lundi trois juin deux milles treize, quatorze heures trente-huit | La caverne d'Alibaba. Tout simplement. Hadatt adorait venir dans ce hangar. Lui qui n'était pas facilement impressionné, restait toujours pantois face aux découvertes qu'il faisait dans cette véritable mine d'or. En sortant certains objets, il se rappelait des films qu'il avait vu tout au long de sa vie et il en avait vu pas mal ! Et de très différents ! Il avait eu la chance d'observer un film français dans une grande salle parisienne, avait assisté à une projection plein air d'un chef d'oeuvre américain, avait même partager son pop corn avec de jeunes tunisiens qui avaient mis tout leur argent dans la place de ciné. Il avait eu la chance d'expérimenter toute sorte d'endroit, et d'en apprécier chaque seconde. Donc des fois, des films lui rappelaient ses voyages et combien il avait aimé arpenter le monde. C'était pour ça qu'il adorait cet endroit et qu'il y passait le plus de son temps à présent. Aujourd'hui, il se tenait assit, sur une étagère assez grande en hauteur pour l'accueillir, suspendu au dessus du vide et les pieds ballants. Dans ses mains, il tenait une sorte d'album photo, sans doute utiliser comme un quelconque vestige de souvenirs dans un film quelconque. Il ne saurait dire lequel. Cependant, il tournait les pages avec une extrême lenteur, ce qui était étonnant de sa part. Il savait quand les choses étaient fragiles et précieuses, et quand il fallait en prendre soin. Ca ne lui était arrivé qu'une fois de ne pas faire attention et c'était à une personne. Et la vie de celle-ci s'en était trouvé changé à tout jamais. Bref, ça le rendait trop sentimental ces conneries de photos de famille...

Il reposa alors l'épais bouquin et tira une énième latte sur le cône verdoyant qui pendait au bout de ses lèvres. Dans l'optique de descendre, il tendit la main vers l'echelle non loin de lui, echelle qui lui échappa et alla s'écraser sur l'étagère d'en face, hors de sa porté... Sérieux? « Ca n'arrive qu'à moi ça... » lança-t-il plus pour lui même, avec un regard dépité. Et soudain : « AU SECOURS ! » hurla Hadatt comme un chaton coincé en haut d'un arbre.

Sully gardait un excellent souvenir de sa venue dans le hangar à accessoires. La première fois qu'il s'y était rendu, il avait eu la chance d'y trouver Odessa, et les deux jeunes gens y avaient passé un moment plutôt plaisant, ayant déliré sur certains accessoires sur lesquels ils étaient tombés. Ainsi donc, c'est avec un certain enthousiasme que le jeune homme en prit à nouveau la direction aujourd'hui, estimant qu'une seule visite ne suffisait pas à se familiariser entièrement avec les lieux, et qu'aux vues de la taille pour le moins impressionnante de l'endroit, il valait mieux y refaire escale. Cette fois-ci, il s'y trouverait peut être seul, car les beaux jours arrivaient et que beaucoup de ses camarades préféreraient sans doute rester à l'extérieur pour y profiter du soleil. Dans tous les cas, il tâcherait de profiter un maximum des lieux, qui n'étaient pas qu'un peu symboliques à ses yeux, étant donné qu'il avait nourri sa culture cinématographique de bon nombre de films, dont il pourrait assurément trouver quelques vestiges dans ce fameux hangar, n'ayant pas tellement eu l'occasion de tout examiner la fois dernière. Ainsi donc, il pénétra cette fois encore au sein de l'immense bâtiment, ne tardant pas à se mettre en route pour les étagères qu'il n'aurait pas encore eu l'occasion d'examiner, mais entendant subitement un cri qui ne manqua pas de le stopper net dans son élan. Quelqu'un venait de crier au secours, et lui, bien évidemment, pensa immédiatement au pire. Oui, l'espace d'une seconde, il se demanda si quelqu'un n'était pas entrain de se faire assassiner à quelques étagères de là, et s'il ne serait pas préférable d'aller chercher de l'aide plutôt que de risquer de se retrouver nez à nez avec un tueur sans scrupule. Mais estimant que ce scénario était tout de même pour le moins surréaliste - c'était plutôt bien qu'il s'en rendre compte, hm - le cinéaste finit par marcher en direction de la source du bruit, finissant par arriver devant une haute étagère, où se tenait assis l'un de ses camarades, Hadatt, qui était donc celui qui avait crié. Sully resta un peu bête, un court instant, avant de comprendre d'où venait le problème. L'échelle, donc. Hm. « Ne bouge pas, je vais t'aider » qu'il lui lança alors, parce qu'il n'allait clairement pas faire comme s'il ne l'avait pas vu et poursuivre sa visite. Ainsi, il saisit l'échelle et tâcha de l'orienter vers son camarade, attendant de celui-ci qu'il la réceptionne, histoire d'être certain qu'elle serait à sa portée. Ce fut chose bientôt chose faite. « Ça ne me serait jamais venu à l'idée de grimper là-haut » fit-il, en souriant légèrement. « Me connaissant, j'aurais été tout à fait capable de me retrouver dans une situation similaire. » Non, il ne disait pas ça pour qu'Hadatt se sente moins seul. Au fond, ça devait pouvoir arriver à n'importe qui.

