« Et on retrouve jamais rien dans ce château de merde. » que je grogne en soulevant un vêtement qui traîne. Non, on retrouve rien parce que c'est un bordel constant. Et qu'on vienne pas me dire que j'ai qu'à le ranger si j'suis pas contente parce que, ouais, je range déjà plus que tous les autres ici. Cette bande de crétins. Putain, je rêve. Quoi ? Ça se voit que je suis rien qu'un tout petit peu sur les nerfs ? Pour ma défense, j'ai une bonne raison – comme toujours, en fait. J'ai laissé un truc pendant à peu près quinze secondes et paf, ça a disparu. Ouais, d'accord, c'est une photo et … d'accord, c'est juste une photo mais comment c'est possible qu'elle ait disparu si soudainement, hm ? Je refuse d'y croire, c'est impossible, c'est tout. Alors, oui, je vais retourner cette pièce entière si je la retrouve pas là, tout de suite. « Non mais je rêve, je rêve... » que je soupire en enjambant un objet non identifié au sol. Je ne veux pas savoir ce que c'est. Je retourne en direction de l'endroit où je me suis posée, même pas cinq minutes plus tôt. Donc je vais près du canapé, j'examine l'endroit des yeux. Logiquement, cette foutue photo devrait être là, juste là. Mais non. Bien sûr. Ça serait trop simple si c'était le cas. Je soupire. J'en. Ai. Marre. Alors quand j'entends la porte s'actionner, je suis plutôt claire : « Non, tu peux dégager, c'est pas le moment. » je balance simplement sans prendre le temps de me retourner. Peu importe de qui il s'agit, je m'en fous, la personne peut faire demi-tour.

Repas terminé, vaisselle lavée et rangée, je me retrouve maintenant devant une soirée libre de toutes activités. Et personne, d’ailleurs, avec qui la passer. J’ai comme la douce impression que je risque fermement de m’ennuyer. Ou pas. Cela ne tient qu’à moi, après tout. Et j’ai décidé que ce soit, ce ne serait point le cas. Je quitte donc la cuisine, en la laissant dans un état impeccable – merci bien! – pour me diriger vers la salle de musique, que je fréquente assez peu, malheureusement. Il faut dire que l’endroit est assez populaire d’ordinaire, et comme j’ai cette tendance à vouloir éviter les foules… et bien voilà. Je ne m’y rends pratiquement jamais. Sauf cette fois-ci. Et j’ai la surprise – désagréable – d’être accueillie par les remarques de notre méchante en chef, cette charmante Henley, me conseillant de dégager, en ces termes. Si elle croit que sa petite montée de lait va me faire fuir, elle se trompe. Désolée pour elle, mais je n’ai l’intention d’aller nulle part ailleurs. C’est ici que j’ai envie d’être, et s’il me faut la supporter, alors soit, je vais le faire. Que ça lui plaise ou non. Je passe à côté d’elle sans même lui répondre, et je pars m’installer sur l’un des tabourets, non sans avoir attrapé au préalable une guitare au passage. Instrument que je ne maîtrise pas, au passage, mais dont je connais quelques subtilités. Pourtant, impossible de réellement me concentrer. La tornade ambulante qui me tient compagnie attire mon regard, et je l’observe furtivement pendant un moment, avant de finalement poser la question qui me brule les lèvres. Même si, de toute évidence, il en s’agit d’une. « Tu cherches quelque chose, peut-être? » L’endroit était déjà dans un état à la limite de l’acceptable, mais elle est en train de foutre un bordel incroyable en retournant tout sur son passage. Elle serait bien capable de partir en grognant, laissant son massacre derrière. Et si possible, j’aimerais bien éviter de me retrouver avec tout ça sous la main.

Oui, oui, je sais, c'est ma faute, j'aurais dû faire plus attention à mes affaires et ne pas laisser ça là, à la portée de tous. Mais eh, j'y peux rien, d'accord, j'ai pas vraiment réfléchi sur le coup. Et ça me saoule, ce bordel, de toute façon. Non mais c'est vrai, personne ne peut ranger un minimum ? C'est dingue. J'ai juste décidé d'être globalement de mauvaise humeur, de toute façon, c'est comme ça. Il faut me comprendre aussi, il y a le manque de ma famille qui joue, l'éloignement avec ma vie. Oh et le fait que je suis entourée d'imbéciles et que je me sens terriblement seule dans ce foutu jeu. Dès que je commence à penser que quelqu'un est à peu près cool, il faut que cette personne se fasse éliminer, il faut avouer que c'est quand même pas de chance. Oh, allez, c'est pas grave, je vais bien finir par retrouver un semblant de bonne humeur. Si, si, ça arrive parfois hein, je t'assure. Quoi qu'il en soit, je remue le bordel afin de retrouver ma petite photo qui n'a rien demandé à personne. Et puis, bon, Donia – puisque j'ai fini par repérer son minois dans la pièce – n'a pas foutu le camp comme je lui ai conseillé mais tant qu'elle m'emmerde pas, ça devrait aller. Je crois. Je ne sais pas, je vais y réfléchir. Je me donne bonne conscience en essayant de ranger un minimum les trucs qui se trouvent au sol – disons que je les regroupe en les balançant à l'autre bout de la pièce – quand la demoiselle me demande si je cherche quelque chose. Je soupire. Je me tourne vers elle. « Oh, non, de toute évidence, je m'amuse juste comme je peux. » Question conne, réponse conne. Je lève les yeux au ciel. « Si t'as que des trucs totalement cons à dire, tu peux te contenter de te taire. » je fais remarquer en reprenant mon activité. Non mais c'est vrai, autant qu'elle me casse pas les couilles. Je suis déjà assez agacée comme ça aujourd'hui.

