Je comprends toujours pas pourquoi c'est moi qui dois fermer ma gueule pendant que les autres crétins papotent autant qu'ils le souhaitent mais soit, je vais faire comme si de rien n'était. Non disons que je me vengerai bien comme il faut dès que je retrouverai la parole. En attendant, j'essaye d'avoir toujours mon petit bloc-notes avec moi. J'ai même déjà quelques papiers préparés. Avec des phrases comme « je te déteste », « abruti(e) », « ta gueule » et tout ce qui s'en suit. Parce que ça peut être utile. Je fais avec ce que j'ai. Et le pire ? C'est que maintenant que je peux pas parler, j'ai plus de temps pour penser et c'est vraiment pas le truc que je devrais faire cette semaine. Ou n'importe quelle semaine. C'est horrible, insupportable. J'ai jamais autant eu besoin de distractions. Et je vais faire un maximum de yoga durant la semaine parce que waouh, je ne sais pas ce que je pourrais faire sinon. C'est dingue. D-i-n-g-u-e. Je me fais des monologues internes, c'est horrible. Et je ne sais même pas quelle heure il est, je me dis que je devrais aller dormir au lieu de me torturer encore plus. Mais j'ai pas envie. Ça sent l'insomnie à plein nez, ça, de toute façon. Je vagabonde dans le château quand je croise Amery. Bon. C'est mieux que rien, non ? Je lui fais signe de patienter deux secondes le temps de gribouiller quelques mots sur un bout de papier qui traîne dans une de mes poches. ''Je vais exploser dans trente secondes, SOS.'' je lui montre en gardant une mine imperturbable. Je suis sérieuse, cela dit. Je vais mourir là. Je lève un doigt pour lui dire de patienter à nouveau, je recommence à écrire. ''Si ça te tente de m'éclater la tête contre un mur, je t'en voudrais pas.'' Oui, voilà, il peut. Au moins, je dormirais, je serais tranquille et voilà, problème résolu, tu vois.

Il ira sans doute bien vite se coucher, il n'a plus grand chose à faire de toute manière. Il n'a pas envie de traîner, quand il s'ennuie il devient morose. Et il n'est pas particulièrement de bonne humeur en ce début de semaine. Le jeu commence à devenir long pour lui, l'enfermement lui pèse, sa famille lui manque, il ferait mieux de ne pas y penser. En réalité il a déjà enfilé son pyjama, et il n'est même pas vingt-trois heures. En pyjama toujours il est parti fumer une cigarette pour essayer de décompresser, après il ira se coucher. Il rentre et fait un léger détour par le hall. Là-bas il croise Henley. Elle n'a plus le droit de parler cette semaine, et quelque part il se dit que ce n'est pas plus mal. Elle n'aura plus d'insulte à lui balancer la gueule, même s'il espère que quelque part elle arrêtera avec ça. Il s'apprête à passer son chemin, parce que de toute manière ils n'ont plus rien à se dire non ? Pourtant elle lui fait signe, il attend le temps qu'elle écrive sur son papier. Elle écrit qu'elle a besoin d'aide et qu'elle va exploser dans trente secondes. Il esquisse un léger sourire. « Tiens tu me montrerais presque gentille quand t'as besoin d'aide. » Il plaisante, mais à moitié. Il n'a pas envie qu'il reste sur leur discussion de la dernière fois, mais c'est presque étonnant venant de la part de la jeune femme. Oh et il a même le droit de lui exploser la tête contre le mur. « Non ça ira, je ne suis pas rancunier. » Si il l'est beaucoup en réalité, mais là il peut oublier, ce n'est pas trop grave. « Je ne te demande pas comment ça va, j'imagine que je connais la réponse. Qu'est-ce qu'il se passe ? » Il imagine qu'elle n'a pas écrit ça parce qu'elle n'a plus le droit de parler non ? Il n'en sait rien à vrai dire.

