Le sommeil m’a fait sombrer dans un univers complètement déconnecté de la réalité. Mon subconscient s’est éveillé alors que cette autre partie de moi profitait enfin d’une longue nuit de repos bien mérité. Je faisais des rêves colorés, d’autres, en teintes moins élaborés. Je n’avais pas conscience qu’à mes côtés, une toute petite chose frissonnait dans la noirceur, apeuré des bruits sombres dans l’obscurité. Et bien que l’être éveillée était parfaitement conscient que la jeune fille d’ordinaire à mes côtés avait été remplacé par une autre, mon moi ensommeillé, lui, n’avait point souvenir de la chose. Thelma se blottissait si souvent dans mes bras lors de ces périodes agités que s’en était presque devenu une habitude de dormir entrelacés. J’avais promis d’être là pour elle, et si mes bras pouvaient lui apporter un moindre réconfort dans la nuit, je les lui offrirais volontiers. Sauf que ce n’était pas elle qui se trouvait sous les draps à mes côtés, mais une Odessa effrayée et parfaitement paralysée par la peur. Son corps se colle délibérément contre le mien, cherchant un réconfort qu’elle pense trouver auprès de son partenaire, et que je pense moi-même apporté à la mienne. Nous sommes tout deux dans l’erreur, mais que pouvons-nous y faire. À moitié endormi, mon corps pivote vers celle qui occupe l’oreiller voisin du mien, et mes bras s’offrant à son réconfort, invitant, rassurant. Mes yeux sont restés clos, inconscients de la méprise. Je ne fais que jouer mon rôle de chevalier servant de par mon subconscient. L'habituelle rengaine.

J’avais perdu cette habitude de dormir accompagné. Je suis célibataire depuis quelques années, déjà, et la place à mes côtés est plus souvent vide qu’occupé. Même si ça arrive : je reste un homme ayant des besoins à combler, hm. Ici, c’est différent. Dès le premier soir, on nous force à dormir au côté d’un ou d’une inconnue et de faire comme si tout était normal. Inutile de dire qu’on tisse des liens à être aussi prêt de quelqu’un. Et même si Thelma et moi, nous ne sommes pas tellement proche en comparaison de d’autres couples, je m’assure de son bien-être, ne serait-ce qu’en étant présent pour lorsqu’elle a besoin de mes bras pour mieux dormir le soir. Comme aujourd’hui. Du moins, c’est ce que je pensais. Car la personne à mes côtés est loin de lui ressembler. Mais ma petite personne à moitié endormi ne s’en rend pas compte. Pas encore, en fait. « Mince! » Cette voix, ce n’est pas la sienne. Et à une distance aussi réduite, je ne suis pas à même de comprendre de qui il peut s’agir sans devoir complètement m’extirper des bras de Morphée. Mes yeux clignotent dans l’obscurité, et il me faut un certain délai pour être capable de détailler ma voisine. Cette chevelure rousse… aucun doute, il ne s’agit pas de ma partenaire, mais bien d’Odessa. Je dois mettre une milliseconde avant de comprendre ce qui se passe, et une autre avant de remarquer notre proximité. Car malgré son geste de recul évident, nos corps se frôlent toujours. « Oh… euh… ça va Odessa? Qu’est-ce qui se passe? » que je lui demande en étouffant discrètement un bâillement dans le creux de mon bras.