Il était hautement inhabituel pour Sully de se rendre dans le jardin botanique au beau milieu de la nuit, et ce, autant parce que c'était une heure à laquelle il avait généralement tendance à dormir, que parce que l'on pouvait penser qu'il y avait bien moins de choses à y admirer une fois le soleil couché. Mais ce n'était pas son avis, à lui. A ses yeux, il était on ne peut plus plaisant de s'y rendre une fois qu'une douce obscurité s'était emparée des lieux et sublimait ainsi, à sa manière, et très pudiquement, cet environnement on ne peut plus intriguant dans de telles conditions. Sully, lui, s'était alors aventuré au sein du jardin et s'était dit qu'il y resterait seul, étant donné qu'il parierait cher sur le fait que ses camarades soient quant à eux paisiblement endormis et qu'il soit ainsi le seul type susceptible d'avoir envie d'une balade nocturne. Ainsi, il évolua lentement à travers les lieux, se surprenant à faire de moins en moins attention à ce qui l'entourait, car se laissant gagner, non pas par la manifestation de son sommeil – il semblerait qu'il ne soit pas décidé à le visiter pour le moment – mais par certaines pensées qui avaient tendance à distraire son esprit et à le désintéresser progressivement de ce qui avait pourtant fait l'objet de sa venue dans le jardin botanique. Et c'est alors qu'il arriva au niveau de la palmeraie qu'il lui sembla avoir entendu du bruit à quelques mètres de lui, en direction de ce qui n'était pas franchement identifiable dans l'immédiat, étant donné qu'il n'y voyait décidément pas grand chose dans une pareille obscurité, ayant bien du mal à compter sur les faibles luminaires qui l'empêchaient tout juste de se retrouver au beau milieu d'une noirceur optimale. Il s'avança alors vers l'endroit où il avait cru entendre quelque chose, priant au fond de lui pour que ce ne soit que le vent, ou en tout les cas aucune présence surnaturelle, car disons qu'il n'était pas franchement psychologiquement préparé à faire face à on ne sait quelle créature susceptible de hanter un endroit comme celui-ci. Non pas qu'il se fasse déjà quelques films, mais il fallait bien admettre que cet environnement, un peu sinistre tout de même, était propice à une petite psychose. Heureusement pour lui, il ne fut pas confronté à un poltergeist, mais à Enoch, qui avait sans doute eu la même idée que lui pour le coup. « Enoch, c'est bien toi ? » qu'il énonça pourtant, assez bêtement, car continuant malgré tout de délirer légèrement. « Je veux dire, tu n'es pas possédé par Pazuzu, hein ? » C'est que là, il en venait carrément à supposer un truc abracadabrantesque. Mais il le vivait bien, et ça, c'était le principal. « Oh, je sais, on va faire un test ... Hm, quel est mon personnage préféré dans Les Incorruptibles ? » Parce que c'était un peu la question infaillible pour s'assurer qu'il avait bien à faire à Enoch lui-même, vous voyez. Oui, en soi, Sully commençait à avoir sommeil, hm.

Je décide de dîner tard pour entamer ma session sport de la soirée dans la soirée. J'ai du mal à dormir ces temps-ci. A cause de la chaleur, peut-être. Cela fait un moment que je n'ai pas fait d'exercice. Je me suis laissé aller, je crois. Les activités sportives, c'est quotidien et régulier. Je sens que mon corps va en pâtir ce soir. Il faut que je m'y remette doucement. Sinon, je risque de me faire un claquage. Je me mets en tenue de sport. Je m'échauffe un peu avant de prendre le départ. J'emmène avec moi mon MP3. C'est parti. Je cours à vitesse modérée, en prenant bien mon temps. Je ne suis pas pressé. J'ai en tête le parcours que je souhaite faire. Je passe devant la Tour de glace. Je me dirige vers un chemin débouchant vers l'hôpital abandonné. Je n'ai pas encore eu l'occasion de visiter. Je n'y suis entré qu'une fois. Il y fait noir, très noir. Je poursuis ma route, en surveillant ma respiration. Je ne suis pas trop fatigué pour l'instant. Je peux continuer à courir tranquillement. La musique se diffuse dans mes oreilles. J'observe les alentours, les paysages qui s'étendent devant moi. La nuit, tout est plus beau et plus éthéré. J'arrive non loin du jardin botanique. J'opte pour une petite pause. Je fais une halte au jardin pour me reposer un peu. J'arrête mon MP3. Ma respiration est haletante. Je me trouve près de la grande arche en bois. Soudain, j'entends un bruit. Je fais volte-face et j'aperçois une silhouette familière au loin. Je m'approche, je reconnais les traits de Sully. Je souffle, soulagé. J'ai frôlé la crise cardiaque tout à l'heure. - Oui, c'est bien moi., dis-je pour le rassurer. On est plongé dans la pénombre. J'ai du mal à distinguer quelques traits. Je sais que c'est lui. Je l'ai reconnu à sa physionomie et surtout, à sa voix. - Pazuzu ? Un rire franc s'échappe de ma bouche. Il a une imagination débordante. J'ai repris mon souffle. Mon corps se détend un peu plus. Cela fait du bien de rire un peu. - Facile. Eliot Ness. Je ris légèrement. Ce n'était pas vraiment une question piège, puisque je suis le seul au courant ici. Je me souviens encore de la soirée DVD qu'on a passé ensemble. Je le regarde d'un air faussement suspicieux. - Qui me dit que tu es bien Sully ? Oui, c'est peut-être un clone qui sait. Je dois rester sur mes gardes au cas où, hein. En vérité, c'est bien lui. Je disais ça pour plaisanter.

