Leone

Robbie avait franchement tendance à se laisser vivre dans la vie de tous els jours. Au sein du Nid d'Amour, on pouvait dire qu'en règle générale, cela se vérifiait également. En effet, le jeune homme n'avait pas l'habitude de se mettre aux fourneaux. Il laissait donc des habitants suffisamment gentils pour lui venir en aide lui préparer des repas ou partager le leur, histoire qu'il ne meure pas de faim. Seulement, depuis le dernier prime, le mannequin sentait que sa réputation laissait un peu à désirer dans le jeu. Ainsi, décidant de prendre son destin en main et sachant pertinemment qu'il ne pourrait sans doute pas compter sur la bonté de ses camarades indéfiniment, le Londonien ouvrit le frigo d'un veste vif. Il ne restait plus grand chose. Tant mieux, le choix serait aisé. Robbie s'empara de l'aliment le plus commode à préparer : le traditionnel yaourt. Saisissant une cuillère, le jeune homme se retourna. Il fut très surpris par une présence, non loin de là, qui le fit sursauté puisqu'il ne l'avait pas remarquée auparavant.

Lorsque Robbie reconnu Leone derrière lui, une forme de malaise, de tension se mit immédiatement en place. Depuis le début, le candidat était pourtant l'un de ceux dont il était le plus proche, même si tous les habitants ne l'appréciaient pas forcément à sa juste valeur, le mannequin avait vu en lui quelqu'un avec qui il pouvait très bien s'entendre. Seulement, lors de l'épisode de la cave, une distance s'était créée, petit à petit, entre eux. Ne sachant pas vraiment comment réagir, le jeune homme s'avança vers le frigo pour reposer son yaourt et répondit à son interlocuteur. « Ouais, allons y pour ça. J'suis affamé. » Un mince sourire aux lèvres, le Londonien referma le frigo pour se tourner vers son camarade qui commençait à préparer le plat pour deux. Robbie avait toujours eu beaucoup de mal à supporter les non dits, c'était pire que les engueulades. Il brisa donc ce silence gêné pour demander, brusquement, sans même chercher à introduire son propos pour mieux le faire passer. « C'était toi, à la cave ? »

Si un malaise se faisait sentir, il se dégageait uniquement de Robbie. Peut-être que celui-ci regrettait sa mésaventure dans la cave ? Leone était à l’aise et n’avait pas son mot à dire. Cette histoire ne le concernait pas, il ne voulait d’aucune façon se mêler de la vie privée de son camarade. Il avait placé Robbie trop haut dans son estime, il rectifierait le tir tout seul.

« Tu dois sûrement avoir une excellente raison de me parler de ta vie sexuelle ? Robbie tu es libre d’agir comme tu l’entends, ce que tu fais de ta bite ne me regarde pas. » Répondit-il naturellement, avec franchise.

Il déposa les lardons dans l’une des poêles qu’il plaça à feu doux. Il se décala ensuite légèrement laissant ainsi la place à Robbie pour accéder aux plaques chauffantes.

« Tiens occupe toi des lardons, tu partages plus de points communs avec le cochon qu’avec la poule. Je ferai les œufs. » Déclara-t-il dans un léger éclat de rire.

Robbie avait une vision bien à lui de l'amitié et des relations entre les gens. En effet, lorsqu'il était proche de quelqu'un, quitte à le mener à des situations difficiles, le jeune homme disait tout ce qui lui passait par la tête, tout ce qui pouvait le déranger. Avec cette forme de franchise, le mannequin était certain de ne pas créer de tensions qui ne seraient pas réglées plus tard. Ainsi, il réfléchit quelques secondes à la réponse de son camarade tout en saisissant les lardons. Un mince sourire aux lèvres mais ne soulignant pas la remarque qui pouvait paraître un brin déplacée, le jeune homme répondit simplement. « D'accord, je m'en charge. » Songeur, le Londonien s'attela donc à la préparation des lardons comme il pouvait, sachant que ses talents de cuisinier restaient encore largement à développer. Ne pouvant pas se contenir plus longtemps, quitte à envenimer les choses, Robbie lâcha donc, subitement. « Et ben moi, je ne fonctionne pas comme ça. Évidemment que les actions des gens dans le Nid concernent tout le monde. Contrairement à Austin, moi, je ne me préoccupe pas vraiment de ce que pensent la plupart des candidats, de toute façon, la moitié sont à peine supportables. Mais évidemment que ça te regarde. Tout ce qu'on fait dans cette maison affecte nos relations avec les autres, qu'on le veuille ou non. Je ne suis pas aussi indépendant que toi. L'avis des gens que j'apprécie est important. C'est comme ça que je fonctionne. »

Sans l’interrompre, le New Yorkais écouta d’une oreille attentive son interlocuteur. Il n’avait pas tort, il était même plutôt dans le vrai. Néanmoins Leone ne lui donnerait pas son avis sur la question au risque que son argumentation prenne l’allure d’une preuve d’affection. Il n’était pas certain que Robbie la mérite.

« J’ai pas dit que ta partie de couilles à l’air m’avait laissé indifférent. J’essaye simplement de te faire comprendre que je n’ai pas à te juger et tu n’as pas à te justifier devant moi. Que tu m’apprécies n’y change rien. Tu es suffisamment grand pour savoir par toi-même si oui ou non tu as déconné. J’ai l’impression que tu attends que je t’enfonce. » Répondit-il tout en surveillant du coin de l’œil Robbie chargé de faire revenir les lardons, aucune difficulté pour l’instant.

