Cette situation avait un côté assez désespérant, car Sully avait l'impression qu'il était décidément bien vain de chercher à faire comprendre à Valeri que son bien-être pouvait lui importer, ce qui était pourtant bel et bien le cas, étant donné que ce dernier devait tout bonnement partir du principe qu'il se fichait de lui et de ce que cette situation pourrait lui faire, qu'il n'en avait rien à faire, en soi, qu'il puisse souffrir à cause de la tournure des choses. Que fallait-il alors que Sully fasse pour que Valeri intègre qu'il tenait à ce que les choses lui soient le moins désagréables possible, hm ? Comment pourrait-il l'en convaincre, histoire qu'il arrête de le prendre pour le type je-m'en-foutiste et hypocrite qu'il n'estimait ne pas être ? Si Sully était prêt à reconnaître que tout n'avait pas toujours été facile entre Valeri et lui, il ne pouvait décemment pas accepter qu'il lui fasse endosser le rôle de celui qui se fiche pas mal de son état, parce qu'il estimait avoir justement prouvé qu'il s'y intéressait, qu'il s'en préoccupait même davantage que prévu, ce qui d'après lui ne donnait pas le droit à Valeri de douter de ses intentions et de soupirer à tout va, comme s'il était face à un affabulateur professionnel, ce qu'il ne pensait pas être tout de même. Il est en tout cas certain qu'il n'avait pas fait écho au fait qu'il soit peu probable que Valeri revoit Lena dans le but d'appuyer là où ça faisait mal, mais simplement parce qu'il lui semblait préférable de la jouer réaliste et de se préparer à une issue déplaisante. Il savait que les deux jeunes gens étaient proches et qu'ils pourraient vouloir se revoir à l'issue du jeu, mais il savait surtout que Dean avait une grande influence sur Lena, comme il avait pu le constater la fois où s'ils s'étaient retrouvés tous les trois au parloir, et que si ce dernier lui demandait de ne plus voir Valeri - étant donné que Sully serait forcé de le mentionner lorsqu'il lui parlerait de leur aventure commune - la jeune femme lui obéirait. De son avis, il était également préférable qu'ils se voient moins régulièrement, étant donné que tout ça n'était pas nécessairement très sain, mais jamais il ne se permettrait de dicter la conduite de Lena à l'extérieur du jeu. Ici, il avait déjà tâché de ne pas la jouer trop intrusif, alors il est certain qu'elle agirait en son âme et conscience en dehors du jeu, et que c'était justement pour ça qu'il était peu probable qu'elle cherche à revoir Valeri. Peut être se trompait-il, mais il n'estimait pas être trop loin du compte. En tous les cas, il est vrai qu'il n'avait jamais voulu lui apparaître comme un ennemi et c'est ce qu'il ne manqua pas de lui exprimer, lorsqu'ils eurent montées les marches de la tour et qu'ils furent arrivés en haut de celle-ci. Car   c'était un statut que lui avait directement octroyé Valeri, un statut qu'il avait alors souvent déploré. Si les choses avaient parfois été tendues entre eux, il avait toujours tâché de faire la part des choses et n'avait jamais voulu entrer en guerre avec Valeri. Ce dernier, par contre, n'avait décidément jamais tellement fait d'efforts et lui vouait très certainement un mépris inconditionnel. Il trouvait ça dommage, car là où son camarade semblait lui dédier un dédain qu'il n'estimait pas mériter, Sully, lui, tâchait de ne jamais tellement lui tenir rigueur de son comportement. Qu'importe, et grand bien lui fasse de les prendre pour deux ennemis après tout. Une chose était en tout cas certaine, Sully s'était toujours douté que le rapprochement entre Valeri et Lena donnerait lieu à une situation délicate, car bien que les choses soient restées amicales entre eux - du moins dans l'esprit de la jeune femme, étant donné que Valeri restait peu convaincant quand il niait ce qu'il en était de son coté - il était évident qu'il serait par la suite compliqué de ne plus se voir. Valeri reprit alors la parole et Sully ne fut guère surpris par ses propos. « J'avais bien compris que ta complicité avec Lena était 'à part', et je peux comprendre qu'elle soit à ce point symbolique à tes yeux. » Sans doute n'avait-il eu que peu d'amis par le passé, et c'était une chose que Sully pouvait comprendre, n'en ayant lui même jamais eu des masses, pas pour les mêmes raisons, assurément, mais cela lui permettait tout de même de se mettre assez facilement à sa place. Mais lorsque Valeri ajouta quelques mots, Sully se permit d'intervenir à nouveau, l'estimant un peu trop fataliste quand même. « Ne dis pas ça, Valeri. Déjà, tu pourras peut être malgré tout maintenir un semblant de contact avec elle, ce qui serait mieux que rien. Vous ne pourrez sans doute plus partager ce que vous partagiez ici, certes, mais votre amitié n'en est pas catégoriquement terminée pour autant ... » Il restait la possibilité de se contacter par téléphone ou par internet. Si Lena estimait bon de garder malgré tout un tant soit peu contact avec Valeri, c'est qu'elle jugerait ça correct vis à vis de Dean, et ça n'était pas Sully qui s'en mêlerait, c'est certain. « Et puis, au contraire, je crois que si cette situation prouve bien une chose, c'est que tu peux t'entendre avec tes semblables ... Je ne veux pas minimiser ce qui te lie à Lena, mais je suis persuadé qu'il y a d'autres personnes avec qui tu pourrais sympathiser à l'avenir, que ce soit ici ou à l'extérieur. » Il n'était peut être pas le type le plus avenant qui soit, mais si Lena était parvenue à lui trouver bon nombre de qualités et à s'attacher à lui, il n'y avait pas de raison pour qu'il ne développe pas d'autres liens, tout aussi forts que celui qui était né entre Lena et lui. « Tu feras d'autres rencontres intéressantes, mais surtout enrichissantes ... Vois cette situation comme l'occasion de t'ouvrir davantage aux autres, et non comme une fatalité. Ce serait dommage, à mon sens, de te priver d'expériences épanouissantes, et ce n'est pas ce que voudrait Lena. » Il pouvait sans mal parler en son nom, se doutant qu'elle n'apprécierait pas qu'il parte du principe que les histoires d'amitié n'étaient pas faites pour lui. Ce serait idiot d'être aussi fataliste, alors qu'il était possible de voir les choses du bon coté. Mais encore faudrait-il qu'il s'en donne les moyens, évidemment.