Ce n'était pas la robe qui sublimait Ismène, mais Ismène qui sublimait la robe. Car si la jeune femme était indéniablement resplendissante dans cette jolie robe rouge, elle était en soit toujours d'une extrême beauté. Sully était troublé par son visage depuis la première fois qu'ils s'étaient retrouvés tous les deux, dans la salle de bain. Car ses ravissants yeux de biche, son teint pâle et délicat, et ses lèvres raffinées lui avaient plu dès le premier instant. Par la suite, il n'avait fait que la trouver plus belle encore, à chaque moment qu'ils passèrent ensemble. Et aujourd'hui, alors que leur relation semblait se préciser, alors qu'il se prenait à ressentir de plus en plus de choses lorsqu'elle était près de lui, il la trouvait tout bonnement magnifique. Elle resplendissait de par la gêne qu'il percevait à travers l'expression de son visage, car s'il aimait naturellement la voir sourire, il aimait aussi la voir prisonnière de ce petit embarras, de la preuve du manque de confiance qu'elle avait en elle et qui, en cet instant, la rendait si semblable à ce qu'il était lui-même qu'il en était d'autant plus séduit. Alors bientôt, il ressentit le besoin de s'approcher d'elle, pour la sentir près de lui, qui avait indéniablement besoin de réduire cette sordide distance, qui voudrait en soit l'avoir près de lui à chaque instant, comme si elle était devenue son unique condition de survie, l'air dont il avait besoin pour respirer, tant elle lui était précieuse désormais, tant il chérissait de l'avoir à ses côtés et tant il aimerait que ce soit toujours le cas. Et ça, c'est justement ce qu'il se risqua à lui glisser, estimant qu'elle avait le droit de savoir qu'il ne pouvait tout simplement plus se passer d'elle et qu'il souffrirait de la perdre si tel devait être le cas. Avec elle, il retrouvait une incroyable tranquillité d'esprit, une sérénité qu'il avait pu perdre ces dernières années, tant il avait eu tendance à s'enfermer dans le travail et à se fermer aux autres, tant il s'était laissé bouffé par ses contrariétés, par ses ennuis, par sa tristesse aussi. Ismène n'était pas seulement sa plus belle rencontre au sein du nid, ni la jeune femme dont il voulait très certainement conquérir le cœur. Elle était aussi la plus belle chose qui lui soit arrivée depuis bien longtemps, et assurément la rencontre qui risquait de bouleverser le court de son existence. Car il voulait être avec elle, mais pas seulement dans l'immédiat. Il voulait être avec elle à l'avenir. Il ne savait pas ce qu'il adviendrait d'eux pour le restant de leur aventure, et après celle-ci, mais s'il savait bien une chose, c'est qu'il serait tout à fait incapable de reprendre le court de sa vie si elle n'en faisait pas partie. Et cette étreinte qu'elle lui offrit, cette tendre et sincère étreinte, ne fit que lui confirmer que c'était elle qu'il voulait, et qu'il la voulait pleinement, que sans elle il n'irait plus aussi bien. Alors il contribua à ce délicieux échange, souhaitant la garder tout contre lui, ce qu'il pourrait faire éternellement à vrai dire. Et puis, subtilement, il chercha à détendre doucement l'atmosphère, revenant alors sur cette histoire de câlins et ils s'en amusèrent ensemble, Ismène laissant entendre qu'elle ne mentait jamais. Il lui sourit avec tendresse, et savoura le fait qu'elle renforce leur étreinte. Et tandis qu'une caresse contre sa nuque le fit frissonner, il se sentit forcé de préciser qu'il n'était sans doute qu'à deux doigts d'être dans la même situation que Christian, autrement dit de tomber amoureux. Et c'était vrai, il le sentait au fond de lui. Contrairement à ce que Valeri pouvait penser, il ne tombait pas amoureux tous les quatre matins, mais là il savait que ça lui