Je me sentais léger, une plume, j'avais l'impression de glisser au milieu de l'eau. J'avais du naître mammifère marin dans une autre vie, un dauphin certainement, pour le côté joueur ; Certain jours j'aurais rêvé d'une paire de nageoires, faut dire que dans mon métier ça aurait eu un certain côté pratique. Pas sûr que ce soit très en accord avec le reste de mon physique cela dit, bien qu'au milieu de la quantité de tatouages dont j'étais recouvert y'aurait peut-être eu moyen d'accorder le tout ... enfin bref, c'était pas le sujet. Il était encore tôt, à peine neuf heures et demi d'après ma montre - bien sûr qu'elle résistait à l'eau, j'étais pas encore totalement stupide - mais pourtant ça faisait déjà deux bonnes heures que je barbotais dans l'eau, multipliant les longueurs jusqu'à atteindre la distance que j'avais l'habitude de parcourir le matin chez moi. Bon, sans les vagues et le sel c'était pas vraiment la même chose, mais le cœur y était. J'avais même plus besoin de faire sonner ma montre pour me réveiller à l'heure maintenant, j'avais sans doute fini par digérer le décalage horaire, même si avec ou sans montre Camille avait semble-t-il le sommeil bien trop lourd pour que cela suffise à le réveiller ; Faut dire qu'il se couchait peut-être vachement plus tard que moi, mais en attendant j'étais du coup toujours réveillé bien avant lui. Et voilà qu'arrivée de nul part me vient une crampe, là comme ça, alors que j'étais au beau milieu du bassin. Chose qui aurait pu se révéler problématiquement dangereuse si ce n'était un truc auquel j'étais habitué. Au lieu de ça j'avais trainé ma carcasse jusqu'au bord du bassin et gentiment attendu que ça passe, parce que j'avais pas vraiment d'autre option, mais ma séance de natation était elle belle et bien terminée. Ce qui je ne vous le cache pas n'avait pas eu un effet positif sur mon humeur, bien que je ne sois pas du genre à faire profiter les autres de ma mauvaise humeur de manière générale. La crampe passée j'avais desserré peu à peu mes doigts, s'étant agrippés au rebord sans que je m'en aperçoive, et après avoir pris une grande inspiration j'étais sortis de l'eau. J'aurais volontiers nagé encore un peu, mais c'était le genre de signal que j'avais appris à ne plus ignorer. Au lieu de ça j'avais marché jusqu'à l'un des transats sur lequel j'avais posé ma serviette en arrivant, et m'étais passé cette dernière sur le visage avant de l'enrouler autour de mes épaules. M'asseyant, j'étais resté là à peine quelques secondes avant que des bruits de pas ne me fassent lever la tête et que je découvre la silhouette de Jenni, se dirigeant dans ma direction « Hey. » lui avais-je adressé en souriant. Je savais pas trop pour les autres, j'avais pas besoin des autres pour me faire une opinion de toute façon, mais j'étais content qu'elle n'ait pas été éliminée dimanche soir. Les gens la trouvaient fatigante, c'était un fait, mais ça restait tout de même assez triste de vivre à une époque où la bonne humeur agaçait plus qu'elle ne faisait sourire. « Bien dormi ? » Je savais pas trop comment elle et Henley s'arrangeaient de ce côté là, faut dire que dormir dans le même lit qu'une personne avec qui on ne s'entendait pas, ça faisait un peu guerre froide comme ambiance, à mon avis. J'en aurais bien été incapable personnellement, j'aurai encore préféré dormir par terre, ou au moins sur un canapé du salon, quoi. « Tu sais, pour ce qui est de Betty, enfin le surnom qu'elle t'as filé et tout ... » J'avais cru comprendre que c'était d'elle que venait le Nem sur pattes, et bon c'était certes pas du meilleur goût, mais comme je m'apprêtais à le dire c'était pas forcément de la méchanceté « Enfin, tu devrais pas y prêter trop attention, tu sais. Et puis chez nous plus de la moitié des locaux est typé asiatique, alors elle disait sans doute juste ça pour te taquiner un peu. » Chez nous c'était Hawaï, donc. Et Betty et moi représentions assez bien le mélange maintenant flagrant entre les descendants haole comme elle, et les descendants de l'archipel comme moi.

