FT. ORSON

Je ne me suis encore jamais vraiment arrêtée dans cette partie du château. A vrai dire, j'ai tellement eu peur de me planter dans les horaires tout le temps, que j'ai pas osé aller dans "les intérieurs" et les "extérieurs" du château la semaine dernière. A part pour manger, mais c'était pour manger... Cas de force majeure, donc. Alors là, c'est plutôt agréable de parcourir les pièces sans faire attention à l'heure et de pouvoir s'affaler sur un canapé bien moelleux, qui fait pas mal au dos, devant une cheminée non-allumée. Ca aurait fait un distraction, mais c'est pas grave.. Du coup, je m'assois trop bizarrement sur le truc et pose mon iPad sur mes jambes. Je baisse la tête, regarde les applications que j'ai. Bon, j'en ai pas beaucoup, mais on s'en fout. Ils auraient pu foutre des jeux, quand même... Non parce que quand on s'fait chier, on est bien cons tiens. Et puis lorsque finalement j'entends la porte grincer en s'ouvrant, j'ouvre la tête, soudain intéressée. « Enfin un copaaaaain ! », je lance, en espérant que ça ne le fasse pas fuir. Et lorsque j’aperçois son visage, mon sang ne fait qu'un tour. « Orsooooon, ça va ? Bien dormi ? » Je me racle la gorge. Parce qu'il est avec Donia, en partie "grâce" à moi. Et j'ai capté qu'au dernier prime que c'était pas forcément l'amour fou entre les deux. « Pardoooon, jesavaispasquet'étaispaspoteavecelle... J'pensais que tu voulais la pécho ! » Ouais, j'pensais vraiment... Machinalement, je plonge, me couche sur le canapé et protège ma tête de mes bras. Il pourra pas me faire trop de mal... Ou il a qu'à frapper les autres parties du corps, pas protégées. Mais peut-être qu'il aura pas vu...

Il s'ennuyait déjà. La seule distraction qu'il avait trouvé, c'était de lire un catalogue du musée de Prado, à Madrid à propos de l'oeuvre de Goya. Il débarqua dans le salon et vit un visage familier. Lulu-Belle. Il lui sourit en s'approchant d'elle et se laissa choir à ses côtés. Bien dormi ?, demanda-t-elle, enjouée. - Si, on veut. Et toi ? Il dormait, tout étant conscient qu'il somnolait à côté de son ennemie. Une ennemie avec qui il devait coopérer pour le reste de l'aventure. La première nuit avait été éprouvante. Cela s'empirait de jour en jour. De toute façon, il dormait peu. En parlant de partenariat, Lulu-Belle lui rappela qu'ils étaient ensemble par sa faute, pensant qu'elle lui plaisait. Elle se trompait. - Sans façon. Je laisse ma place volontiers aux autres., qu'il lui répondit, agacé. Il passait son tour. Il n'avait pas de temps à perdre avec elle. Il avait cru comprendre qu'elle avait déjà des prétendant(e)s. Grand bien lui fasse. Il ne voulait pas être inclus dans la liste. Il était disqualifié d'office. Ce n'était pas plus mal, d'ailleurs. Comme si elle pouvait encore l'aimer depuis tout ce temps. Il la haïssait et le rendait plutôt bien. Leur relation lui convenait ainsi. Qui ne risquait pas de changer d'aussi tôt. Chacun menait son aventure dans son côté. Leur tandem ne s'en portait pas plus mal. Ils ne changeaient pas les bonnes habitudes. Elle ne devait pas s'excuser pour ça. Il n'en voulait à personne. - Je dois faire avec de toute manière., soupira-t-il en feuilletant son catalogue. Il n'avait pas le choix surtout. Cela n'allait pas être une partie de plaisir pour lui. L'avantage, c'était qu'ils se connaissaient déjà. Ils ne se connaissaient que trop bien, à vrai dire. Cela pourrait leur porter préjudice. - On pourrait parler d'autres choses, s'il te plaît ? Dès qu'on parlait de Donia, il se mettait tout de suite sur la défensive. Il tenta un sourire pour lui faire comprendre qu'elle était pardonnée.   

