue, pardon, je ne sais pas où tu étais, moi, mais je voulais bien te voir. » je ne savais pas à quoi elle ressemblait non plus, je crois, mais je voulais la voir, je ne sais pas, je pensais que ça aurait été une bonne chose, ce n'était pas un instant agréable, hier, enfin, voilà. Elle demande si c’est normal, que personne ne vienne pour masser. Oh. Je la regarde, une moue désolée, c’est vrai, elle est là pour se faire masser, c’est dommage, si personne ne le fait. « Je. Je sais pas. Je sais pas masser, je sais pas comment on fait, mais je peux essayer, si tu veux, enfin, je ne sais pas si c’est une bonne idée, mais. Je sais pas faire, ça, je ne sais pas si ce serait agréable pour toi, pardon, peut-être que je peux chercher quelqu’un, si tu veux, quelqu’un qui sait masser ? » je m’emmêle déjà dans mes paroles, mais, moi je veux bien l’aider, cette fille, elle est gentille, et elle est jolie, et elle veut un massage. Je regarde par la fenêtre, mais, le soucis, c’est qu’il n’y a personne, ouah, je ne sais pas comment on va faire, moi, alors je la regarde, elle, à nouveau, son visage, pas son corps, juste son visage, et je ne sais pas ce qu’il faut que je fasse.

Elle me demande pourquoi je m’excuse. Je ne sais pas trop. Au prime, je pensais que ce serait une bonne chose que d’aller la voir, elle, et puis Juliane aussi, pour les soutenir, je crois, je ne sais pas trop, moi. Mais je ne l’ai pas fait. Mais elle n’est pas fâchée, Zola. Et puis, elle a raison, le principal, c’est qu’elle soit restée, j’imagine. Et elle demande qui je suis, moi. Ah, c’est vrai, ça je n’ai rien dit. Je ne sais même plus si elle me l’a demandé, juste avant. Peut-être que oui, et que je n’ai pas écouté, c’est possible. « Thelma, je suis Thelma. » même si, en fait, je ne sais pas si ça l’avance beaucoup, de connaître mon prénom, moi, mais, elle le voulait, donc, voilà, je lui ai dit. Et elle ne veut plus de massage, finalement, ou n’en a jamais voulu, ce n’était que pour « parler » ah, d’accord. Et puis, son autre question, là, elle me déroute un peu, moi, je ne sais pas ce que je suis supposée lui répondre. « Si. Enfin, ça dépend des fois. J’aime bien parler avec les autres, c’est juste que. » je sais pas. je sais pas comment finir ma phrase, moi. « je suis un peu … » je sais pas comment dire, moi, que je perds plus facilement mes moyens, quand Kat, elle est pas là. « Ouah, je ne trouve pas les mots qu’il faut, c’est dingue. » elle doit me prendre pour une idiote, Zola. Je suis peut-être une idiote, c’est peut-être ça, mon problème, à moi. C’est vrai, je ne trouve pas les mots qu’il faut, et je parle toujours trop vite, et c’est souvent le bazar, dans ma tête. C’est peut-être parce qu’elle ne fait pas son travail comme il le faudrait. Je ne sais pas. Des plantes vertes, elle nous compare à ça, je ris un peu, c’est vrai, ce serait mieux, qu’on s’assoit, plus confortable, alors, je m’assois. Et elle met son short, et son tee-shirt, et c’est mieux, quand même, comme ça, je ne sais pas trop, je n’ai pas peur de regarder là où il ne faut pas, comme ça. Je ne voudrais pas la fâcher pour un regard, vous savez. Je regarde autour de moi, tous les produits, moi, je n’en connais aucun, et je la regarde, elle. « tu sais faire des massages, toi ? » je ne sais pas, moi, peut-être qu’elle sait, contrairement à moi.

