ft OPALINE, le vingt-huit mai à onze heures quarante

Je n'ai pas envie de dormir, j'ai pas du tout sommeil. C'est pas comme ça tous les soirs, heureusement, mais en ce moment, je dois avouer que c'est de plus en plus fréquent malheureusement. Surement mon train de vie habituel qui revient au galop. Parce que oui, chez moi, ce n'est pas à onze heures/minuit que je me couche mais beaucoup plus tard, presque au petit matin.. J'suis pas raisonnable, je sais, je sais... Bref, quoiqu'il en soit, j'arrive pas à dormir, et j'ai même pas envie d'essayer, je sens que j'ai les yeux encore grands ouverts. Je vais jusqu'à la chambre, Sully n'est pas là. Il doit surement parler avec quelqu'un.. Qu'est-ce que je vais bien pouvoir faire, en attendant d'être crevée ? J'sais pas, mais peut-être que me balader dans les studios me donnera une idée. C'est vrai, là-bas, y'a tout. Mais genre, vraiment tout. C'est ce que je disais depuis le début : un jeu vidéo grandeur nature. On dirait presque les sims..Heu, non, non, je n'ai pas dit ça. Pardon. J'erre, je regarde un peu tous les endroits et je suis surtout à la recherche d'un lieu dans lequel je n'ai jamais été. Ben ouais, c'est toujours mieux de découvrir de nouvelles choses j'trouve. Je passe alors devant cet hôpital abandonné. Celui qui était plongé dans le noir pas plus tard que dimanche matin pour le prime. J'suis folle, je sais, d'y aller, surtout à cette heure là mais j'ai beaucoup trop envie. Et j'ai à peine les pieds à l'intérieur que ça me fait froid dans le dos..Mon dieu, qu'est-ce que je n'ai pas fais là ? J'entends un cri. J'sais pas ce que sais, mais ça me rassure pas. "Y'a quelqu'un ?" que je lance, à travers la pièce. Et en fait, je sais même pas si je préfère avoir une réponse ou non..

C'est de ma faute. Je sais que je ne dois pas m'éloigner autant. Ou rester aussi longtemps au même endroit. Pas en soirée. Parce que la nuit tombe vite. Et je suis prise au piège. Bien sûr, l'extérieur est éclairé, mais pas assez à mon goût. Il y a toujours trop d'obscurité, toujours. Je n'aime pas ça du tout. Quand je lève le nez de ma feuille sur laquelle j'ai passé des heures à gribouiller, à imprimer mon univers dessus, je vois que l'obscurité s'est faite une sacrée place dans le paysage. J'en frisonne. Je n'ose plus bouger, plus du tout. Je ne vois rien alors je ne bouge pas. Pas d'un seul centimètre. Je suis obligée d'inspirer profondément, de faire plusieurs fois un décompte dans ma tête pour oser, pour me le permettre. Ce n'est qu'au bout de la quatrième fois que je me lève et que je marche aussi vite que je le peux, tout en sentant mes poils se hérisser sur mes bras, en ayant le souffle court, la respiration saccadée. Je serre fort mon calepin contre moi, même si mes mains souffrent d'une telle pression autour de cet objet. Je suis la première candidate qui se présente sur ma route. Je me fiche d'où elle va, qui elle est. Je n'ai pas le temps de distinguer son visage et je m'en fiche. Je la suis. Elle entre dans un bâtiment, je réalise les mêmes gestes qu'elle. Au moins, je ne suis plus dans le noir. J'inspire à plusieurs reprises, des inspirations courtes. Et je me retourne. L'hôpital. Ah. Il est flippant, cet hôpital. Ce n'est déjà pas l'endroit le plus accueillant du monde, mais ici, c'est pire. Et les néons n'arrêtent pas de sauter, cette lumière jaunâtre qui éclaire si peu, et qui rend l'atmosphère encore plus angoissante. Je n'ose pas avancer, je me contente d'observer tout ce que se passe autour. Puis un cri résonne. Je sursaute, j'en fais tomber mon calepin que je m'empresse de ramasser. Deuxième sursaut quand j'entends une voix. Sur le coup, j'hésite à répondre. Je ne sais pas pourquoi. Je m'imagine que ce n'est pas une vraie voix mais plutôt comme le cri, un autre élément pour planter le décor. Je prends quelques secondes avant d'ouvrir la bouche, sans que rien ne sorte. J'inspire. « Oui. Je suis là. » Je ne sais pas où elle est, elle. J'espère qu'elle m'a entendue. Je crois. Je ne sais pas. « C'est Opaline. » que je continue en refrénant un frisson. J'espère surtout qu'elle va me dire qui elle est, en fait. Et qu'elle va se pointer par ici. Je crois. Je crois...

