Akela & Danaé

Les noms des finalistes sont enfin connus de tous. Je suis plutôt déçu de ne pas y voir ma grande copine Aliénor ou encore Celse, mais Akela est encore en compétition et c’est presque la chose la plus importante qui soit à l’heure actuelle. Je crois bien que je suis sa plus grande fan. Enfin, après Benjamin bien évidemment. Seulement le petit Benjamin il n’est pas là pour le soutenir dans cette dernière ligne droite alors c’est à moi de prendre le relais et de le faire. Je ne fais rien d’extraordinaire. Je me contente d’écrire son nom un petit peu partout, de faire de la propagande sur son twitter pour prouver que c’est lui le meilleur et ainsi inciter les gens à voter pour lui. Je passe mes journées à fabriquer une banderole géante à son nom pour le soir du prime final de cette saison. J’ai vraiment envie de le voir gagner. J’ai vraiment envie de le féliciter aussi. Je prends la peine de me lever à l’aube et de me diriger vers la cuisine pour préparer le plus grandiose de tous les petits-déjeunés. Croissants, pains aux chocolats, tartines, confitures en tout genre, petits gâteaux sec, yaourts, céréales et tout un tas de bonnes choses rien que pour lui faire plaisir. Je prépare aussi du café et du thé tout en faisant chauffer du lait et de disposer du chocolat en poudre dans un petit ramequin. Je dépose le tout sur un immense plateau et voilà que je me dirige vers la chambre de mon camarade. J’ai un petit peu de mal à charrier tout ça à l’étage, mais je fais tout doucement et après un bon petit quart d’heure voilà que je viens pousser d’un tout petit coup de hanche la porte de la chambre de mon petit finaliste chouchou. Je regarde tout autour de moi. Il semble n’y avoir personne. Tant mieux. C’est étrange que Camille ne soit pas là, mais je n’y fais pas spécialement attention. Ma surprise m’occupe bien trop l’esprit. Posant le plateau sur le lit se trouvant juste à côté de celui d’Akela, j’en profite pour allumer une lampe de chevet qui traîne dans un coin. Cela fait un tout petit peu de lumière et ce n’est pas plus mal. Il ne faudrait pas qu’Akela me mette un coup de pied ou un truc dans l’genre juste parce qu’il n’aurait pas reconnu ma petite personne. Je prends une poignée de confetti que j’ai parsemé sur le plateau pour la décoration, une petite trompette en plastique et … tout en faisant un bruit monstre voilà que je me jette sur lui pour le recouvrir de mes petits bouts de papier multicolores. « Félicitatiiiiiiiiiion !! » D’accord je dois avoir l’air stupide, mais je m’en moque. Mes bras viennent entourer son torse pour lui offrir un énorme câlin. C’est bien la seule chose qu’il mérite jusqu’à avoir son gros chèque dimanche soir. Parce que oui je suis persuadé que c’est lui qui va gagner. J’ai un petit peu peur de me faire jeter alors je me dépêche de retrouver la terre ferme pour attraper le plateau plein de gourmandise et le lui tendre en lui adressant mon plus beau sourire et un regard enfantin. « C’est pour toi. » En espérant qu’il apprécie le geste.

Rien n'était parvenu à me sortir du lit ce matin-là, ni la sonnerie de ma montre à six heures, ni la porte qui avait grincé lorsque la première personne qui dormait dans cette chambre s'était levée, ni même lorsque Camille avait lui aussi fini par sortir du lit à une heure plus que raisonnable ... Mais je ne savais même pas comment il faisait, en fait. Nous avions discuté une grande partie de la nuit, juste de tout et de rien, sans doute simplement pour essayer de profiter de notre dernière semaine au sein du nid, c'était la raison pour laquelle je me sentais si épuisé ce matin, je crois que je m'étais endormi à un moment où le jour commençait déjà doucement mais sûrement à se lever. Et pourtant ma grande gigue de partenaire était déjà debout, limite frais comme un pinson quand j'avais envie moi de dormir toute la journée. Bon, peut-être pas toute la journée, mais au moins jusqu'à neuf heures et demi. Ou plutôt dix heures, avais-je de nouveau décidé lorsque neuf heures et demi avait passé et que je ne m'étais pas senti beaucoup plus motivé. C'était