Gentille ? Je suis gentille maintenant ? Ou je le suis presque, d'accord, jouons sur les mots. Bah non, je le suis pas. S'il veut quatre ''connard'' sur une seule page, c'est pas un souci, je peux aussi. C'est bien la première fois qu'on me dit que je suis presque gentille, tiens. Je lève les yeux au ciel. Je m'exprime grâce à des procédés très basiques ces jours-ci. Lever les yeux au ciel, soupirer, secouer la tête. Ouais, on dirait une belle attardée, c'est sympa. En attendant, je lui donne surtout la permission de me taper la tête contre un mur. Parce qu'il peut. Vraiment. Aucun souci. Mais bien sûr, il refuse. C'est quoi ce type totalement inutile, hm ? C'est d'ailleurs ce que je commence à écrire quand il reprend la parole. Ouais, c'est sûr que c'est beaucoup plus simple de parler, hm. Et beaucoup plus rapide aussi. Du coup, je raye grossièrement les quelques mots sur son inutilité pour écrire autre chose. Parce qu'il me demande ce qui ne va pas mais genre, est-il sérieux ? Donc finalement, ma feuille émet ce message : « ???!!! » et juste en dessous de ça, il y a « tu as entendu le son de ma voix depuis dimanche soir ? » et mon sourcil arqué accompagne la chose. Ouais, c'est ça mon problème, j'ai besoin de parler, putain. On est quel jour, déjà ? Quoique, non, je préfère savoir combien de jours de torture il me reste. Je remets mon bloc de façon à pouvoir écrire à nouveau. J'ai pas écrit autant à la main depuis un petit bout de temps hein, dis-toi bien. ''Et je m'ennuie, impossible de dormir, bref, la totale, c'est génial.'' Je lui montre, j'affiche un air blasé cette fois. Heureusement que mon visage peut se montrer autant expressif, quand même. Et ouais, je pense que je vais continuer à me plaindre comme ça encore longtemps, très très longtemps. Il faut bien que je m'occupe, de toute façon.

Henley n'est toujours pas gentille non, mais tant qu'elle ne l'insulte pas, il le voit de cette manière. Il l'imagine mal l'être plus en réalité. Et puis il a envie de voir sa tête quand il dit ça, elle lève les yeux au ciel, ce qui le fait sourire. En attendant il n'a pas l'intention de lui écraser la tête contre un mur, surtout si c'est elle qui le lui demande. Il ne voit pas pourquoi il ferait une chose pareille, et puis de toute manière il n'est pas certain que ce soit la meilleure solution pour régler ses problèmes, qui sont ? Il ne comprend pas pourquoi elle est aussi mal, ce n'est pas parce qu'elle n'a plus le droit de parler non ? Il trouverait ça ridicule, et puis ça devrait lui faire un peu de bien. Donc non visiblement son mutisme était la cause de tous ses problèmes, et en plus elle prenait pour un imbécile. « Oh excuse-moi, je pensais que tu avais des problèmes plus graves. » Oui parce que ce n'était pas trop grave de ne pas pouvoir parler non ? Lui il le voyait comme ça, mais pas elle visiblement. Il ne fallait pas compter sur lui pour la plaindre en tout cas. Il regarda à nouveau le papier sur lequel elle venait d'écrire, elle s'ennuyait et n'arrivait pas à dormir. « Bon je vais sans doute le regretter mais ... Je peux faire quelque chose ? » Ce n'était peut-être pas une bonne idée de lui proposer ça après tout.

Des problèmes plus graves ? Parce qu'il n'a pas l'impression que c'est assez grave comme ça ? Il lui faudrait quoi ? Que j'ai perdu une jambe ? Bon, c'est vrai que c'est pas vraiment un bavard, Amery, il peut pas comprendre. Tant mieux pour lui, c'est peut-être pas plus mal. Mais moi, peu importe le nombre de conneries inutiles que je dis par minute, j'ai besoin de parler. C'est comme ça. Et j'ai aussi vraiment besoin de ne pas penser dans l'immédiat. Oh, oui, ça serait bien, ça. Tellement, tellement bien. Parfois, j'aimerais ne pas avoir de cerveau, ma vie serait tellement plus simple... Ça serait un peu comme être une candidate ordinaire de télé-réalité, tu vois. Quoi qu'il en soit, même s'il pense le regretter (pff, n'importe quoi), il me demande ce qu'il peut faire. J'arque un sourcil. Mais... il est con ou quoi ? Je reprends ma feuille précédente et je souligne à plusieurs reprises le ''m'éclater la tête contre un mur'' au cas où il comprendrait mieux comme ça. Bon. D'accord, on va peut-être éviter la violence, très bien. Je lui laisse pas le temps de répondre que je gribouille sur un coin de la page. ''Ou m'empêcher de penser.'' Oui, rien que ça. Ça risque d'être difficile, cela dit. Du coup, il faudrait peut-être plutôt revenir à la première solution. Non ? Je ne sais pas. Je lui montre la feuille pendant deux secondes avant d'ajouter un petit truc d'une écriture à peine lisible totalement fait exprès. ''S'il-te-quelquechose.'' Oui, il connaît la suite, je ne vais pas le supplier non plus. Et même si je dis constamment à Brielle qu'elle doit être polie, je ne suis pas obligée de l'être moi-même. Fais ce que je dis, pas ce que je fais, c'est bien connu. Surtout me concernant.