Leone préférait agir avec détachement. En effet, se lier d’amitié avec les candidats était risqué, souvent source de déception et de chagrin. Robbie l’avait déçu en se jetant sur l’homme le plus anéanti du Nid pour assouvir ses pulsions et le départ de Deirdre l’avait profondément attristé. Se tenir à l’écart semblait être la meilleure solution. Ils étaient tous des adversaires pouvant manier mensonges et trahison. S’attacher à eux ne lui apporterait rien de bon.

Robbie regardait fixement la poêle tandis qu'il faisait revenir les lardons. Non pas que ce soit un véritable exploit ou quelque chose de particulièrement difficile. Seulement, dire ce genre de chose à Leone, ce n'était pas vraiment facile, et il préférait ne pas le regarder dans les yeux. Au fond, c'était peut être tout simplement par lâcheté. Il répondit cependant à son interlocuteur, déterminé à aller jusqu'au bout de cette conversation. « A vrai dire, non. Je ne pense pas avoir déconné. Il est adulte, je suis adulte. S'il n'assume pas, j'y suis pour rien. Dans un jeu comme Fake Lover, il faut foncer, c'est ce que je pense. Maintenant, je ne me résume pas à ça. Mais ça fait partie de moi, à toi de voir si ça te dérange vraiment, parce que, comme tu le dis, ça ne sert à rien de s'excuser pour ça. » Robbie n'était pas comme Leone. Il avait sans doute tendance à s'attacher un peu vite, et passer à travers de ce genre d'aventure sans amitié et sans se lier aux gens, c'était tout bonnement impossible pour lui.

« Robbie regarde-moi. » Exigea-t-il en coupant le feu sous la poêle afin d’obtenir toute l’attention de son interlocuteur. Une fois son regard azur planté dans le sien, il reprit :
« Je crois surtout que tu avais besoin d’en parler, de t’entendre dire à voix haute que tu es toujours resté fidèle à toi-même. »

Leone commençait à douter sérieusement, n’avait-il pas dénigré Robbie excessivement vite ? Certes il ne le savait pas attiré par Austin mais peut-être existait-il une étincelle entre eux ? Alors avait-il véritablement profité de la vulnérabilité du cocu du Nid ou une simple attirance les avait-elle rapprochés ? Finalement le New Yorkais décida de trancher.

« Ça ne me dérange pas, pour la simple et bonne raison que tu ne représentes rien à mes yeux. »
Ces derniers propos lui déchirèrent le cœur. Il tentait de demeurer impassible, ne voulant laisser paraître aucune émotion sur son visage. Ses yeux expressifs le trahissaient sûrement mais Leone devait s’en convaincre, il n’était pas ici pour élargir son réseau social.

Robbie releva doucement la tête lorsque son camarade coupa le feu sous la casserole. Cet aspect un brin autoritaire était quelque chose qu'il avait su cerner chez l'habitant et qu'il trouvait plutôt agréable. Au moins, il savait ce qu'il voulait. Le début de sa réponse était très sensée. Après tout, suite à ces attaques, seul quelqu'un comme Leone n'aurait pas été déstabilisé, et le mannequin n'était pas de cet acabit. Finalement, suite à cela, ses pensées étaient beaucoup plus claires. Néanmoins, la suite de ses paroles lui plurent beaucoup moins. Ouvrant légèrement la bouche, il était stupéfait par ce qu'il venait d'entendre. Cela faisait plusieurs semaines qu'ils étaient dans le jeu, et son camarade osait lui balancer ça dans le figure ! L'étonnement laissa place à la colère. Il s'était tout simplement fichu de lui ! « Tu sais quoi Leone ? Va te faire foutre ! Tu peux te la garder ton omelette ! Va faire ton fier tout seul, parce que moi, je n'ai pas à endurer ça. » C'était une certaine déception de la part du Londonien. Finalement, les personnes dont il était le plus proche lui tournaient le dos maintenant, c'était difficile à supporter. Ne rallumant pas le feu et déposant la poêle, il tourna les talons pour se diriger vers l'escalier.

« Tu es injuste. Tu me considères proche de toi uniquement quand ça t’arrange, selon tes propres intérêts. Je cuisine pour toi, j’ai essayé de faire des efforts. Quand t’étais nominé, je t’ai soutenu. Vendredi Deirdre est partie, t’étais là toi pour voir comment j’allais ? » Cria-t-il en sortant de la cuisine à son tour. Il savait qu’il l’avait entendu, comme une bonne partie des autres habitants sans doute.

N’espérant pas son retour, Leone revint sur ses pas et referma la porte derrière lui. Cette dispute lui avait coupé l’appétit. Il plaça du papier d’aluminium sur les lardons au cas où un affamé passerait par là plus tard et se servit une bière dans le réfrigérateur. Il décapsula la petite bouteille et s’assit sur la table, repassant la scène dans son esprit.

« J’ai vraiment essayé… » Répéta-t-il pour lui-même dans un murmure, essuyant du revers de sa manche le coin de ses yeux embués de larmes.