Il fallait assurément avoir quelques tendances suicidaires pour s'aventurer dans un endroit comme celui-ci. Parce que bon, c'était franchement un coup à s'y paumer, à ne pas réussir à en sortir, ni aujourd'hui ni jamais, à y être tout bonnement oublié et donc à y mourir, seul et désespéré. En fait, Sully en venait très sérieusement à se demander ce qui avait bien pu lui passer par la tête au moment où il avait cru bon de s'y risquer. Pourquoi s'être rendu dans un endroit aussi mesquin et saugrenu, alors qu'il savait pertinemment que son sens de l'orientation était absolument médiocre, ainsi donc qu'il aurait d'autant moins de chances de sortir d'ici avant l'année prochaine, hm ? C'était à croire qu'il aimait se placer dans des situations délicates, qu'il adorait même ça, car très franchement, c'était exactement le genre de choses qu'il détestait. Tous ces obstacles, ça allait tout bonnement le rendre fou. Chaque fois qu'il croyait avoir passé le pire, il se rendait compte que le plus difficile était encore devant lui. Il allait très franchement finir par penser que tout ça était sans fin, qu'il n'y avait en soit aucune façon de sortir de tout ça et qu'il était bel et bien parti pour s'y éterniser. Pour autant, il tâchait de ne pas abandonner, de ne pas se laisser abattre, même si l'épuisement et le ras-le-bol lui donnaient tous deux extrêmement envie de chuter dans la première chose qui se présenterait à lui. Sully n'était pas quelqu'un de nerveux, encore moins quelqu'un de violent, mais il s'en voulait tellement de s'être laissé aller à une telle folie qu'il se savait maintenant capable de péter un câble. Heureusement, son enfer ne tarda pas à retrouver quelques couleurs et à lui sembler un peu plus supportable, quand il crut apercevoir Zola, quelques mètres plus loin, au niveau du pont de singe, qui ne lui faisait que moyennement envie. « Zola, attends moi s'il te plait » qu'il lança alors, parce que quitte à passer une éternité dans un endroit comme celui-ci, il préférait assurément que ce soit en bonne compagnie. Et puis bon, elle devait être dans la même galère que lui, alors autant s'entre-aider. Il s'arrangea alors pour la rattraper, ne manquant pas de ralentir sensiblement lorsqu'il arriva au niveau dudit pont. Clairement, se précipiter ne semblait pas très recommandé. « Il ne m'a pas l'air très stable, ce pont. J'aurais peut être du attendre que tu ais fini de le traverser pour m'y aventurer à mon tour ... » C'est juste qu'il avait un peu peur que tout lâche d'un coup ou qu'ils soient tous les deux déséquilibrés. Lui, imaginer le pire ? A peine, voyons.

Déjà la fin de semaine, bon sang qu'est-ce que ça passe vite. On a le temps de rien faire ici. Bon, c'est pas comme si on a trente-six mille choses à faire ici non plus : ouais, il y a plein d'endroits méga cool et tout, mais au bout de quoi..trois semaine pratiquement, j'ai déjà fait le tour de la plupart des endroits. J'ai donc envie de renouveau, de tester un truc jamais fait. Mais quoi ? Parce que comme je l'ai dis, j'ai déjà été dans toutes les pièces et tous les recoins de ces studios -bon, d'accord, peut-être pas tous les recoins...-. J'ai alors l'idée de me rendre au palais du rire, comme tout le monde l'appelle. Quelqu'un -ne me demandez pas qui, parfois je peux avoir la mémoire d'un vrai poisson rouge-, m'a dit il y a quelques jours qu'apparemment, le parcours n'est pas le même d'un jour à l'autre. Hum.. du renouveau, en voilà. Parce que oui, j'ai déjà testé ce parcours -c'est même l'une des premières choses que j'ai faites étant donné que moi et les attractions de ce genre ça ne fait qu'un !-, mais je suis intéressée par le fait que le parcours ne soit pas toujours le même. Bref. C'est la fin de journée mais étant donné que je me suis réveillée assez tard aujourd'hui, c'est comme si c'était..hum...l'après-midi. Je me rends donc d'un pas déterminé jusqu'à l'endroit souhaité, à savoir le palais du rire. J'en rigole déjà. C'est tellement l'éclate là-bas. Bon, j'aurais peut-être du emmener quelqu'un avec moi, parce que seule, j'avoue que c'est de suite moins marrant. C'est vrai quoi, personne pour contempler la finesse de mes mouvements, ou pour me que je me débrouille comme une chef..C'est bête ! Ca va, j'déconne. Je commence donc le parcours, tant pis, je vais m'amuser même si je suis seule. A moi la fumée qui sent bon la barbe à papa. Miam. J'ai trop faim. J'aurais du prendre un sandwich ! Quoique, ça n'aurait peut-être