J'aime bien Orson, j'ai vraiment aucun problème avec lui... C'est d'ailleurs pour cette raison que dans un excès de bonté, j'ai voté pour qu'il se retrouve en couple avec Donia. Quoi ? C'était un geste cool, non ? Il pouvait dormir avec elle, tenter des petits trucs sous la couette et tout. Du coup, sachant qu'il l'aime pas et qu'ils ont sans doute un passé commun que je ne veux pas savoir (en fait, si, je veux trop savoir), je lui demande s'il a bien dormi, ce à quoi Monsieur répond par un « Si, on veut. Et toi ? », un sourire gêné s'affiche sur mon visage et je lui répond doucement : « Amery prend toujours autant de place dans notre lit, mais ça va... » Et puis bon, j'me rend compte que lui demander s'il a bien dormi à 19 heures, c'est un peu con. On va faire comme si de rien n'était... Du coup, je tente de me défendre, disant que je pensais qu'il voulait la pécho et tout. C'est vrai, tout ça ! C'est vrai, je pensais vraiment. Parce que sérieux, il m'a même pas regardé qu'il était déjà en face de Donia, et je pensais trop qu'il avait eu un coup de coeur et tout. Je sais pas, je comprends pas. « Sans façon. Je laisse ma place volontiers aux autres. » Pour la pécho ? Oh... Je sais pas comment Donia devrait le prendre. Je reste muette, il continue. « Je dois faire avec de toute manière. » Je lance un petit sourire compatissant, parce que c'est tout ce que je peux faire. Je lui ferai bien un câlin, mais j'ai peur qu'il se sente mal et tout, qu'il aime pas trop ce genre de rapprochement et encore moins de ma part. « On pourrait parler d'autres choses, s'il te plaît ? » demande-t-il. Je le regarde, avec un sourire et hoche la tête avant de lancer, avec un peu de précipitation. « Nan, attends. Deux secondes. J'veux juste savoir un truc... » C'est indiscret, j'le sais, mais je suis vraiment trop curieuse. « Pourquoi tu la détestes tant que ça ? C'est quoi votre histoire ? », dis-je, avant de baisser la tête et de marmonner en français, parce que je sais pas le dire en anglais. « Pardon, c'est indiscret. » Je me fous un peu en boule sur le canapé, mes genoux relevés contre ma poitrine, avec un air de chien battu pour pas qu'il me renvoie chier trop violemment.

Lulu-Belle vint l'accoster dans le salon pendant qu'il lisait. Ils s'échangeait des banalités jusqu'à ce que la français parla du sujet qui fâche. Le jeune homme ne s'était pas prié de donner son avis sur la question. Il n'était pas d'humeur à en parler. Surtout à une personne qu'il connaissait à peine. Ce n'était pas contre elle, mais il ne tenait pas à ce que cette histoire s'ébruite. Il tenait à être discret sur cela. C'était certain qu'elle n'allait pas en rester là. Elle ne tarda pas à revenir à la charge. Il était quelque peu agacé, mais il ne laissa rien paraître tout en gardant son calme. - Donia est mon ex. C'est tout ce que tu dois savoir., qu'il répondit d'une voix terne. Une expression détaché se peignit sur son visage. Dès qu'on lui mentionnait Donia, il se refermait. Orson n'était pas quelqu'un d'expansif. C'était un être secret et réservé. Il s'était bâti une carapace dont il n'arrivait pas à se défaire. Tout était dans la retenu. Il desserra sa mâchoire en voyant que la jeune fille se trouvait dans un certain embarras. C'était certes indiscret, mais compréhensible. - Ce n'est pas grave., dit-il dans un français quasi impeccable. Sa voix s'était alors adoucie. Le sourire crispé, il se détendait peu à peu. Il fixa le sol un instant avant de remonter les yeux vers elle. Il continua, toujours en français : - Je comprends que notre relation puisse interloquer plus d'un. Je préfère que ça ne s'ébruite pas davantage. Il mettait un point d'honneur à ce que sa vie privée ne soit sur toutes les bouches. En s'inscrivant à cette émission, il s'attendait à ce que ses moindres faits et gestes soient décryptés. Que ce soit dans ce nid ou à l'extérieur, il tenait à une once d'intimité même si le cadre ne s'y prêtait guère.