Je ne suis pas aveugle, je capte bien, rien qu’en voyant son air agacé et les soupirs qu’elle balance, ici et là, que la jeune femme n’est pas d’humeur. Si, en plus, la candidate cultive celle-ci en pestant contre le monde entier pour la perte d’un objet qui lui est cher – car, de toute évidence, elle ne foutrait pas un bordel infernal rien que pour son bon plaisir… quoique j’en doute, maintenant qu’on en parle – je me demande quel grain de folie m’a traversé l’esprit d’ainsi envahir son territoire. Ou du moins, son espace vital, sa bulle de mécontentement. Je dois être sadique, rien qu’un peu. Je ne lui adresse pas la parole, fait ma petite besogne sans vraiment trop lui accorder d’attention, mais elle me la ravit sans que je puisse y faire grand-chose. Comment ignorer une tempête quand elle passe juste à côté de vous, impossible. Je la questionne, bien que l’évidence de la scène soit palpable. Sa réaction est, sans équivoque, prévisible. Digne d’elle-même. Un brin ironique, un brin agacé. Elle soupire à nouveau. Ça me fait sourire. De l’énervée, comme ça, rien qu’avec ma présence, et avec mes propos inutiles. C’est tout à coup bien plus intéressant que la guitare que j’ai entre les mains. « Oh, mais je n’ai pas envie de me taire. On ne m’a pas obligé à le faire, contrairement à toi... » fis-je, en osant les épaules, l’air de rien. Tiens, je sens que ça ne va pas trop lui plaire, cette remarque. J’ai cru bon savoir que la belle avait mal dirigé cette interdiction de parler, la semaine dernière. Pas étonnant qu’elle en ait nominée la responsable. Une réponse disproportionnée à une conséquence minime. Mais rien qui me surprend, la concernant. « Plus tu t’enfonces dans ce fouillis – et plus tu en causes – moins grande sont les chances de retrouver que tu cherches. Mais… j’imagine que tu en es consciente. » Je n’ai rien d’intéressant à lui dire, mais elle semble appréciée mes remarques vides et superflus. Je ne vais pas me gêner.

Et elle sourit. C'est marrant mais je ne suis pas d'humeur à admirer ce sourire se peindre sur ses lèvres et s'y faire une place durable. Je suis sérieuse, je risque presque d'exploser tellement je m'enfonce dans cette espèce d'agacement doublé d'une mauvaise foi flagrante. Non, je n'ai pas envie d'être plus sympa ou d'arrêter de m'énerver pour rien. Quoique, je considère pas que mon semblant d'énervement n'a aucune raison d'être. De toute évidence, je tiens à cette photo. D'accord, j'en ai d'autres en stock mais tout de même, c'est les seules choses tangibles qui me relient à ma vie, à ma famille alors désolée d'être un peu agacée quand même. Donia me rappelle la semaine passée et cette interdiction que j'ai dû subir. Heureusement que c'est terminé, cette connerie. « Oui, et je trouve d'ailleurs ça plutôt dommage, on devrait vous interdire la parole, à tous. » Oui, à tous les crétins qui servent de candidats dans cette émission. Ah, qu'est-ce que la semaine serait bien si c'était le cas. Bon, d'accord, je me ferais sûrement un peu chier aussi. Parce que personne pour répondre à mes conneries, ça serait nul. Waouh, c'est déprimant de penser comme ça. Bref. Elle reprend la parole. Donc elle est bien décidée à me taper sur le système, en fait. D'accord. Non mais très bien, pas de soucis. « Oui, j'en ai conscience et je suis presque certaine de ne pas avoir demandé ton avis. » Étrangement, j'en suis même convaincue. Par contre, je lui ai demandé de dégager puis de la fermer, ça, j'en suis certaine. Dommage qu'elle fasse tout ce que je lui demande pas, hm. « Et si je comprends bien, tu comptes rester plantée là à commenter mes faits et gestes ? Ta vie est passionnante, dis-moi. » Je dis ça comme ça. Mais je veux dire, quitte à être là, elle pourrait bouger son cul, non ? Il y a un bordel, là, qui ne demande qu'à être rangé, je ne sais pas si elle a remarqué, hm.