pas été pratique sur le pont de singe... Surtout que j'y arrive. Il ne me fait pas peur. Non, je le regarde droit dans les yeux. "Eh toi là-bas, fais gaffe, j'arrive coco. Tu m'fais pas peur, oh ça non." Ouais, ouais, c'est dans mon habitude de parler à..des ponts de singes. Et non, je n'ai pas l'air d'une folle. Bref, je commence à m'y rendre, d'un pas toujours déterminé, lorsque j'entend quelqu'un m'appeler. Sully. Ouais, je reconnais sa voix. D'ailleurs, j'en ai la confirmation en me retournant. Il a l'air paumé ! Il me demande de l'attendre. "Vas-y viens, je t'attends ! Mais grouille, c'est pas que j'ai peur mais bon, j'préfère quand même pas trop m'éterniser là-dessus.." Ouais, j'ai aucunement envie de tomber dans cette piscine de merde..heu, de vase pardon. Il arrive assez vite à mon niveau et n'a pas l'air rassuré. Moi non plus, mais je refuse catégoriquement de me l'avouer, c'est comme ça..."Mais non, mais non. N'aies pas peur, c'est rien du tout. On sera à l'autre bout dans moins de deux secondes, tu vas voir !" Bon, je suis pas très convaincante mais tant pis, l'idée est là. On avance alors tous les deux sur ce pont de malheur..heu..ce merveilleux pont je veux dire, et la corde se met à bouger brusquement. "Sully fais gaffe, tu vas nous faire tomber !" Moi ? De mauvaise foi ? Non, pas du tout. C'est pas comme si je lui mettais la faute dessus alors que c'était moi qui faisait du n'importe quoi..non, pas du tout.

Quelle idée, non mais vraiment quelle idée de s'aventurer dans un endroit pareil. Sully aurait du se douter que ça n'était absolument pas fait pour lui. Il aurait difficilement pu en être autrement, après tout. Pourtant, il avait eu envie de voir s'il ne pourrait pas s'en sortir malgré le fait qu'il ne soit pas tellement débrouillard la plupart du temps, ce qui finalement l'avait amené à se donner tort et à avoir confirmation du fait qu'il n'était pas bon à grand chose, en soit. Et ce constat, clairement, le rendit un peu amer. Voilà pourquoi il se surprit à ruminer sa contrariété tout le long du parcours, ou de ce qu'il en avait parcouru du moins. Habituellement, il n'était pas du genre à être contrarié pour si peu, mais là il est vrai qu'il en avait quand même un tout petit peu marre, hein. Oh parce que si ça pouvait en faire marrer certains de se prendre des miroirs dans la tronche, de tomber dans des piscines remplies de boules ou de chuter lamentablement sur un tapis roulant, lui clairement ça ne lui plaisait pas des masses. On pourrait bien dire qu'il était un peu trop coincé, le fait est qu'il ne voyait décidément pas l'intérêt qu'il y avait à être confronté à toutes ces choses plus improbables les unes que les autres. Lui, ça n'était décidément pas son trip, non. Mais sans doute était-ce déjà davantage celui de Zola, sa partenaire. Car le jeune homme ne tarda pas à l'apercevoir, un peu plus loin, elle qui se trouvait alors au niveau du pont de singe, qui en soit ne lui inspirait absolument pas confiance. Comme quoi, en croyant avoir traversé le pire, on lui rappelait une fois de plus que le pire n'était en soit que devant lui. Encore un constat particulièrement réjouissant, hm. Toujours est-il qu'il la pria de l'attendre, histoire de pouvoir au moins compter sur sa compagnie - et optionnellement sur son aide, si besoin. « Oui bah, minute papillon, je fais ce que je peux » qu'il lança, plus amusé qu'autre chose, face à son impatience. Il tâcha alors de s'approcher sans trop tarder, mais ne put que ralentir lorsqu'il arriva face au pont, histoire de jouer la sécurité. Il se risqua alors à l'emprunter, tout doucement, avant de penser qu'il aurait peut être du attendre, tout compte fait. « Je te trouve bien optimiste ! Tu es sûre que tu n'essayes pas surtout de te rassurer, là ? » Parce que bon, il était quand même peu probable que deux secondes suffisent à traverser ce maudit pont. Un pont qui d'ailleurs commençait à s'agiter un peu trop à son goût, de quoi lui faire d'autant plus regretter de s'y être essayé. Le pire étant alors que Zola se permette de l'en accuser, comme s'il en était nécessairement responsable. « Non mais oh, c'est un peu de facile de me pointer du doigt, hein. C'est plutôt toi qui va causer notre perte ... Je m'étais bien dit que tu avais un peu pris, ces derniers jours. » Quoi, c'était risqué de la taquiner de la sorte ? Oh, voyons, elle n'oserait assurément pas tenter quoi que ce soit alors qu'ils n'avaient déjà pas beaucoup d'équilibre ... Si ?