Elle avait besoin d'air, depuis le prime. Lundi, elle avait rédigé une lettre d'excuses à son patron. Toute la semaine, elle évitait le contact, ou elle allait frapper quelqu'un. L'atmosphère était devenue pesante ; Myndi partie, il ne restait plus que les gens "cools". Les garçons marrants et beaux gosses. Les jolies filles à la répartie fine. Les intellectuels. Les bimbos. Et puis il y avait Jenni.
La seule personne digne de confiance qui restait aux yeux de Jenni, c'était sans doute Akela. C'était bien le seul qui ne l'avait ni insultée, ni regardée de travers, ni pensé qu'elle était folle/idiote/chiante - au choix, trois possibilités. Maintenant que Myndi était partie, c'était aussi le seul candidat qui lui adressait la parole. C'était ironique, elle devait bien être l'une des seules qui ait été enjouée, positive, agréable avec tout le monde, essayant de mettre une bonne ambiance lors des primes, et elle se faisait lyncher comme une malpropre. Elle n'était pas bien plus bruyante que Lewis ou Antwon, mais non.
Elle avait enfilé son maillot de bain de l'école, une pièce, simple, bleu foncé, pas très joli. Prenant sa serviette, elle se dirigea vers la piscine, où se trouvait justement... Akela. Elle eut comme un petit soupir, mentalement, rassurée. Déjà qu'elle devait se farcir OU éviter Henley à longueur de journée, ça en était lassant. Mais terminé les sourires ultrabright, terminé les politesses, terminé les blagues. Elle avait mis Jenni de côté pour retrouver Jennifer, comme au bon vieux temps, pendant ses années lycée. « Yo, » fit-elle en levant une main en guise de salut. « Plus ou moins. J'ai peur de bouger un orteil, au risque de me retrouver étranglée au petit matin par une blondasse hystérique. » Akela essaya de justifier Betty. Mais Jenni était plutôt revenue à son stade butée et aigrie après la soirée horrible qu'elle avait passée, et la semaine précédente avec. « C'était un détail. La goutte d'eau, en quelques sortes. » Elle s'assit sur le rebord de la piscine en trempant ses jambes, fuselées et assez musclées. La danse... « Me taquiner. Ouais. Sans doute. En attendant j'ai bien compris le message, j'ai bien pigé qu'elle pouvait pas me voir en peinture. Tant pis, je l'aimais bien, qu'elle aille se faire foutre. » Jenni se glissa dans l'eau en étirant ses jambes. « Je crois que si je chope l'enfoiré qui a posé cette question au prime, je me retiendrai pas niveau "violence pure et gratuite", pour citer l'autre. Comment la prod a pu même laisser passer ça. C'est comme si je te demandais si tu te trouvais meilleur hawaïen que Betty. Autant elle m'aime pas et elle m'insulte, mais là ça va trop loin. »

J'avais en théorie plus de chances de croiser quelqu'un ici en venant nager le soir que le matin ; Aujourd'hui je m'étais attardé, un peu trop sans doute comme avaient voulu me le signifier mes muscles, mais en règle générale il était rare de me trouver à la piscine après huit neuf heures. Et pour cause puisque j'y descendais parfois dès six heures du matin, une heure à laquelle je pouvais le confirmer peu de monde était en dehors de son lit, et souvent plus parce qu'ils n'étaient pas encore allés dormir que parce qu'ils étaient déjà levés. Mais cette période de tranquillité en tout début de journée n'était pas pour me déplaire, j'avais beau être quelqu'un de sociable j'appréciais aussi de pouvoir décompresser un peu seul. Mais bon, j'étais pas pour autant mécontent de voir arriver Jenni, d'autant plus qu'il était bientôt dix-heures et que j'avais largement dépassé mon quotas journalier de nage solitaire. « Yo. » m'avait-elle lancé en levant la main dans ma direction, avant que je ne lui demande si elle avait bien dormi, histoire de me montrer poli et de faire la conversation, deux en un. « Plus ou moins. J'ai peur de bouger un orteil, au risque de me retrouver étranglée au petit matin par une blondasse hystérique. » J'affichais une grimace compatissante en guise de répondre. Sûr que ça ne devait pas être la joie, d'autant plus que si j'avais personnellement rien contre Henley fallait bien avouer qu'elle était en plus de ça un peu ronchon sur les bords ... et me réveiller en entendant quelqu'un ronchonner, c'était assurément pas ce qui me mettait de bonne humeur. « Bon, tu as toujours les canapés du salon en guise de