Je suis toujours dans cet abominable hôpital. L'hôpital abandonné, comme ils l'ont si bien nommé. C'est vrai que ça correspond vraiment à ce décor lugubre. J'me sens pas à l'aise ici, parce que même si je me donne l'air d'une fille prête à affronter toute sorte de situation, j'suis trouillarde au fond de moi, un peu. Enfin, comme tout le monde j'pense. C'est vrai quoi, qui n'aurait pas peur dans cet endroit ? Une lumière à peine visible, des murs plein de sang, des objets sur le sol, comme si quelqu'un les avait fait tomber avant de s'enfuir en courant, bref, c'est juste une horreur. Qu'est-ce qu'il m'a pris de venir ici ? J'peux très bien aussi repartir, c'est vrai. Mais j'ai pas envie de baisser les bras. C'est pas comme si c'était une épreuve ou un défi mais..si, en fait, c'en est un : un défi que je me suis lancé à moi-même, rien que pour me prouver que je peux être courageuse. Et que je suis courageuse. Parce que je suis pas une chochotte, ni une nunuche. J'suis Zola, et je devrais pas avoir peur. Bref, j'entends un cri et je demande s'il y a quelqu'un. J'crois pas que quelqu'un va me répondre ; on m'a déjà dis que c'était fait exprès, tous ces cris. Mais on sait jamais, c'est peut-être le réflexe aussi. Je sursaute. Quelqu'un m'a répondu. Elle (vu la voix) est là. On dirait que je suis dans un train fantôme et qu'on me lance des "fais gaffe, je suis là, ouh, je suis là, non, pas là, là". Sacrés souvenirs d'enfance. Bref, je n'ose plus bouger, jusqu'à ce que cette fameuse personne ne se dévoile : c'est Opaline. Je me détends d'un coup, j'ai quand même pas envie qu'elle me prenne pour une trouillarde, oh ça non. "Cool...C'est..c'est Zola !" que je lance une nouvelle fois à travers la pièce, sans même l'avoir vue. "Cool"...on peut faire mieux...mais c'est la seule chose qui me soit venue à l'esprit. Je souris, un sourire bien forcé tu vois, puis je me retourne. J'avance, et là, elle est là. Sous mes yeux. "Ah, t'es là. Je..j'avais pas peur, hein, c'était juste pour..pour voir si j'avais le droit à de la compagnie ou non..parce que.." C'est bien la première fois ici que je suis hésitante comme ça. Je ne peux même pas finir ma phrase tant ce que je dis est pitoyable. Allez, avoue que t'as eu peur Zola, c'est rien... Non, j'y arrive pas, c'est plus fort que moi. Bien sur que non, elle va pas me croire, mais c'est pas grave, j'aurais essayé. "Tu t'es perdue ? Ou t'avais toi aussi envie de venir explorer ce magnifique endroit ?" Hum... toujours pas convainquant...

C'est lugubre, angoissant et cette lumière donne presque mal aux yeux. Parce qu'elle n'éclaire pas beaucoup, que j'en plisse les yeux, comme pour essayer de voir mieux. Il fait toujours un peu obscure mais c'est déjà moins terrible qu'à l'extérieur. Une lumière bien vive me plairait mieux, je l'avoue. J'espère de ne pas trop angoisser. Ce qui est difficile dans cet endroit. Surtout avec ce cri qui se fait entendre. Un cri qui me fait frissonner. Ça plante bien le décor, ça. Ça recrée l'ambiance d'un film d'horreur à la perfection. Moi qui suis déjà perturbée par la nuit qui m'est tombée dessus sans que je ne puisse rien y faire, je me demande comment je fais pour ne pas crier. Mon truc, c'est de rester silencieuse. Et immobile. Et de paniquer intérieurement. Jusqu'à ce que les larmes me montent aux yeux. Oui, c'est comme ça que ça marche avec moi. Je n'en suis pas encore rendue là, heureusement. Je reste calme. À peu près. Ça ne se voit sûrement pas que je n'aime pas cet endroit. Tant mieux, je suppose. La fille que j'ai vu tout à l'heure, elle est là. Je suppose que c'est elle qui a demandé s'il y a quelqu'un. Je ne tarde pas à entendre sa voix une nouvelle fois. Zola. C'est Zola. La petite blonde, là. Je ne la connais pas beaucoup, c'est vrai. Je ne bouge pas. J'attends. Je ne sais pas quoi exactement. Mais j'attends. Et finalement, je vois Zola qui arrive. Elle prend la parole. C'est vrai qu'elle est bavarde, cette fille. Beaucoup sont bavards, dans ce jeu. Elle affirme qu'elle n'a pas peur, qu'elle était juste curieuse. D'accord. J'acquiesce, silencieuse. Elle m'interroge. Si je suis perdue. Ou si je suis venue visiter. Ni l'un, ni l'autre. « Tu es passée devant moi, je t'ai suivie. » C'est la vérité, ça, rien que la vérité. Je n'ai pas cherché à comprendre, j'ai juste été dans la même direction qu'elle. « Je... n'aime pas trop l'obscurité. » que je lui explique en me mordillant l'intérieur de la joue. Je ne sais pas, c'est peut-être pas une bonne idée de lui confier ça. Je n'aime pas trop avouer ce genre de choses. Je secoue la tête, en espérant que ça allait effacer mes paroles. Au pire, ce n'est pas grave. Je suppose. Au moins, elle sait pourquoi je l'ai suivie.