Elle me demande de finir ma phrase, Zola, je n’aime pas ça, parce que, je ne sais pas comment la finir, ma phrase, moi, je ne trouve le mot, je ne trouve pas ce qu’il faut pour ça, j’y arrive pas, ça m’énerve, de ne pas y arriver, j’aimerai bien dénicher ce foutu mot, comme ça, elle verrait bien, Zola, que je suis fichue de finir mes phrases, mais c’est pas vrai, ça, j’en suis pas fichue, moi, de finir mes phrases, pas tout le temps, c’est pénible, je le sais bien. Elle me dit que ce n’est pas grave, et qu’elle comprend, ouah, c’est vrai que ça me soulage un peu, moi, je ne voudrais pas la fâcher, Zola, pour un malheureux mot que je peine à trouver, ce serait dommage, vraiment. Et c’est vrai que ça me rassure aussi, elle admet que c’est difficile, ça, de trouver les mots justes, ceux qu’ils faut, alors, ça ne doit pas arriver qu’à moi, ce genre de chose, ça me rassure, de ne pas être la seule. Jamie et Kat, je ne crois pas qu’ils sont comme ça, eux, ils arrivent toujours à terminer leur phrase, en tout cas, ou, s’ils ne le font pas, c’est bien volontaire, pas comme moi, là, tout de suite. Zola non plus, elle ne sait pas faire de massages, je me dis que c’est drôlement bête, qu’on soit deux filles ici incapables de pratiquer un simple massage. Ce n’est pas son truc, elle me dit, elle n’est pas délicate, je suis sûre qu’elle pourrait l’être, moi, délicate, si elle le voulait suffisamment, mais je pense que ce n’est pas son truc ça aussi, enfin, je me trompe peut-être. Je ris, moi aussi, quand elle se met à imiter un monstre, et qu’elle rit aussi, de toute façon, moi, je suis forcée de rire, quand quelqu’un rit, je ne peux pas me retenir, c’est comme ça, alors je ris aussi, parce qu’elle est drôle, je trouve. « C’est pas ton truc, t’as dit. » c’est vrai, c’est ce qu’elle a dit, j’invente pas, moi, juré. « enfin, c’est pas si important, on est peut-être pas obligées de faire ça, un massage, si t’aimes pas beaucoup, il vaut mieux ne pas faire ça, je pense. » je ramène mes jambes contre ma poitrine, pour poser mon visage sur mes genoux. « dis, t’as des frères ou des sœurs, toi ? » je ne sais pas, une question, comme ça.

Elle est d’accord avec moi, Zola. J’ai l’air cool, elle me dit, je trouve ça drôle, d’avoir l’air « cool » mais si elle le dit, c’est peut-être vrai, moi, je veux bien la croire, Zola. Je ne me prends pas la tête. Je cite ses mots à elle, mais je crois qu’elle dit vrai, là aussi, enfin. J’aime pas beaucoup ce qui est compliqué, c’est fatiguant, et ça m’énerve, et je pense qu’elle a raison, donc. Moi aussi, j’aimerai beaucoup lui dire la même chose, qu’elle a l’air cool, toutes ces choses-là, mais, je ne sais pas vraiment ce que ça peut être, d’être cool, à ses yeux, donc je préfère éviter, moi, pour qu’il n’y ait pas de mal entendu, ce serait bête, voilà. « je t’aime bien. » c’est vrai, ça, elle a l’air gentille, et je crois que c’est une façon comme une autre de dire qu’elle a l’air « cool » aussi à mes yeux, voilà. Je ne saurais pas quoi dire d’autres, de toute façon. Ensuite, elle me répond, et elle me dit qu’elle est fille unique. Kat aussi, elle est fille unique. Jamie, il a un grand frère, vrai, je l’ai vu, une fois, mais une fois seulement, ils ne se voient pas beaucoup. C’est drôle, d’être fille unique, je trouve. Et elle parle beaucoup, vraiment beaucoup, et j’essaie d’écouter, moi, d’être concentrée sur ses mots, rien que ses mots. Combattre les monstres. Je veux bien combattre les monstres avec elle, moi. Ça ne me dérangerait pas je crois. Je tourne la tête, une seconde, j’ai cru entendre du bruit, ça m’a déconcentrée, moi, et elle parle de copains. Et elle me demande pour moi. « Je suis pas fille unique, moi. Je trouve ça bizarre d’être fille unique. J’ai deux sœurs. Liz, c’est la dernière, elle est minuscule, elle a un peu plus de deux ans, mais c’est déjà quelque chose, ouah, elle fait des comédies, beaucoup de comédies, elle en fait qu’à sa tête, c’est dingue, vraiment. Katie, elle a douze ans, elle est intelligente, et elle sait tout faire comme il le faut, elle sera parfaite, je suis sûre, vraiment parfaite. » je m’arrête un peu. Je ne sais pas si je dois continuer. Je ne sais pas si c’est intéressant, pour elle. Et si je commence à parler trop, je vais divaguer, divaguer, et j’arriverai plus à m’arrêter. « Et Samuel, il a quinze ans. Et Raphael, Aaron, Isaac et puis Todd. » je raccourcis, je veux pas l’ennuyer. « et c’est tout. » j’ai fini, vrai. Je la regarde un peu. je trouve ça vraiment dommage, qu’elle soit fille unique. Je crois que je ne connais que Kat, de fille unique, moi. Je suis presque sûre qu’elle aurait voulu un frère. Un Jamie, comme frère, je suis sûre.