Les parcours de ce genre, c'est mon truc. Depuis que j'sais marché, j'adore ça. Me traîner dans la boue, courir partout, escalader les murs, franchir des obstacles, ouais, c'est vraiment mon truc. J'adore ça. C'est pour cette raison d'ailleurs que j'ai toujours préféré les pantalons, et surtout la compagnie masculine. Non, non, je n'avais pas déjà l'esprit coquin à cet âge là, mais c'est juste que les filles, c'était beaucoup trop sage pour moi. Les mecs, ça avançait, ça déconnait, c'était vraiment tout ce que je recherchais étant petite. Mes parents, et surtout ma mère d'ailleurs, m'en ont un peu voulu, même s'ils ont vite compris qu'ils ne pourraient rien faire. Les gendarmes et les fourmis étaient mes amis, point barre. Ils n'avaient strictement rien à dire là-dessus. Par conséquent, ce pont, et ce parcours en général d'ailleurs, doit être une sorte de..formalité ? Oui, c'est ça. J'ai déjà fait des choses bien pires, ça ne devrait aucunement me foutre les pétoches, oh ça non. J'devrais même être comme un poisson dans l'eau. Le vertige, c'est pas quelque chose qui me fait peur. Me salir non plus. Bon sang, alors pourquoi est-ce que j'ai peur quand je suis sur ce maudit pont de singe ? J'devrais pas, vraiment pas non.. J'comprends pas. Peut-être bien que j'me dis que c'est la honte de me casser la gueule avec toutes ces caméras autour de moi ? Hum..oui, peut-être, même si je me fous un peu de l'avis des autres.. Quoiqu'il en soit, j'ai peur, même si je refuse de me l'avouer, et surtout de l'avouer aux autres. Et notamment à Sully d'ailleurs, qui se trouve pas très loin de moi. Il veut que je l'attende. J'peux pas lui dire que j'veux pas, ça se fait pas. Et puis, il croirait que j'suis naze, tout bonnement incapable de rester figée sur ce pont. Alors j'm'amuse, je chercher à rigoler. Pour pas qu'il pense que j'ai peur. Enfin, peur...tout est relatif quoi. "Regardes, je vole !! Comme un papillon !" que je lance, suite à sa remarque. J'sais pas s'il va faire le rapprochement, faut dire que c'est tellement nul ! Je m'exécute, essayant de tenir sur le pont de singe grâce à mes jambes et à ma tête -que j'essaye de poser sur la corde-, pour que mes bras soient libres et que je puisse faire semblant de voler comme un oiseau. Bon, j'le fais pas trop longtemps, parce qu'après, je risquerais de vraiment tomber dans ce caca géant. Puis Sully arrive enfin à mon niveau. J'essaye de nous rassurer tous les deux, alors je fais la fille sure d'elle et tout ça. Mais il n'est pas dupe, il a bien compris mon petit numéro. Il est malin ce Sully ! "Non, non..." dis-je, en sifflotant. "C'est pas mon genre de raconter des bêtises, quand j'dis que ça va le faire, c'est que je le pense.." Mouais, mouais, on te croit Zola, on te croit. Je rigole. Parce que je n'arrive jamais à garder mon sérieux, et puis vu que je suis pas convaincante, autant déconner jusqu'au bout quoi. On avance tranquillement sur le pont, quand celui-ci se met à bouger fortement. Et bien entendu, je reporte a faute sur Sully. Du Zola tout craché, ah ça oui ! Mais il ne se laisse pas faire ; au contraire, il va même jusqu'à me taquiner en me faisant comprendre que si le pont bougeais, c'était parce que j'avais pris du poids. Non mais ! "Bah tiens ! Depuis quand est-ce qu'on dit à une fille qu'elle a grossi ? Ca se fait pas. Et puis, c'est pas vrai d'abord. Regardes !" que je lance, en essayant d'attraper un bourrelet sur mon ventre. Mais la seule chose que j'ai réussi à faire, c'est de nous faire bouger encore plus, puisque du coup, je ne tenais le pont qu'à une seule main. "Bon, bon, d'accord, j'avoue ! Mais c'est pas de ma faute, ici, tout le monde cuisine comme un chef, alors ça me donne envie, tu comprends ?" J'fais mine d'être désespérée mais j'm'en fous. J'suis pas du genre à me soucier de ma ligne. Même si j'ai conscience d'avoir de la chance de ne pas trop grossir vu tout ce que je mange.