Opaline reste assez immobile face à moi. Elle a l'air d'avoir peur, ou de ne pas être à l'aise tout du moins. J'ai déjà entendu quelques retours sur elle, je sais qu'elle n'est pas très causante, même assez intrigante. Et qu'elle est amie avec Thelma, aussi. Mais je veux me faire mon propre avis sur elle, car on n'est jamais mieux servi que par soi-même. Phrase cliché bonjour. Mais c'est vrai. J'suis curieuse alors j'aime bien savoir ce que les uns pensent des autres mais je ne me fie jamais à ces jugements ma foi assez subjectifs. Le principal étant ce que moi je pense de la personne. Bref, il fait toujours assez sombre dans la pièce. Ca ne va pas changer d'une minute à l'autre en même temps. Opaline acquiesce quand je lui sors une phrase incompréhensible pour lui dire que je n'ai pas peur. C'est grave ça quand même, de ne pas vouloir avouer sa peur. Qu'est-ce qu'elle va me faire si je lui dis que j'ai peur d'être ici, dans ce terrible endroit ? Elle ne va pas me tuer, non, ça serait idiot. A moins qu'elle soit folle. Mais je pense pas que c'est son cas. Bref, de toute façon je ne trouve pas le moment pour revenir sur ce que j'ai dis : c'est fait, c'est fait, ça sert à rien de revenir en arrière, pas vrai ? Je lui demande alors le pourquoi du comment de sa venue ici. Elle me répond qu'elle m'a suivie. Hum.. "Tu voulais me suivre pour me dire quelque chose peut-être ? Ou juste pour m'espionner ? Ouais, tu m'espionnes, c'est ça, hein ?" Ouais, je la harcèle un peu de questions mais c'est pour rire. D'ailleurs, je m'exécute et lui souris, en espérant qu'elle comprenne rapidement que ce ne sont pas des reproches, mais juste ma manière de détendre l'atmosphère et de me sentir plus à l'aise dans cet endroit qui, pour tout dire, me donne froid dans le dos. Elle m'avoue ensuite qu'elle n'aime pas trop l'obscurité. Je regarde tout autour de moi, comme si c'était un réflexe et quand je pose à nouveau mon regard sur elle, je la vois secouer la tête. Comme pour reprendre ses esprits, ou..je sais pas en fait. Mais peu importe. "Moi non plus, à vrai dire...cet endroit n'est pas très accueillant, en fait. T'as pas intérêt à tomber malade pendant le jeu ! Tu t'imagines te faire soigner ici ? Une vraie torture ! Autant mourir directement je crois..!" Je parle, je parle. Même si elle, n'est pas très bavarde, je continue à être comme je suis. Et puis, peut-être qu'elle se sentira un peu plus à l'aise.

Ces néons qui clignotent, c'est perturbant. Angoissant. Moins que l'extérieur, dans l'obscurité la plus totale. Je crois. C'est quand même bizarre, cet endroit. Pourquoi nous avoir foutu un hôpital, là. La production croit peut-être qu'il va forcément y avoir des blessés durant la saison. Je suis sûre que si quelqu'un est blessé, ça sera forcément moi. Forcément. Ça me fait encore plus frissonner. Je lui avoue, à Zola, que je l'ai suivie. Parce que c'est vrai. Autant lui dire la vérité. Elle se pose des questions. Sur le pourquoi. Elle va chercher trop loin, c'est clair. Je l'ai juste suivie parce que j'étais toute seule. Dans le noir. Et que je n'aime pas ça. C'est déjà bien d'avoir réussi à la suivre, je vous assure. Parce que l'autre jour, je suis restée coincée à l'extérieur, sans pouvoir bouger, tétanisée dans un coin. C'est quand même mieux à deux. Enfin, quand la deuxième personne est une femme, bien sûr. Sinon, je préfère être toute seule. Je secoue la tête face à ces questions. Parce que c'est rien de tout ça. « Non. Je voulais pas être toute seule. » que je souffle simplement, déboussolée. Parce que même si je préfère être seule parfois, là, je crois que je préfère avoir un peu de compagnie. Cet endroit est flippant. Et l'obscurité est à deux doigts de se faire. Je n'aime pas ça du tout. Je crois que le mieux, ça serait de partir, de rejoindre un autre bâtiment. Sauf qu'ils me paraissent loin, les autres bâtiments. Et que je n'ai pas envie d'aller à l'extérieur. Zola recommence à parler. À beaucoup parler. Comme toujours, je crois. Ne pas tomber malade ici donc. Ah, ouais, autant éviter. Elle préférerait mourir, apparemment. Ah ? Bah, je suis pas sûre que ça soit mieux, dans le fond. Je secoue la tête une nouvelle fois. « Je crois qu'on est pas soignés ici. » Bah, il me semble. Non ? Ça serait glauque, quand même. Et là, il y a un nouveau cri qui résonne. Qui me glace le sang. Bordel. Ça fait peur quand même. J'en reste figée sur place. « On fait quoi, maintenant ? » que je murmure à Zola, un peu perdue. On doit faire quelque chose en particulier ? Ou alors, on peut peut-être sortir de là. Ça serait peut-être mieux. J'en sais rien.