“ waiting to the fire to enlight,
feeling like we could do right ”

w/medhi

C'était comme qui dirait le moment fatidique, ou tout du moins celui où les choses sérieuses ne tarderaient pas à commencer. Voilà ce que se répétait Jorah depuis déjà de longues minutes, lui qui attendait à ce moment-là de passer devant le jury et qui ne savait pas s'il était censé le vivre comme une situation de stress ultime ou d'une façon bien plus détendue. Le fait est que généralement, son sang-froid lui évitait de se laisser bouffer par l'angoisse, ainsi il était plus probable qu'il fasse passer le temps en comptant les carreaux du sol plutôt qu'en se rongeant les ongles jusqu'au sang. Mais ce qui était encore plus probable, c'est qu'il se trouve quelqu'un avec qui papoter en attendant d'être appelé. Ce serait bien mal le connaître que de penser qu'il resterait sagement dans son coin alors qu'il avait l'occasion de faire connaissance avec quelqu'un qui était logiquement venu pour la même raison que lui. C'est ainsi qu'il se retrouva à hésiter entre son voisin de gauche et sa voisine de droite, pour laquelle il pencha bien vite, pour la simple et très bonne raison que le premier avait apparemment un peu trop forcé sur les relaxants vu qu'il improvisait une petite sieste. Et pas question de l'interrompre. Il tourna alors légèrement la tête vers la jeune femme et chercha un moyen d'amorcer la conversation. Pas simple, quand on sait que trois-cent quatre-vingt quinze mille âneries lui traversaient l'esprit à la minute. « Quel est le meilleur conseil qu'on t'ait donné pour réussir l'entretien? » qu'il tenta alors, jetant quelques coups d’œil autour d'eux histoire d'être sûr qu'un type armé d'une matraque ne surgirait pas pour lui faire passer l'envie de l'ouvrir. « En ce qui me concerne, je sais pas si on peut vraiment dire que c'était un conseil, mais … mon beau père, lorsqu'il a appris que je tentais ma chance, m'a dit 'Jorah, ce qu'il y a de bien avec toi, c'est que t'as généralement pas l'air d'avoir inventé le bidon de deux litres, alors restes comme tu es et tu ne pourras qu'agréablement les surprendre.' » C'avait beau être un peu vache, ça restait un assez bon conseil ...

Je regrettais amèrement de ne pas avoir apporté avec moi un bouquin ou quelconque revue de mode pour passer le temps. Parce qu’il s’étirait en longueur depuis que j’avais posé mes fesses sur ce siège qui devenait plus inconfortable de minute en minute. Je soupirais et sortait mon portable de la poste de mon veston de cuir. Pas de nouveaux messages. Je passais ma liste de contacts avant d’en sélectionner un et de commencer à écrire de mes doigts agiles quelques mots sur le clavier de mon iPhone. J’avais eu vent que ma demi-sœur était de passage en ville, et maintenant que j’y pensais, nous n’avions toujours pas convenu d’une date pour notre séance annuelle de papotage entre sœurs. En même temps, c’était peut-être la seule fois de l’année que je la voyais, aussi. Je venais tout juste d’appuyer sur envoyé quand l’homme à mes côtés y alla d’une question totalement aléatoire. Mon regard de biais se vrilla vers lui, mes sourcils s’arquant de scepticisme.  Je l’écoutais tout de même me livrer sa confidence. « Cet homme est un chic type, du tout évidence… » ne puis-je m’empêcher de le lui faire remarquer, avec un certain brin de sarcasme et d’ironie. Du côté des conseils, on avait vu mieux. « J’agis comme il me plait et je n’ai besoin de suivre les conseils de personnes. Alors même si mon entourage m’en donnerait, ce n’est que des balivernes tout ça. Suffit d’avoir un peu confiance en soi, et ça se fait tout seul. » Il n’y avait pas de formule magique pour réussir cet entretien. Être soi-même, c’était la clé du succès, dans mon cas. « De toute façon, ils ignorent tous que je suis ici. » Sauf lui. Évidemment.

Le conseil de son beau-père, lorsqu'on y réfléchissait un instant, était plutôt judicieux. Outre son incapacité à sortir la moindre phrase sans trouver le moyen de placer un commentaire assez désobligeant, il avait quand même raison sur un point : mieux valait rester soi-même. Disons que c'était ce que Jorah avait préféré retenir du fameux conseil, parce qu'il savait depuis le temps qu'il n'avait pas hérité du beau-père le plus diplomate qui soit et qu'il avait décidé dès le départ de ne pas lui tenir trop rigueur de son manque de finesse. Difficile néanmoins de donner tort à sa voisine lorsque celle-ci fit un commentaire plein de sarcasme, parce qu'il pouvait comprendre qu'à entendre ce genre de choses, d'autres personnes que lui se fassent une opinion plus catégorique de l'auteur du conseil. « Le tact, ça n'a jamais été son truc » qu'il se contenta de répondre, dans un vague haussement d'épaules et en prêtant beaucoup d'attention à ce que la jeune femme lui révéla. Apparemment, elle estimait ne pas avoir besoin des conseils des autres pour s'en sortir, et il est vrai qu'il trouvait honorable qu'elle n'ait besoin de personne pour réussir dans ce qu'elle entreprenait. « C'est bien de savoir ce qu'on veut, mais je suis certain que si tes proches te donnaient des conseils, ce serait parce qu'ils voudraient ton bien, et rien d'autre. » Enfin, il ne voulait pas non plus se mêler de sa vie, simplement il serait dommage que cette jeune femme se ferme catégoriquement aux conseils de ceux qui pourraient simplement vouloir l'aider. Bon, certes, elle n'avait pas l'air d'en avoir besoin, mais qui sait si ce serait toujours le cas. « Tu n'as parlé de ces castings à personne de ton entourage ? » Question bête, vu que c'était exactement ce qu'elle venait de dire. « J'envie ton indépendance. J'ai du appeler ma mère quinze fois depuis ma descente de l'avion ... à tes yeux, c'est surement quinze fois de trop. » Puisqu'elle semblait dire qu'elle vivait tout aussi bien sans communiquer étroitement avec ses proches. « Au fait, je suis Jorah. Et si tu préfères que j'aille embêter quelqu'un d'autre, dis-le moi, je me rends pas toujours compte que les gens ont pas nécessairement la même envie de parler que moi. » Oui, qui sait si elle ne le maudissait pas d'avoir engagé la conversation.