Plus les minutes passaient, et plus Sully en arrivait à se maudire d'avoir eu la mauvaise idée de se lancer dans cet improbable parcours. Comment avait-il pu croire qu'il aurait une chance de s'en sortir, hm ? Parce que bon, il galérait quand même légèrement depuis qu'il y était entré, et perdait petit à petit espoir d'en ressortir en bon état. Pour autant, il est certain que la présence de sa partenaire le rassura légèrement, puisqu'il put ainsi en venir à penser que quitte à rester là pour toujours, il ne serait pas seul. Car non, il n'en devenait pas optimiste pour autant, vu qu'il estimait très basses ses chances d'arriver au bout de ce monstrueux parcours. En tous les cas, il ne put que demander à Zola de l'attendre, parce que maintenant qu'il était tombé sur elle, il était naturellement hors de question qu'il la laisse repartir et qu'il retombe dans son angoissante solitude. Par contre, elle le surestimait légèrement, car il va de soi qu'après avoir passé de longues minutes à s'épuiser dans cet improbable dédale, il ne pouvait décemment pas la rejoindre à toute vitesse. Il allait de toute façon falloir qu'elle soit très conciliante avec lui, parce que Sully n'était plus toute jeune - mine de rien, la trentaine approchait - et il n'avait plus la santé qu'il avait pu avoir quelques années plus tôt. C'est alors que tandis qu'il pria donc sa partenaire de lui laisser au moins le temps d'arriver sans avoir à mourir à ses pieds, celle-ci tenta un trait d'humour qui, mine de rien, parvint tout de même à le faire doucement sourire. « Un papillon estropié, alors » qu'il lança, toutefois avec humour, juste pour la taquiner gentiment. Au fond, que son imitation du papillon soit réussie ou non importait peu. Sully s'approcha alors, pas du tout rassuré, tandis que Zola, elle, lui fit croire qu'elle était absolument certaine que l'issue leur serait favorable. Sauf que bon, on avait vu plus convaincant, quand même. « Oh mais je te crois sur parole, c'est évident. Vu qu'effectivement, ça se saurait si tu étais du genre à raconter des bêtises, hein. » Et l'air de rien, il laissa penser, de par l'expression qui gagna son visage, que ça n'était peut être pas si sûr que ça, hein. Mais encore une fois, plus pour la taquiner qu'autre chose. C'est alors que tandis qu'ils tâchèrent d'avancer sur le pont, Zola laissa entendre que Sully était responsable des secousses de celui-ci. Ni une, ni deux, le cinéaste riposta, prétextant quant à elle que tout ça n'était en vérité que la faute de Zola, et du poids qu'elle avait pris. Alors oui, ce fut risqué de l'attaquer sur ce terrain - d'autant plus qu'elle était toute menue - mais il ne fallait pas qu'il se laisse accuser à tort, tout de même. « Tu sais, je n'ai pas assez d'expérience avec les femmes pour savoir ce qui se dit ou non » qu'il fit, en riant légèrement, sans grand sérieux, vu qu'il avait tout de même vécu cinq ans avec lui d'elles. En tout cas, il réalisa que, sortis de leur contexte, ces propos pourraient paraitre suspects. Il ne faudrait pas qu'un certain Valeri y voit la preuve de son homosexualité, hein. Zola s'employa alors à lui montrer qu'elle n'avait pas grossi, mais fit plutôt bouger le pont davantage. Okay, ça devenait angoissant là. Parce que bon, c'était bien mignon de parler cuisine, mais il était peu probable que ce qui se trouvait sous leurs pieds lui fasse envie, hm. « Ce que je comprends surtout, c'est qu'on va finir dans la vase si on ne se dépêche pas de rejoindre l'autre coté. » Sully et son optimisme étaient ainsi toujours en très bons termes, ça ne faisait pas de doute. « On devrait peut être y aller à quatre pattes, non ? On aura l'air un peu bêtes, c'est sûr, mais à choisir entre un semblant d'humiliation et un charmant bain de boue, je crois que je préfère encore être ridicule l'espace d'une minute. » Non, il ne croyait pas, il en était même sûr. « Si tu veux, je passe devant, comme ça tu ne penseras pas que j'en profite pour ... admirer la vue. » En soit, il n'était absolument pas du genre à mater de la sorte, mais bon, sait-on jamais qu'il lève la tête et soit ensuite qualifié de voyeur. Non, vraiment, il pouvait tout aussi bien passer le premier, hein.