Hadatt n'avait pas facilement le vertige - c'était déconseillé de l'avoir dans sa situation en tout cas - mais il faisait quand même moins le malin, coincé sur son étagère très loin du sol. S'il tombait de là, il ne se tuerait pas (sauf si son cou se ronpait mais ne pensons pas au pire) mais se casserait sans doute un truc. Genre les genoux ou une jambe au moins. Donc bon, il n'était plus tout jeune et plus du tout robuste alors c'était pas conseillé de tomber dans sa situation. Mais il soupira de soulagement en voyant un candidat - Sully - arriver dans sa direction. « Mon héros ! » s'écria-t-il en le voyant manipuler l'échelle pour la lui passer. Une fois cela fait, il fit en sorte de descendre rapidement et sans se louper, parce qu'avec sa chance, c'était tout à fait possible. Les pieds à terre, il s'autorisa un sourire en direction de son sauveur. « J'ai le chic pour faire les choses que les gens ne penseraient jamais faire. » Des conneries, en gros. « Tu mérites la légion d'honneur. Je me suis imaginé en train de passer ma nuit là-haut. » Et peut être que personne ne serait passé et il aurait été coincé la haut pendant encore plus longtemps. « On m'aurait oublié et j'aurais été obligé de passer le reste de ma vie là-haut, me nourrissant d'araignées et de mouches. Alors... merci ! » Un sourire franc et de gamin au visage, il tapota l'épaule du grand bonhomme en face de lui. Oui Hadatt était petit, mais il était sûr que personne ne le verrait à la télé.

Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'en entrant dans ce hangar, Sully ne s'était pas tellement attendu à entendre quelqu'un crier "au secours". Il avait plutôt été pris au dépourvu et s'était demandé s'il serait raisonnable d'aller s'aventurer en direction du coin d'où le cri s'était fait entendre, vu qu'il ne savait pas sur quel spectacle il tomberait et si ce ne serait pas quelques peu dangereux. En soit, il s'était simplement fait quelques films, et n'avait pas tardé à revenir à la raison et à se convaincre d'aller porter secours à la personne qui se trouvait possiblement dans une situation difficile. Et lorsqu'il tomba sur Hadatt, en hauteur, assis sur une étagère, et qu'il vit une échelle au niveau de celle d'en face, il ne tarda heureusement pas à comprendre qu'il y avait eu comme un petit souci, en soit que l'échelle en question avait eu tendance à vouloir s'enfuir. Et vu qu'il ne lui coûterait assurément rien de venir en aide à son camarade, c'est ce qu'il s'employa rapidement à faire, affichant un sourire amusé lorsque son camarade sembla enthousiaste à l'idée d'obtenir son aide. Il n'estimait pas être un héros, se contentant de faire ce qu'il aurait aimé qu'on fasse pour lui dans une telle situation. Et d'ailleurs, s'il évitait de monter à ce genre de hauteurs, c'était justement parce qu'il se savait capable de vivre la même mésaventure, vu qu'il n'avait jamais tellement de chance. Son camarade descendit alors, sans encombre cette fois-ci, et c'était assurément une bonne chose de faite. « C'est ce que je me suis dit au moment où je t'ai vu là-haut. » Parce que bon, ça l'avait quand même grandement surpris, autant le dire. Hadatt parlait maintenant de légion d'honneur et Sully s'en amusa. « Oh, carrément ? Mais tu sais, j'ai quand même un peu hésité, car je me suis demandé si je n'allais pas assister à un assassinat, vu qu'ici il y a probablement quelques armes ... » Enfin, il supposait. Des armes en référence à certains films, disons. Il cherchait simplement à lui faire comprendre qu'il avait quand même failli se dégonfler, et donc qu'en soit, il n'avait pas autant de mérite que ça. « Ah oui, effectivement, j'ai plutôt bien fait de me pointer » qu'il reprit, en riant, vu qu'il aurait été assez terrible, en effet, qu'il soit forcé de se nourrir d'insectes. Il sourit à la tape et aux remerciements, avant d'examiner l'échelle. « Et donc, tu lui as fait quoi, à cette échelle, pour qu'elle te boude ? » Allez savoir ce qu'il s'était passé entre eux, hein.