dans ces moments-là que je rêvais d'avoir encore vingt piges, quand même après avoir fait la bringue jusqu'à je ne savais quelle heure - encore que cela ne m'arrivait pas souvent non plus, j'avais toujours eu une hygiène de vie assez saine, comme tout sportif qui se respectait - je pouvais me pointer comme une fleur à l'entrainement le matin et monter sur ma planche de surf comme si de rien n'était. Presque, hm. Enfin donc ouais, c'était dans mes matins comme ça que j'avais l'impression de m'être pris dix ans dans la gueule, et justement j'avais dix ans de plus, huhu. Tant et si bien que j'avais à peine réagi lorsque j'avais entendu la porte grincer de nouveau, et simplement grogné en enfouissant ma tête sous mon oreiller lorsque la lampe de chevet non loin de moi s'était allumée. Mes bras entourant l'oreiller dans lequel j'avais jusque là enfoui mon visage, j'avais ouvert un œil hésitant, juste à temps pour voir Danaé me couvrir de confettis - enfin, je crois que c'était des confettis - avant de me gratifier d'un câlin qui n'avait rien à envier à ceux que je recevais habituellement de mes neveux et nièce. « Félicitatiiiiiiiiiion !! » m'avait-elle d'ailleurs joyeusement lancé tandis qu'un sourire se dessinait sur mon visage. Sans doute que si ça avait été n'importe qui d'autre - à part Camille, c'est vrai - j'aurai balancé mon oreiller au visage de la personne en grommelant qu'on ne pouvait plus dormir tranquille, mais puisqu'il s'agissait de Danaé je m'étais contenté de la serrer dans mes bras à mon tour, et de déposer une baiser sur sa joue. J'en perdais un peu mes mots, à vrai dire, je restais là, bouchée bée. Tant et si bien que n'attendant pas après une réponse de ma part, Danaé m'avait lâché un instant pour me désigner l'immense plateau chargé à bloc qu'elle avait posé sur le matelas d'à côté « C’est pour toi. » Pour moi ? Genre, elle s'était vraiment donné tout ce mal et levé tôt (parce que ouais vu tout ce qu'il y avait sur le plateau elle avait du se lever tôt, à mon avis) juste pour me préparer le petit déj' ? Pas n'importe comment en plus, elle voyait les choses en grand quand elle faisait quelque chose, y'avait au moins à manger pour dix, là. « Pour moi ? Fallait pas te donner tant de mal ... » avais-je en tout cas fini par répondre tout en regardant tout de même le plateau avec envie. C'est vrai que j'avais un petit creux, à cette heure-ci habituellement j'avais déjà déjeuné depuis bien longtemps. « Mais merci, t'es vraiment adorable. Mais j'espère que tu as faim. Très faim, en fait, parce que y'a pas moyen que j'avale tout ça sans un peu d'aide, hm. » D'ailleurs, je n'avais pas tardé à trouver le chemin de la théière et à m'en servir une tasse, avant de demander d'un signe de tête à Danaé si elle en voulait ou si elle préférait autre chose. Je savais que c'était pas la tasse de thé de tout le monde, le thé justement, ahah. Mais pour ma part j'en buvais beaucoup, sans doute un peu trop en fait, mais j'en avais pratiquement autant besoin le matin qu'une voiture avait besoin d'aller à la pompe à essence quand son réservoir était à sec. Attrapant ensuite machinalement un kiwi, je m'étais de nouveau assis sur mon lit en faisant attention à ne pas renverser ma tasse, et tapotant du plat de la main sur le vide à côté de moi j'avais fait signe à la jeune femme de venir s'asseoir à côté de moi. « Ça va sans doute être un peu égoïste de ma part, parce que je sais que y'a plein de choses qui t'attendent dehors, mais je suis vraiment content que tu sois encore là cette semaine. » avais-je alors avoué tout en penchant légèrement la tête sur le côté. D'autant plus que j'étais celui qui la semaine passée avouait à Camille exactement à cette même place sur le lit que si je ne me qualifiais pas pour la finale je ne comptais pas rester cette semaine et prendre le temps de faire l'aller-retour jusque chez moi, ou au moins de supplier Ben je sauter dans un avion pour me rejoindre à Paris. Alors je me doutais de ce que ça devait représenter pour Danaé d'être là cette semaine, quand que son fils l'attendait à l'extérieur.

