J'suis sur un banc, là, et bon dieu, que j'y suis bien. J'observe la mer, et c'est assez apaisant, comme spectacle. Il doit être midi, environ ; cela fait à peu près deux heures que je suis là, à regarder l'horizon ... Ou pas, finalement, parce que je me dis que deux heures, l'air de rien, c'est assez long, soit pour que je me sois ennuyé et parti, soit pour qu'on me dérange et brise ma sérénité. Non, allez. Ca doit donc faire une demi-heure que je suis ici, à tout casser. Je ne veux pas partir, pourtant, pas encore, même si mon ventre gargouille, un peu. Il me suffit de le caresser, légèrement, pour qu'il se taise, et je peux me remettre à contempler l'eau en paix. Quatre semaines ... Et tellement de choses se sont passées, c'était incroyable. Autant de choses qu'il s'en passait en un an de ma vie ordinaire, je crois. Je n'avais pas l'habitude de rencontrer autant de gens nouveaux, en même temps. Je crois que le nombre maximal de gens que j'ai dû rencontrer, par an, ces dernières années, ça devait être ... Dix, onze. Donc autant dire que trente en un jour, c'était énorme, et peut être trop. Dans tous les cas, je m'y accoutumais assez bien, c'était déjà ça ... J'aimerais tellement qu'il y ait des oiseaux ici, l'air de rien, parce que les oiseaux, ça chante, et pas de la manière mignonne mais irritante qu'une gamine de six ans peut chanter, non, mais avec élégance et maturité. Bref. L'eau est bleue, et je me demande, quand même, ce que je fous ici. J'me demande si je ne ferais pas mieux de repartir .. Et c'est alors que j'entends un bruit et que je me retourne. Brune.

J'entends mon prénom, et je me retourne, rapidement. J'avais sans doute l'air presque agité. J'avais toujours cette tête là, apparemment, quand on me dérangeait lorsque je réfléchissais, en même temps. Demandez-le à Anna, elle vous le confirmerait sans marquer un temps d'arrêt ... Un temps d'hésitation ... Appelez cela comme vous voulez. C'était surtout parce que j'étais pas trop rapide, là haut, et qu'il me fallait un temps d'adaptation, généralement, pour comprendre qu'on me parlait.

- Ah, c'est toi, Brune. lui dis-je, souriant doucement en réponse au sien. Elle était gentille, même si on ne s'était pas trop côtoyés, ces dernières semaines. Amusantes, aussi, à en juger par les photos sur son blog. Belle, même si ce n'était pas du même calibre d'Odessa. Je me disais que tout homme qui aurait la chance de tomber sur elle aurait réellement eu de la chance. Pas comme moi avec Anna, en fait, et encore, elle était loin d'être la pire des filles avec qui j'ai pu me trouver, dans ma vie ... Bref. Et en plus, Brune chantait. Je n'avais pas oublié, d'ailleurs, qu'elle me devait une démonstration. Elle me dit alors que je rends certaines filles du nid dingues de moi, et je crois que j'avais sans-doute rougi, très légèrement. J'étais légèrement imbu de moi et très égoïste dans le fond ; néanmoins, j'avais une part de moi qui était timide, et, si je me plaisais à me baigner dans mes exploits, je ressentais cependant une forme d'humilité lorsque l'on m'en faisait part.

- Je ne sais pas, je ne fais pas trop attention à ce qui se dit. Balivernes. Et toi, alors ? Tu as eu le temps d'enfermer Casey dans votre salle secrète ? Non, parce qu'il faudrait être naïfs pour croire qu'ils ne s'y seraient pas encore précipités, tous les deux. D'autant plus lorsque l'on voyait la chimie qu'ils semblaient posséder, tous deux.