Sully avait toujours eu certaines tendances paranoïaques. Pas au point de se croire en danger à tous les coins de rue, ou de dormir avec un couteau sous son oreiller, mais il est certain qu'un rien pouvait tout de même le faire psychoter, qu'en soi il suffisait qu'il soit dans un environnement propice à la naissance d'angoisses pour que celles-ci l'envahissent, plus irrationnellement qu'autre chose cela dit, car si son cœur pouvait s'emballer à l'entente de bruits suspects, il est certain que son esprit, lui, tâchait toujours de le ramener à la réalité. Dans l'immédiat, cependant, son esprit se trouvait être assailli de pensées improbables et que sa fatigue - qu'il ne ressentait pas pour le moment mais qui était probablement bien là - avait tendance à décupler. Alors oui, lorsqu'il entendit quelques bruits dans l'un des coins sombres de la palmeraie, il est vrai qu'il ne fut guère bien vaillant et qu'il commença à s'imaginer diverses choses, pas franchement réalistes et qui s’évanouiraient assurément lorsqu'il prendrait connaissance de l'origine de ce bruit initial, qui n'était assurément rien de bien dramatique. Ce qu'il espérait, c'est qu'il ne s'agisse tout au plus que de la présence de l'un de ses camarades. Après tout, il n'était pas dit qu'il soit le seul amateur de balades nocturnes et le seul à s'être aventuré dans le jardin botanique à une heure où il était tout de même plus coutumier de dormir. Et justement, c'est au bout de quelques instants qu'il reconnut Enoch. De rassuré, il passa pour autant à perplexe, se mettant étrangement à penser que s'il semblait avoir à faire à Enoch, il ne s'agissait pas nécessairement de lui pour autant. Alors oui, c'était là la preuve qu'il avait surtout besoin de dormir et que cette balade n'avait pas été une si bonne idée que ça, car malgré la confirmation de son camarade, il en vint carrément à supposer qu'il pouvait être tout bonnement possédé par Pazuzu. Okay, là ça partait loin, et il était peut être un peu moins sérieux que précédemment. Il fut en tout cas étonné qu'Enoch ne voit même pas de qui il parlait. « Attends, ne me dis pas que tu n'as pas vu l'Exorciste ! » fit-il mine de s'offusquer, parce qu'en soi il ne comptait refaire la culture cinématographique de personne, bien que ce soit quand même un classique. « Attention à ce que tu vas répondre, hein, parce que ça va déterminer si nous sommes réellement fait pour être amis, toi et moi » qu'il reprit, sur un ton encore moins sérieux, n'ayant bien sûr pas l'intention de remettre ça en question à cause d'un film. En soi, Enoch aurait sans doute compris d'où il avait sorti Pazuzu. Quant au reste, il tâcha de s'assurer de son identité en lui posant une question dont il devait normalement connaître la réponse. Une réponse qu'il fournit heureusement sans mal. « Bon, ça va, tu t'en tires bien. J'en conclus donc que j'ai à faire au vrai Enoch. » Ce qui, mine de rien, était un constat plaisant. Okay, il n'en avait jamais réellement douter, mais quand même, c'était mieux d'en être sûr. Mais voilà que son camarade retourna la situation et chercha à savoir si Sully, lui, était authentiquement lui. « Oh, tu veux la jouer comme ça ? » fit-il alors, presque outré qu'il en vienne à douter de lui en retour. C'est que ça marchait dans un sens, pas dans l'autre. Évidemment. « Très bien, pose-moi une question, toi aussi. Choisis-la complexe, que je puisse te prouver qu'il n'y a qu'un Sully et qu'il est bien face à toi. » Quoi que, dans ces conditions, il ne tarderait pas à développer quelques tendances schizophrènes, aussi, hm.