Bien sûr j’aurais pu être un petit peu plus douce avec Akela en le réveillant, mais je suis tellement contente qu’il soit en finale que je ne peux pas contenir ma joie plus longtemps lorsque je me trouve à ses côtés et voilà que je lui saute dessus tout en le couvrant de confettis de toutes les couleurs. Il mérite bien ça mon petit chouchou finaliste. Je lui offre même un énorme câlin avant de me reculer pour attraper le plateau plein à craquer de bonnes choses et le lui tendre. Je dois avouer que j’ai un petit peu peur qu’il m’en veuille pour cette fanfare de si bon matin. Je lui adresse mon plus beau sourire enfantin en espérant l’attendrir. « Pour moi ? Fallait pas te donner tant de mal ... » J’aime bien faire plaisir aux gens que j’apprécie alors c’est tout à fait normal que je me décarcasse un petit peu pour un garçon que je soutien. Mon sourire s’intensifie. « Mais merci, t'es vraiment adorable. Mais j'espère que tu as faim. Très faim, en fait, parce que y'a pas moyen que j'avale tout ça sans un peu d'aide, hm. » Akela s’emparait de la théière pour se servir une tasse de thé. Je l’observe un instant en le couvant du regard avant de passer une main sur mon petit ventre tout plat. « Je crois bien que si on termine le plateau à tous les deux je vais pouvoir dire adieu à ma silhouette de rêve. » que je rétorque en souriant d’un petit air amusé. Il attrape un kiwi comme s’il avait envie de me prouver que je peux manger tout un tas de choses se trouvant sur le plateau sans craindre de prendre un gramme. Il s’assoit et tente de ne rien renverser en tapotant la place vide à ses côtés. Je ne me fais pas prier bien longtemps et viens m’installer à ses côtés. En tailleur. J’attrape une clémentine et commence à le peler, laissant apparaitre une agréable odeur d’agrume dans la pièce. « Ça va sans doute être un peu égoïste de ma part, parce que je sais que y'a plein de choses qui t'attendent dehors, mais je suis vraiment content que tu sois encore là cette semaine. » Un sourire vient à nouveau s’installer sur mes lèvres. Je baisse la tête très brièvement. « J’ai songé à retourner chez moi pour cette dernière semaine, mais finalement je me suis décidé à rester. Il ne reste plus que quelques jours d’aventure et que je sois en compétition ou non cela me permet de profiter du château et de certaines personnes jusqu’au bout. » J’ai encore un sourire sur les lèvres lorsque je viens ajouter : « En plus tu es en finale alors je me devais d’être là pour te soutenir. » D’accord il a le soutien de tout un tas de personnes, mais j’ose espérer que le mien lui fasse plaisir. Après tout je pense qu’il m’aime bien le petit Akela. « Même si au départ j’ai voulu rester pour une seule et unique personne. » que je dis presque dans un murmure. Oui je suis bel et bien en train de parler de la semaine dernière et de Zoran. Zoran qui a fait une apparition express. Je pousse un soupir et fourre un morceau de clémentine dans ma bouche.

C'était un bon plan en fin de compte, de m'appâter avec un petit déjeuner, puisque s'il y avait bien un repas que je ne sautais jamais dans la journée c'était celui-là. Je pouvais aisément me passer de repas le midi, ou ne pas avoir spécialement faim le soir, mais j'avais absolument besoin d'un petit déjeuner pour réussir à démarrer une journée, sans quoi j'avais l'impression d'être un vieil diesel qui peinait à se mettre en route. Peu importe que je me lève chaque jour à une heure que certains qualifieraient encore de nuit et non pas de matin, le rituel était toujours le même : je me réveillais généralement deux ou trois minutes avant que ma montre ne sonne, sans avoir besoin de me forcer, ce qui me permettait de ne pas réveiller Ben pour rien. Puis j'enfilais un tee-shirt et un short de sport, j'embarquais mon iPod et mon portefeuille et je courrais sur les onze kilomètres qui séparaient la maison du bar sur Keeaumoku Street, où tout en faisant les comptes ou en rangeant la réserve mon vieux loup de mer de boss m'attendait avec un mug de thé à la menthe et des malasadas. Il avait compris le truc, aussi, il savait parfaitement que je ne pouvais dire non à rien une fois qu'on me filait des malasadas, ça rendait terriblement accro ces cochonneries. Des malasadas ou des fruits, voilà à quoi tenait mon intégrité, en gros. Et d'ailleurs c'était sur un fruit que je m'étais jeté en premier parmi toutes les choses qu'avait ramené Danaé ; J'espérais bien qu'elle allait se servir aussi, d'ailleurs, parce que si j'engloutissais tout ça il était certain que je ne réussirais jamais à quitter ce lit ensuite. Danaé devrait me faire rouler jusqu'à la salle de bain si je devrais prendre une douche, huhu. « Je crois bien que si on termine le plateau