repli ... » Mais en dernier recours, quoi. C'est pas que je lui aurais pas proposé de partager le mien, mais bon j'allais pas virer Camille non plus quoi. Avec un peu de chance, d'ici une ou deux semaines assez de lits se seraient vidés pour que Jenni échappe à la cohabitation forcée avec sa partenaire. « C'était un détail. La goutte d'eau, en quelques sortes. » qu'elle fini en tout cas par me répondre lorsque j'avais évoqué Betty. Certes, je pouvais comprendre cela aussi ... et puis surtout, Betty avait comme Jenni une personnalité disons assez, spéciale, et de toute évidence les deux ne s'accordaient pas forcément. « Me taquiner. Ouais. Sans doute. En attendant j'ai bien compris le message, j'ai bien pigé qu'elle pouvait pas me voir en peinture. Tant pis, je l'aimais bien, qu'elle aille se faire foutre. » avait-elle en tout cas continué tandis qu'elle se laissait finalement glisser dans l'eau. Pour ma part je préférais ne pas m'y risquer à nouveau, mais laisser ma serviette humide sur le transat j'étais retourné m'asseoir sur le rebord de la piscine, mes pieds trempant dans l'eau, mes yeux se reposant sur Jenni « Je crois que si je chope l'enfoiré qui a posé cette question au prime, je me retiendrai pas niveau "violence pure et gratuite", pour citer l'autre. Comment la prod a pu même laisser passer ça. C'est comme si je te demandais si tu te trouvais meilleur hawaïen que Betty. Autant elle m'aime pas et elle m'insulte, mais là ça va trop loin. » Remuant nonchalamment mes pieds dans l'eau, j'avais considéré un instant ce que Jenni venait de dire. Sûr qu'on était pas allé demander à deux autres lequel des deux représentait le mieux la France, ou l'Europe. « T'es vraiment sûr que c'est uniquement la question qui t'as gêné, ou bien aussi la réponse ? » avais-je finalement demandé. Non mais en plus, c'était bien mignons pour certains de s'imaginer que tous les bridés étaient potes, mais c'était pas vraiment la réalité ... Enfin je savais pas trop non plus, les choses avaient peut-être changé, mais dans mes souvenirs c'était pas vraiment l'amour fou entre les chinois et les japonais quoi. « Et puis, Mai-Lan a peut-être décidé de prendre ça pour une compétition, mais c'est à toi de voir si tu veux rentrer dans son jeu ou non. Seulement si tu décides que oui, va falloir prendre sur toi pour ne plus te laisser déstabiliser si facilement. » Parce que pour le moment, Mai-Lan donnait du coup l'impression d'avoir franchement pris l'ascendant sur elle. Et pour ma part, l'ancien sportif de haut niveau semblait avoir momentanément repris le dessus, on croirait entendre mon entraîneur. Mais bon, n'empêche que moi j'étais neutre, la Suisse, pas non plus question de me retrouver au milieu de cette pseudo-guerre entre les deux jeunes femmes.

Jenni eut un rire au commentaire sur le canapé. Finalement, elle s'était plus ou moins faite à devoir faire sa vie au château avec Henley dans les parages, c'était presque devenu une habitude. Et depuis qu'elle avait abandonné son chara d'idol parfaite, elle pouvait finalement lui dire le fond de sa pensée sans utiliser de bons mots ou de fausse naïveté. « Ca va, je m'en porte pas trop mal, je pense que ça pourrait être pire, » fit-elle avec un léger sourire, « j'ai compris comment elle fonctionne, j'ai aussi compris que c'était pas vraiment personnel mais plus un mode de vie dans le château, au point où elle en est. » Elle eut un léger rire et commença à faire quelques longueurs en dos crawlé, lentement, pour se détendre. La question, la réponse... les deux. Le premier était scandaleux sur tout point de vue. Le deuxième était un pur détail, une question de relation entre Jenni et Mai-Lan uniquement, rien de plus. « La question. je ne pensais pas que quelqu'un pouvait penser comme ça ici. La réponse, c'est rien... c'est une affaire personnelle, c'est un détail par rapport aux dimensions de la question, de mon point de vue. » Elle eut un soupir, regardant le plafond en nageant sur le dos. « Je suis surtout déçue qu'elle pense ce genre de choses de moi alors qu'elle agissait comme une alliée deux jours plus tôt, et ce depuis le début. Tu parles d'un retournement de veste. Je pense qu'elle suit le troupeau comme une pauvre idiote... » Elle s'en fichait, c'était pas vraiment les détracteurs qui manquaient