Ce n'est pas si terrible que ça de ne pas pouvoir parler, si elle n'a pas de problème plus grave, il ne va pas la plaindre. Ça ne le dérangerait pas plus que ça qu'on le prive de la parole pendant une semaine, il sait bien que c'est une autre paire de manche pour Henley, mais elle va s'en remettre. C'est sept jours, sept jours dans une vie sans parler ce n'est pas grand chose, elle va survivre même si ça lui paraît insurmontable. Mais comme elle a la tête d'une personne qui va se foutre en l'air dans deux minutes, il lui demande s'il peut faire quelque chose. Il ne sait pas pourquoi mais il sent déjà qu'il va le regretter, ce n'est sans doute pas la meilleure idée qu'il ait eu, mais il n'est pas rancunier avec elle, alors qu'il aurait toutes les raisons de l'être. Il lui propose son aide et encore là elle semble mécontente. Elle souligne plusieurs fois qu'il pourrait lui éclater la tête contre le mur. Il lève les yeux au ciel, avant de soupirer. « C'est non encore une fois. » Et puis il est à peu près sûr qu'elle n'en a pas envie de toute manière. Et même si c'était le cas il n'aurait pas recours à la violence. Donc il faudrait qu'il l'empêche de penser ? Hum ... Là sur le coup il ne sait pas trop ce qu'il pourrait faire. C'est qu'elle en serait presque polie. « C'est plaît que tu ne sais pas écrire ? P, L, A, I, T. » Il esquisse un léger sourire, bon il est à peu près sûr que ça ne la fera pas beaucoup sourire à elle. « Bon si tu veux que je t'empêche de penser, tu trouves quelque chose à faire. Sinon je te laisse avec tes pensées, parce que moi j'ai pas d'idée. » Et il na absolument pas l'intention d'en trouver une, encore une fois. Enfin elle s'en fiche probablement qu'il la laisse seule en fait.

Il refuse, encore une fois. Ce qu'il peut être borné, celui-là, c'est dingue. Je suis sûre que d'autres accepteraient avec plaisir ! Bon, peut-être pas non plus, autant éviter la violence, c'est vrai, je suis bien d'accord. Je tiens assez à ma petite personne pour ne pas avoir envie d'être violentée. Plutôt normal, tu me diras. Bref, je lui demande quand même de me distraire parce que, voilà, ça doit être dans ses cordes, ça, non ? Il me dicte déjà la fin de ma petite phrase, c'est vraiment trop gentil de sa part. Je le regarde, je plisse les yeux. Ouais, ouais, s'il veut. Au moins, ça le fait sourire. Tu vois que j'arrive à le faire sourire finalement. Évidemment que j'y arrive. Quoi qu'il en soit, si je veux être distraite, je dois trouver une idée. Pourquoi il peut pas en trouver une, lui ? Il craint, putain, je rêve. Déjà que je suis privée de paroles et en plus, je dois tout faire. ''T'es nul.'' je lui montre, accompagné d'un regard froid. Oui, il est nul, qu'il me dise pas le contraire. ''Tu pourrais y mettre un peu du tien.'' Bah ouais, pourquoi je devrais tout faire ? ''Et je suis sûre que si j'te propose des trucs, tu vas en refuser la moitié.'' J'arque un sourcil pendant sa lecture. Ouais, je suis sûre de ça, parce que monsieur est compliqué en plus de ça. Comme s'il pouvait se permettre d'être difficile. La situation est tragique, là, je crois qu'il s'en rend pas compte, c'est terrible.