Ma clope se consumait tandis que je la portais une dernière fois à mes lèvres. Les stroboscopes colorés tournaient et tournaient encore, éclairant les têtes et les corps de tous les sorteurs présents dans la grande salle. Sortir en boîte, voilà à quoi se résumaient mes nuits dernièrement. Après Fake Lover, tout le monde n'est pas propulsé vers la gloire et sous le feu des projecteurs. J'ai abandonné le jeu, je suis parti trop tôt, on me reconnait en rue mais je n'ai pas de notoriété spécifique. Je suis retourné à Bruxelles, je vois Joshi de temps à autre, on n'a toujours pas retrouvé notre paternel mais on avance. Du coup, je passe mes soirées à boire, à fumer, à faire des conneries, à baiser. En somme à rater ma vie. Encore plus maintenant que mon foutu job de caissier m'a été retiré, j'ai été viré parce que j'avais piqué dans la caisse. Pour l'instant j'cherche un taf mais ça n'a pas encore porté ses fruits. Alors voyez, en attendant je dilapide mes dernières économies en sorties en clopes et en capotes. Charmant je sais. J'suis avec deux trois potes ici, que des mecs évidemment. Je ne sais pas où ils sont tous passés, peut-être partir chercher une boisson au bar, pisser un coup ou encore tringler une meuf quelque part. Moi j'ai personne pour me tringler. Alors je pousse les gens, un peu démoralisé. L'effet de l'alcool et des joints doit un peu accélérer mon système émotionnel, je déprime pour rien quand je suis bourré, tout comme je peux me marrer pour rien. J'pousse les gens, mélancolique, la tête qui tourne, mais ça va j'suis bien, j'suis encore loin de l'état dans lequel j'ai pu être. J'arrive enfin à hauteur du bar, je monte sur un tabouret, m'accoude sur le bar. J'adresse un beau sourire au barman, lui montrant mon verre histoire qu'il me resserve un autre. Il a compris, brave gamin. Je regarde autour de moi ça et là, j'repère enfin mon meilleur pote en train d'emballer une meuf. Great. Fais chier, j'aime pas être le rejeté de la bande dans le sens où tout le monde s'amuse sauf moi. Cul sec. J'rends mon verre au barman en lui disant merci avec mon sale sourire de vieux pervers dragueur. Mouais, vu la réaction du type il doit pas être de mon bord celui-là. Tant pis. Bon j'vais me casser j'pense. J'arrive à descendre de mon tabouret sans me casser la gueule, un bon point. Alors que je relève la tête, je crois rêver. Sven t'as trop bu déconne pas ce mec c'est pas Alix qu'est-ce qu'il viendrait foutre ici. Puis je zieute par deux fois quand même. On dirait vraiment lui. J'me dirige vers lui, les yeux déglingués, grand sourire accrocheur. « Eh, Alix ? » je demande en lui prenant le bras. Puis je me ravise. J'dois rêver. « Nan, excuse-moi j'ai dû t'prendre pour quelqu'un d'autre, man. » Puis je me détourne du mec, et je vais vers la porte de sortie. De l'air j'ai besoin d'air.

Cela faisait un moment que l'aventure Fake Lover s'était terminée pour moi, que des amitiés s'étaient délaissées et que d'autres s'étaient créées. La vie avait simplement repris le court de sa route, éparpillant ici et là les personnes qui n'étaient plus indispensables, qui ne se jugeaient plus indispensables. C'était ainsi, on perdait de vu beaucoup trop de monde dans l'espace d'une existence. Des amis, des ennemis, des parents. C'était un concours de circonstances totalement aléatoire, qu'il était à peu près impossible de deviner. Pourtant j'étais encore là, plus de deux ans après ma victoire aux côtés de Dion, qui avait d'ailleurs partagé ma vie pendant plus d'un an. Cependant ça n'avait malheureusement pas marché. Nous avions évidemment gardé contacts puisque le jeune homme restait tout de même l'une de mes plus belles rencontres, le premier avec qui je m'étais décidé à vivre, avec qui j'avais choisi de tenter de construire un bout de rien. Mais voilà, il y avait maintenant quelques mois que je m'étais retrouvé seul, que j'avais repris ma vie de célibataire, pas franchement près à me réengager dans une quelconque relation. Pas parce que je n'en avais pas envie, non, simplement parce que je n'en avais pas le courage, ni la bonne personne entre les mains. Y'avait-il une bonne personne ? Si c'était le cas, je ne la cherchais pas. Je ne la cherchais plus. Je me contentais simplement de vivre au jour le jour sans me poser toutes ces questions. J'en avais fait du chemin en deux ans, principalement grace à l'émission à laquelle j'avais pu participer, et que je présentais maintenant chaque Dimanche soir. C'était incroyable. Jamais je n'aurais pu imaginé en m'y inscrivant que j'en atteindrai la tête un jour. Ça n'avait jamais été mon but, non, mais mon profil avait su convaincre, ce qui n'était de toute façon pas plus mal. Maintenant, les gens s'arrachaient mes sourires. Les