tomberait dessus, car il sentait bien, à la manière dont son cœur s'emballait, qu'il était à rien de tomber follement amoureux d'Ismène. Et ça, il voulait qu'elle en ait bien conscience, parce qu'il ne voulait rien lui cacher. Il la vit alors sourire d'une merveilleuse façon, comme si elle était comblée, et il est vrai qu'il en fut rassuré. Mais il craignait malgré tout que cela puisse compliquer les choses, car peut être ne voulait-elle rien de plus. Il valait mieux qu'ils soient certains de vouloir la même chose, en soit. Mais il n'attendit pas sa réponse pour l'embrasser, parce qu'il en avait envie depuis tout à l'heure, qu'il en avait en fait envie chaque fois qu'ils se retrouvaient tous les deux, et que dans l'hypothèse où elle lui ferait comprendre qu'elle préférait qu'ils n'aillent pas plus loin tous les deux, il est vrai qu'il aimerait partager ce dernier contact, ce dernier baiser. Celui-ci prit alors fin et l'estomac de Sully, lui, fut pris en otage par ses appréhensions. Elle répéta sa question et il se perdit dans son regard. Mais lorsqu'elle déposa furtivement ses lèvres sur les siennes, il crut comprendre qu'elle vivait bien la situation. Elle disait pourtant ne pas savoir, mais ajouta qu'il leur faudrait sans doute essayer pour le savoir. A cela, il hocha doucement la tête, se pinçant la lèvre sous la nervosité qu'il pouvait ressentir, appréhendant sans doute la suite. Et alors qu'elle laissa entendre qu'elle comprenait pourquoi Satine était tombée amoureuse de Christian, il retrouva un sourire serein. « Elle avait peur de l'amour avant de le rencontrer. Elle pensait n'être qu'une courtisane et se voyait au travers du regard des hommes qui la considéraient comme une marchandise. Mais lui, il la voyait différemment, et c'est parce qu'il a cherché à lui ouvrir les yeux qu'elle a fini par réaliser que l'amour lui était aussi destiné, et qu'elle l'aimait. » Son but n'était pas de lui raconter tout le film, simplement de lui en raconter les grands traits, parce qu'il pourrait ainsi en venir à lui parler de son propre cas. « Christian est le genre d'hommes à être amoureux de l'amour. Il le dit lui-même, à ses yeux l'amour est comme un oxygène. Il est très idéaliste et … j'ai souvent eu la même vision que lui de l'amour. Mais ça, mes proches ne l'ont jamais compris. Mon père, mon frère, ma sœur, ont toujours ri de mon coté 'romantique incorrigible'. » Il soupira doucement mais garda son sourire, parce que même si ça le peinait d'y repenser, il tenait à ce qu'elle sache comment il raisonnait.  « En arrivant ici, on s'en est moqué aussi. Mais moi, j'aime penser que l'amour est la chose la plus importante au monde et je sais que c'est la seule qui saurait me rendre pleinement heureux. » Il avait donc tendance à assumer d'avoir ce genre de doctrines, peut être un peu vieux-jeu, mais qui faisaient pleinement partie de lui. Il était sentimental, oui, et il ne voulait pas en avoir honte. « Ce que j'essaie de t'expliquer, c'est que je ne te ferais pas nécessairement un cadeau si je tombais amoureux de toi. Je me connais, je sais comment je suis, et je sais combien ça peut être pénible de vivre avec un rêveur tel que moi. Personne ne m'a jamais accepté tel que je suis, avec mes espoirs et mes chimères, et je n'attendrai pas de toi que tu fasses ce que personne n'a pris la peine de faire jusqu'ici. » Il voulait qu'elle ait conscience de combien il pouvait être différent des hommes d'aujourd'hui, de combien cela lui avait valu, par le passé, d'être raillé pour sa perception des choses. On lui avait fait des reproches, et il ne les oublierait jamais. Maintenant, il ne désespérait pas de trouver quelqu'un qui saurait comprendre sa vision de la vie, sa vision de l'amour.