ici, finalement. C'était simplement décevant. « Je vais te faire une confession, » ajouta Jenni avec un demi-sourire, « j'en avais marre d'être polie et sympa avec tout le monde. » Elle s'approcha du bord de la piscine pour s'y adosser et faire des mouvements avec ses jambes dans l'eau. « Mon cinéma de gentille fille surexcitée, c'est mon personnage de scène. Je suis idol au Japon, je sais pas si tu vois un peu le truc... je suis payée pour être mignonne, sympa et dynamique avec mes fans et chanter mes belles chansons optimistes. J'ai pensé que ça serait intéressant de venir ici en jouant le jeu. Mais apparemment, l'Europe et l'Occident ne sont pas très réceptifs... » Elle haussa les épaules. « J'ai été élevée en Angleterre et j'ai toujours été un peu garçon manqué, mais j'aime quand même mon job. Je l'adore, même. Ca me permet d'alterner deux mondes totalement différents quand l'un des deux m'agace ou me fatigue. J'ai testé, ça n'a pas marché... j'espère juste que mon agent ne m'en voudra pas trop d'être vulgaire ou malpolie devant des caméras. »

Je supposais que puisqu'elle était toujours là et qu'Henley aussi, cela sous-entendait toujours qu'elles ne s'étaient pas entretuées ... pas encore, du moins, et il fallait juste veiller à ce que les choses restent ainsi, hm. « Ça va, je m'en porte pas trop mal, je pense que ça pourrait être pire, j'ai compris comment elle fonctionne, j'ai aussi compris que c'était pas vraiment personnel mais plus un mode de vie dans le château, au point où elle en est. » J'avais penché la tête sur le côté, comme si je considérais un instant la chose, mais je ne pouvais pas nier qu'elle avait raison, cela n'avait sans doute rien à voir avec elle en particulier, Henley était juste ... difficile, concernant les autres. Exigeante, disons, un peu trop sans doute. Le souci avec Mai-Lan était différent en revanche, et je ne pouvais m'empêcher de penser qu'elle avait peut-être touché une corde sensible « La question. je ne pensais pas que quelqu'un pouvait penser comme ça ici. La réponse, c'est rien... c'est une affaire personnelle, c'est un détail par rapport aux dimensions de la question, de mon point de vue. Je suis surtout déçue qu'elle pense ce genre de choses de moi alors qu'elle agissait comme une alliée deux jours plus tôt, et ce depuis le début. Tu parles d'un retournement de veste. Je pense qu'elle suit le troupeau comme une pauvre idiote ... » C'était une possibilité en effet, c'était aussi et surtout une preuve qu'il fallait toujours se méfier de sa première impression concernant quelqu'un, que cette impression soit bonne ou mauvaise. « C'est possible, oui. Pour certains c'est plus facile de se fondre dans la masse. » Ce n'était même pas un reproche, c'était juste un constat, Mai-Lan ne serait ni la première ni la dernière à choisir cette solution que l'on pouvait qualifier de solution de facilité. Je ne l'approuvais pas dans le cas présent, mais je mentirais en disant que je ne pouvais pas la comprendre ... Pas que ce soit le moment de faire ce constat à haute voix. « Je vais te faire une confession, j'en avais marre d'être polie et sympa avec tout le monde. » m'avait finalement avoué Jenni en venant s'adosser au rebord de la piscine, à côté de moi. Un léger rire s'était échappé de mes lèvres tandis que je repliais une de mes jambes contre mon torse, l'autre trempant toujours dans l'eau « Ça je te crois sur parole, je pense pas que j'aurais tenu quinze jours. » Mais c'était sans doute parce que j'étais né avec cette tendance à toujours ouvrir ma gueule quand j'avais quelque chose à dire, et à ne réfléchir qu'ensuite ... J'essayais de me contenir ici, parce que je savais aussi que cette partie de moi m'avait attiré des ennuis à plusieurs reprises, et que je n'avais pas envie que cela me porte préjudice, mais enfin le naturel n'étais jamais loin. « Mon cinéma de gentille fille surexcitée, c'est mon personnage de scène. Je suis idol au Japon, je sais pas si tu vois un peu le truc ... je suis payée pour être mignonne, sympa et dynamique avec mes fans et chanter mes belles chansons optimistes. J'ai pensé que ça serait intéressant de venir ici en jouant le jeu. Mais apparemment, l'Europe et l'Occident ne sont pas très réceptifs ... J'ai été élevée en Angleterre et j'ai toujours été un peu garçon