photographes se ruaient auprès de mes agents pour avoir le droit à une image exclusive, c'était fou. J'avais également continué mon métier de danseur, puisqu'il était de toute évidence hors de question que j'arrête ma passion qui était le breakdance. J'aimais bien trop cela pour la voir être sacrifiée au profit d'une autre activité. J'avais d'ailleurs gagné plusieurs concours, et étais maintenant l'une des têtes les plus reconnues dans ce milieu artistique. C'était d'ailleurs pour cette raison que je m'étais retrouvé ce jour là à Bruxelles, n'y ayant d'ailleurs mis les pieds qu'une autre fois dans mon existence. Je ne saurais trop vous dire si j'appréciais cette ville, puisque je n'avais visité que ma chambre d'hotel ainsi que les coulisses du concours que je venais de repasser. Nous avions gagné. A vrai dire, ce n'était pas une grande victoire puisque la plupart des autres groupes n'étaient pas pros, mais c'était toujours plaisant de voir des gens s'intéresser à ce milieu. De voir que la plupart pouvaient bouger sans avoir honte de leur corps. C'était important. Je m'étais donc retrouvé dans ce bar, pour célébrer mes partenaires et moi notre victoire, une verre à la main alors que la musique, lourde, se calait peu à peu sur le rythme de mon palpitant. Il y avait énormément de monde, c'était incroyable, et pendant un instant, je me souvenais de mes débuts dans Fake Lover, cette grosse soirée d'entrée avec plus d'une trentaine de personnes autour de moi. Clairement pas autant qu'aujourd'hui. J'avais l'impression de suffoquer. Je sentis quelqu'un agripper mon bras, alors que je déposais mon regard sur l'homme que je dépassais de quelques centimètres. « Eh, Alix ? » j'arque un sourcil. La lumière se reflète sur le visage du jeune homme, trop violente pour que ses traits se précisent. « Nan, excuse-moi j'ai dû t'prendre pour quelqu'un d'autre, man. » il se défile alors, s'échappant à grands pas vers l'extérieur de la salle. Je tapote un instant sur l'épaule de Ted pour lui faire signe que j'avais besoin de prendre l'air et me met ainsi à la poursuite du jeune homme. Je ne sais même pas comment je vais réussir à le trouver, à le reconnaitre. Je vois la porte au loin s'ouvrir, je décide alors d'accélérer le pas, me frayant un chemin dans la foule. Passer le pallier me donne l'impression de revivre. Je prends une grande bouffée d'air frais, avant de laisser mon regard jongler de droite à gauche, s'arrêtant sur un silhouette non loin de là. Je le reconnais. « Eh, Sven ! » que je l'appelle pour qu'il se retourne. Il s'exécute et je me mets alors à marcher vers lui. « J'avais totalement oublié que t'habitais dans le coin. Tu comptais partir aussi tôt ? » je jette un coup d'oeil à ma montre qui tire vers les minuit. « Laisse moi au moins te raccompagner chez toi, ça nous laissera le temps de discuter un peu. » je lui décoche un léger sourire.

J'avais besoin d'air, je ne voyais plus clair, je voyais des personnes qui n'en étaient pas. Pourtant je n'avais pas bu autant. Enfin j'avais bu, mais pas autant que ça, j'avais déjà fait bien pire en matière d'abus d'alcool et de drogues. Disons que Bruxelles n'est pas une ville toute rose, surtout quand on en connait les pires quartiers. J'avais poussé la porte de sortie du night club, l'air frais avait libéré mes poumons de toute cette suffocation et de toute cette tension. Le changement de température alors que j'étais en simple t-shirt à l'intérieur me donna un soudain mal de tête. J'avançais dans la rue histoire d'aller m'asseoir quelque part histoire de récupérer jusqu'à ce que mon prénom retentisse derrière moi. Sérieux, on m'appelle ? Maxime aurait-il délaissé sa proie de la soirée ? Je me retourne, non c'est le type que j'ai pris pour Alix mais alors ça veut dire que.. oh oui ça devait être Alix tout compte fait. Je souris en le voyant venir vers moi. Ca fait bizarre de le voir ici. Il avait été l'animateur des primes sur la saison à laquelle j'avais brièvement participé et il se souvenait de moi. Ca faisait plaisir. Mais après tout, qui ne remarque pas Sven, hun ? Il me demande alors si je comptais partir aussi tôt. Je lui rends son sourire. « Oh non non, je comptais juste prendre un peu l'air. Puis tu sais, rentrer chez moi, ça revient à rejoindre l'appart de mon meilleur pote ou ma voiture. Belle vie hein ? » je dis, ironiquement, avec un sourire triste. « On peut clairement discuter un peu si tu veux, c'est pas tous les jours que j'ai une star devant moi. » Je fais, me marrant. « Bon par contre j'ai un peu froid là » ouais parce que en t-shirt bon ça caille un peu la nuit en Belgique. Genre faudrait qu'on bouge mais où ? Le night club c'est pas super génial pour discuter, prendre des nouvelles tout ça, vous voyez ?