à tous les deux je vais pouvoir dire adieu à ma silhouette de rêve. » J'avais levé les yeux au ciel d'un air faussement blasé, pour bien lui signifier à quel point j'estimais qu'elle racontais n'importe quoi. Bon certes, faudrait pas que ce genre de déjeuner de seigneur se renouvelle trop souvent, mais une fois de temps en temps ça faisait du bien de se faire plaisir aussi ... « Qu'est-ce que tu crois, cet après-midi je te traîne avec moi pour un footing en forêt, histoire d'éliminer un peu tout ça. » Voilà, maintenant qu'elle n'avait plus aucune raison de ne pas se servir elle aussi. Et puis elle ne m'avait quand même pas préparé un petit déjeuner pour me refuser ensuite de le partager avec moi, si ? Non, y'avait pas moyen. En tout cas j'étais content qu'elle soit là, tant que je les avais elle et Camille je ne pouvais que passer une bonne semaine en définitive, et mes derniers souvenirs de l'aventure seraient forcément agréables. « J’ai songé à retourner chez moi pour cette dernière semaine, mais finalement je me suis décidé à rester. Il ne reste plus que quelques jours d’aventure et que je sois en compétition ou non cela me permet de profiter du château et de certaines personnes jusqu’au bout. » Moi je ne serais pas resté, même si je savais que ça avait un côté égoïste. Si j'avais été éliminé dimanche soir j'aurais quitté le nid, non sans un pincement au coeur sans aucun doute mais je serais parti, et j'aurai pris le premier vol pour San Francisco puis Honolulu ; Et je serais revenu le dimanche suivant, hors de question de louper une finale à laquelle j'étais persuadé de voir Camille participer. Même pour supporter Henley, je pense que je serais revenu, en fin de compte. Mais maintenant que j'étais là cette semaine, je me disais que j'aurai peut-être regretté dans un certain sens ... Enfin non, j'aurai certainement pas regretté de retrouver Ben avec une semaine d'avance, et mes soeurs, mon chien, mon lit, ma planche de surf, breeef ; Mais je pense que j'aurai regretté de ne pas avoir profité de l'aventure jusqu'au dernier moment, d'avoir gâché l'occasion de vivre ce qui serait de toute façon les derniers jours. « En plus tu es en finale alors je me devais d’être là pour te soutenir. » Et j'étais le premier surpris d'être là, qu'on se le dise, surtout en sachant que Celse avait été éliminé, lui. J'avais toujours un peu de mal à concevoir comment c'était possible en fin de compte ... Enfin bon, c'était pas le sujet. J'étais en tout cas touché par les paroles de Danaé, et souriant j'avais déposé un baiser sur sa joue, oubliant momentanément que j'avais sérieusement besoin d'un coup de rasoir parce que je devais commencer à piquer un peu, huhu. Puis buvant une gorgée de mon thé, j'avais soupiré légèrement avant de répondre « C'est sûr que quand chacun sera rentré chez soi, ça sera pas aussi facile de profiter ... » Surtout que j'habitais pas la porte à côté, quoi. On faisait pas douze mille kilomètres comme on en faisait quatre cent, d'autant plus que j'avais la très légère impression que Ben allait me séquestrer à Hawaii pour les deux prochains millénaires, pour compenser d'être parti aussi longtemps. Probablement que Leilani l'aiderait, et fallait voir de quoi ils étaient capables quand ils se léguaient tous les deux contre moi. « Même si au départ j’ai voulu rester pour une seule et unique personne. » m'avait en tout cas finalement avoué à voix basse. Et je n'étais pas étonné, tout comme je n'avais pas besoin qu'elle me précise de qui elle était en train de parler pour le savoir. J'avais jamais trop été un fan de Zoran pour ma part, mais je suppose que c'était parce que je vieillissais, j'avais de moins en moins de patience avec les jeunes qui se croyaient encore au dessus de toute nécessité à être sérieux ou responsable. Je crois que j'avais oublié un peu trop rapidement comment je pouvais être, à vingt ans ; J'avais oublié un peu vite aussi que j'avais pu me conduire comme un petit con, parfois, inutile de se mentir. Et pas uniquement vis à vis de David. « Et tu as, enfin, vous prévoyez de vous revoir, dehors ? » Je demandais ça par simple curiosité, en fait. Parce que de base je vais pas mentir, j'en avais pas grand chose à faire de ce que deviendrais Zoran après Fake Lover, pas parce que j'étais du genre à me foutre totalement des autres mais parce qu'il ne faisait simplement pas partie des candidats avec qui j'avais accroché durant mon aventure ; Mais je me souciais de Danaé en revanche, ce qu'elle ferait, elle, ça m'intéressait en revanche. Et puis, du moment qu'elle trouvait matière à être heureuse ça m'allait moi, c'était un peu le principal de ce qu'on pouvait espérer pour les gens auxquels on avait fini par s'attacher.