manqué, mais j'aime quand même mon job. Je l'adore, même. Ça me permet d'alterner deux mondes totalement différents quand l'un des deux m'agace ou me fatigue. J'ai testé, ça n'a pas marché... j'espère juste que mon agent ne m'en voudra pas trop d'être vulgaire ou malpolie devant des caméras. » Après un moment d'hésitation je m'étais de nouveau glissé dans l'eau, me promettant simplement de rester près du bord et de ne pas me risquer à retourner nager. Les bras croisés contre le rebord j'avais relevé la tête vers Jenni « Je sais pas si c'est le type que je me souviens avoir croisé avec toi pendant les castings, il semblait te suivre de tellement près qu'un peu de temps loin de lui ne peut pas te faire de mal. Et à lui non plus. » Mon dieu que cela devait être étouffant d'avoir quelqu'un dans les pattes en permanence de cette façon, je n'arrivais même pas à me l'imaginer. J'avais pourtant eu un agent il y a plusieurs années, lorsque j'étais encore sur le circuit sportif, mais jamais rien d'aussi ... invasif. Je ne l'aurais pas supporté, je crois. « Tu vois ça ? » avais-je finalement demandé en détendant mon bras gauche vers elle, et en lui désignant du bout des doigts une inscription sur mon avant-bras, en dessous d'une autre en hawaiien. Trust no one but yourself, c'était ce que disait la première, celle dont il était question. « J'ai ajouté celui-là un peu après avoir mis fin au contrat qui me liait à mon entraîneur. Y'a des choses pour lesquelles je lui serais éternellement reconnaissant, sincèrement, mais j'avais fini par comprendre que malgré toutes ses bonnes intentions et malgré ce qu'il pouvait dire, il avait un peu perdu de vue mes intérêts. » J'avais marqué une pause, sans même m'en rendre compte, me perdant un instant dans mes pensées et dans des souvenirs que je ne savais plus vraiment comment interpréter ... dans un sens c'était tellement loin tout ça, maintenant. « Ce que je veux dire c'est que, même si ton job te plait, tu devrais profiter de ton temps ici pour être certaine que tu le laisses pas bouffer totalement qui tu es. Sinon un jour tu risques de te réveiller et de ne plus comprendre pourquoi tu te lèves ... et crois-moi sur parole, c'est pas quelque chose d'agréable. »

Akela mentionna son agent, qu'il avait croisé lors des interviews pendant les castings. Jenni eut un léger rire en repensant à la scène, entre son staff personnel, la bouteille d'eau volante, son costume. « Ah, Kato-san. Non, enfin, c'est plutôt un intermédiaire entre mon patron et moi. Il veille au grain mais c'est pas vraiment lui qui prend les grosses décisions. » Mais c'était un peu rafraîchissant de ne plus l'avoir sur le dos, à gérer tous ses contrats et rendez-vous comme si elle avait cinq ans. Non pas qu'elle pourrait le faire elle-même, c'était un sacré travail. Mais c'était un peu infantilisant, parfois. Akela avait l'air d'être suffisamment en confiance ou de ne pas haïr Jenni assez puisqu'il se lança dans des confessions et conseils plutôt philosophiques. Jenni l'écouta avec attention. Son histoire touchait Jenni de près. Elle eut un regard dans le vide, pensive, après la tirade d'Akela. « Je comprends ce que tu veux dire. Vraiment. » fit-elle, songeuse, « je pense aussi que tu as tout à fait raison. Si j'avais été une simple gamine japonaise, mon boulot m'aurait suffit tel qu'il est. Mais je suis née et j'ai grandi à Londres. J'ai vu d'autres types de personnes que des asiatiques polis, diplomates, ou des célébrités joyeuses et drôles à tout moment de leur vie. C'est différent. » Elle eut un soupir, traçant des ronds dans l'eau avec ses jambes. « Je crois que je veux faire évoluer les choses. J'ai les moyens de le faire, je veux dire, pas niveau financier mais par rapport à qui je suis. Je crois que je sais ce que je vais faire. Une sorte de compromis. Si mon agence est d'accord... Mais je ne peux pas en dire plus, » fit-elle, avec un clin d'oeil. Elle n'avait pas oublié où elle était et quel était le jeu non plus, au passage... il y avait toujours des choses qu'elle ne pouvait pas aborder trop tôt. Même si Akela était quelqu'un de confiance. « Après ça si tu balances au prime que tu veux me voir dégager je crois que je te fous ma main dans la gueule, » ajouta-t-elle sur le ton de la blague, avec un rire, et brandissant son poing.