Petite pause maquillage. Je ne pensais pas que j'aurais besoin de passer par la loge mais finalement si, mon maquillage avait un peu coulé. Du coup, au lieu de rajouter des couches et des couches de noirs par dessus encore plus de noir et du noir toujours, j'avais tout enlevé et tout recommencé, même les lèvres tant qu'à faire. Allez, tout y passe un point c'est tout, que je me suis dit dans ma tête creuse de pétasse délurée. Je devais user presque dix cotons pleins de démaquillant tellement j'avais de far à paupières, de mascara, d'eye-liner et de fond de teint sur la tronche. Bah oui, pour avoir l'air parfaite il faut se cacher derrière un masque, surtout quand on vieillit, pas que je sois vieille, j'ai même pas encore trente ans, mais je veux dire qu'il vaut mieux prévenir que guérir, maintenant que j'ai pris l'habitude de me maquiller comme pour Carnaval je le fais quotidiennement. Je ressemblerais presque à un clown, sauf que je ne fais pas rire, en général je choque. Je suis une artiste, je fais le spectacle, le show. Je me sens un peu fausse d'un coup, une fille qui se cache, c'est pas la classe. Enfin, bref. Je me fais presque peur sans maquillage, je me vois rarement sans aucun maquillage et je dois dire que c'est mieux pour tout le monde que je sois maquillée. Vraiment, je fais peur. Une blonde passe derrière moi. Pff. Beauté naturelle. Que je baragouine en attrapant le far à paupière le plus noir que j'ai pu trouver. T'en as de la chance Blondie. Je sais, j'appelle toute les blondes "Blondie", j'ai la flemme de connaitre et de retenir leur prénom, alors à moins de considérer une blonde comme mon égal, je l'appelle "Blondie" sauf si je trouve un surnom plus approprié, bien sûr.

C’est bien beau de se retrouver avec une bande de pingouins à trois têtes qu’on ne connait ni d’Adam ni d’Eve, mais encore faut-il avoir quelque chose d’intéressant à leur raconter. De toute façon je n’aime pas parler. Je préfère observer. D’ailleurs c’est ce que je fais depuis que je me trouve ici. Je n’ai pas ouvert une seule fois la bouche depuis que je suis enfermé ici. Je me contente de regarder tout autour de moi et d’observer les gens qui doivent me servir de camarades de jeu. Ils ne m’inspirent pas tellement confiance. Ils me regardent bizarrement. Je crois bien que je n’ai pas décroché un seul sourire à qui que ce soit depuis que je suis ici. Ils doivent me prendre pour une nana associable qui veut péter plus haut que son cul, alors que je ne suis pas du tout comme ça. J’suis seulement hyper méfiante. Je n’ai pas envie de m’attacher à des inconnus et encore moins de partager quoi que ce soit avec eux. La seule personne que j’aime c’est mon fils et les seules personnes avec lesquelles je suis prête à partager quelque chose ce sont les internautes qui viennent se perdre sur mon blog. J’suis pas une geek. Je me contente seule de errer sur le web un petit peu comme j’suis en train de le faire maintenant. Je navigue entre les pièces, entre les gens. J’observe la décoration des lieux, les fringues des autres. Y’a quelques petits trucs intéressants, mais rien de passionnant. Pff. Beauté naturelle. C’est la voix d’une nana qui me fait m’arrêter dans la loge maquillage. Je l’observe à travers l’un des nombreux miroirs. C’est bien la première fois qu’on me parle ici. Je ne souris pas pour autant. Mon visage reste fermé. Je l’observe. T'en as de la chance Blondie. Blondie ? Je n’aime pas ce surnom. Je fais quelques pas vers elle pour venir me poser à ses côtés. J’observe tous les disques de coton plein de noir qui se trouvent devant elle. « Danaé. » Je lève brusquement la tête vers elle. « Je m’appelle Danaé. » Je n’ai pas franchement l’air sympathique avec elle, mais après tout c’est une inconnu, je ne vois pas pourquoi je le serais. Je ne suis pas méchante non plus. J’suis juste … neutre. « Tu sais ce que y’a des nanas qui pourrait tuer pour réussir à se faire le même trait d’eye-liner super épais et super droit que toi. » Ce n’est pas une question, plutôt une phrase à titre informatif. J’attrape un pinceau à maquillage qui traîne par là et sans aucune gêne le trempe dans un pot noir avant d’en faire un trait uniforme sur le dos de l’une de mes mains histoire de tester la qualité. « C’est ton maquillage ou bien celui de la prod ? » J’ai besoin de savoir. C’est existentiel.

Elle s'appelle Danaé la nana. Danaé, c'est pas chelou ça comme prénom un peu ? Je sais pas mais je préfère l'appeler "Blondie". Mais elle, j'ai pas l'impression que ça la branche trop. J'm'en fous en fait, mais comme je suis gentille, enfin, surtout parce que j'ai envie d'être gentille, je vais essayer de l'appeler par son prénom bizarre ou alors je lui trouverais un autre surnom. Bref. Elle me dit que certaines personnes seraient prêtes à tuer pour savoir se maquiller comme moi. Ouais, je sais. Que je lui réponds, très modestement. Je suis une vraie artiste, qu'est-ce qu'elle croit ? Je suis pas que tatoueuse, je sais maquiller le visage aussi, pas que le reste du corps, même si je maquille que mon visage, en général. Je continue de me mettre des couches énormes d'un tas produits différents sur la tronche, comme d'habitude, et ça donne un résultat approchant de la façon dont je suis venu ce matin, c'est-à-dire que ça rend pas mal. Je ressemble à peu près à Betty, ça y est, je fais plus trop peur. Elle me demande si le maquillage est à moi ou à la production. Hein ? Cette camelote ? Non, c'est pas à moi, ce noir de chiotte serait bien plus noir si ça m'appartenait. Que je dis en faisant la grimace devant le far à paupière et le mascara. J'avais pas pensé que j'aurais besoin de faire une retouche, alors j'avais pas amener mon matériel personnel pour rectifier les petits problèmes de maquillage, normalement je me barbouille une fois et c'est fini, on touche plus. Enfin, j'imagine qu'aujourd'hui, comme par hasard, c'est l'exception qui confirme la règle.