GRAYSON


Le soleil réchauffant ma peau diaphane, les mains dans les poches, mes pieds foulaient le sable sans trop de conviction. Il fallait juste que je me trouve une activité pour éviter de mourir d'ennui. Mes prunelles glaciales ballaient l'horizon lorsque ... Je vois Grayson échoué sur une plage, position dès plus délicate. Je me dessape lentement pour finir en bikini, assez lentement pour me rendre compte de son regard traînant sur mon corps. Normal. Sourire presque mauvais affiché sur mon minois, je m'approche de lui, et m'accroupis à sa hauteur. Je déplace ma chevelure sur un côté avec un sourire faussement charmant.  Je pose une main sous l'une de ses épaule et je la soulève à peine, provoquant un léger déséquilibre chez le jeune homme qui bascule à peine du côté opposé, de mon autre main, je tire d'un coup sec sa serviette. Une fois son bien en ma possession, je m'écarte d'un mètre avant de m'étaler sur le ventre, sur sa serviette. « Merci » je ronronne, l'air totalement satisfaite. Comme quoi, il me sert bien le Grayson sachant que j'ai toujours détester salir mes propres affaires. « Pour éviter que nous perdions notre temps en présentations inutiles et fastidieuses, je te propose que tu me fasses un topo sur ta petite personne en moins d'une minute » je commence alors en m'appuyant sur mes coudes. Parce que je sens d'avance les questions inutiles que je vais subir pendant une semaine et plus, alors je devance. Je prévois, j'anticipe pour ne jamais m'ennuyée. « Ensuite, je ferais semblant de m’intéresser à ta vie pendant une poignée de seconde, mais en vrai, je ne te cache pas qu'elle me semblera surement insipide » je continue alors parce que je sens que je suis sûre une bonne lancée. Oui, la vie des autres ne me passionnent pas des masses en général. « Et comme ça, on avancera » je balance finalement. CQFD. Je tourne ma tête dans sa direction.

Il y a une plage, du soleil et Grayson a du temps à perdre. À partir de là, ce n'est pas difficile de deviner qu'il va passer un peu de temps à lézarder. C'est une activité qui n'est peut-être pas la plus passionnante de toutes mais eh, quitte à être ici, autant qu'il en profite pour prendre quelques couleurs. Quoique ça risque surtout de se présenter sous la forme d'un bon coup de soleil, ce dont il se fout pas mal, autant ne pas se le cacher. Alors les lunettes de soleil sur le nez, il se contente d'être allongé, dans le silence ambiant et le soleil chauffant sa peau. Ça a vraiment des airs de vacances, n'est-ce pas. Agréable. Encore plus quand une charmante demoiselle rend le paysage d'autant plus plaisant en se pavanant en bikini. Oh, il sent qu'il va l'apprécier, elle. Non, pas parce qu'elle lui laisse la possibilité de caresser des yeux sa plastique. Uniquement par ce sourire posé sur ses lèvres. Bien. Elle semble d'humeur à lui piquer sa serviette alors il se laisse faire, docile.  « Mais je t'en prie, tout le plaisir est pour moi. Tu me dis si tu as besoin de crème solaire aussi, j'ai les mains parfaites pour ça. » qu'il suggère alors, sur un ton narquois. Bref. Elle veut connaître sa vie. En quelque sorte. Une minute pour se présenter. Tout en sachant que ça va probablement la faire chier, de toute façon. Au moins, c'est clair. « Tu me places déjà dans la catégorie des insipides sans même me laisser une chance, t'es un peu dure. » Un peu, oui, hm. Surtout que Grayson ne trouve pas sa vie si vide d'intérêt. Loin de là. Mais bon hein. « Je te fais gagner une minute de ta vie en t'épargnant les détails de la mienne alors. On avancera plus vite comme ça. » Hm, oui, puisqu'elle n'aura pas besoin de feindre le plus grand intérêt du monde pour sa vie, c'est tout aussi bien.

Je lui emprunte sa serviette pour une durée indéterminée, il ne proteste pas plus que cela. J'aborde sa vie comme sujet, tout en étant claire, je n'ai jamais aimé mentir. Ce n'est pas lui que je classe dans les insipides, mais simplement sa vie, l'un n’entraîne pas l'autre. Je suis dure, oui, à l'égale de la vie. « J'ai dis surement, il y a une nuance mon cher Grayson » je soulève alors en plantant mes prunelles dans les siennes, un sourire insolent illuminant mon visage, pour une fois. M'enfin, je ne vais pas m'en plaindre, ni le supplier pour avoir une petite minute sur sa vie. Je me contenterais de son prénom, au moins, comme je ne sais rien, je n'ai aucun préjugé sur son métier, ou des conneries comme cela. « Néanmoins, je te remercie de m'épargner cela » je souffle alors avec un sourire moqueur avant de m'allonger complètement sur le sol, je croise mes bras et je pose ma tête tournée dans sa direction. Au moins il a compris que je ne faisais pas dans les faux semblants comme les trois quarts des autres candidats. Mon temps est précieux. Je sens les rayons du soleil réchauffer mon dos, je me pose confortablement. « Je te le revaudrais » je lui dis, je lui accorderais une minute de plus de mon temps, un autre jour. « Maintenant, je t'autorise à me masser en me mettant de la crème solaire » je laisse échapper, railleuse, bah oui, qui ne tente rien n'a rien. Qu'on se le dise, je n'ai pas besoin de lui pour me mettre de la crème solaire mais ne pas être obligée de gesticuler pour le faire est assez plaisant. En tout cas je ne compte pas me laisser grillée tranquillement, sans rien faire, j'ai la peau fragile. Et puis, c'est lui qui s'était proposé à la base, ce n'est simplement pas tombé dans l'oreille d'un sourd. Je trouve toujours mon intérêt, peu importe la situation.

Une nuance, une nuance. Très bien, il y a une nuance. Mais autant dire que ce n'est pas ce qui a le plus attiré l'attention de Grayson. On peut même dire que sa nuance lui a carrément passé au-dessus.  « Ta nuance ne semblait pas être l'élément le plus important de ta phrase. » Ouais, ce qui était surtout marquant, ce n'était pas la nuance, mais bien tout le reste. Mais vous savez, il va s'en remettre. Elle peut bien penser sa vie insipide si elle le souhaite, lui, il s'en fout. Elle le remercie de l'épargner. Oui, c'est un type bien, Grayson. Du moins, on peut vous le faire croire, là, maintenant. La situation s'y prête bien, n'est-ce pas. Oh et mieux encore, elle ne se contente pas de le remercier, elle dit même qu'elle lui revaudra ça. Vraiment ? C'était pas le but de la manœuvre, c'était même une action profondément désintéressée mais d'accord, il prend note. « C'est très généreux de ta part, dis-moi. » raille-t-il, puisque le ton semble bien convenir à la conversation. Par la suite, Krisjana ajoute quelques paroles, l'autorisant à la masser. Avec de la crème solaire, bien sûr. Elle l'autorise. D'accord. « Je suis ravi d'avoir ta permission, tu sais, ça me fait chaud au cœur. » dit-elle en s'allongeant un peu plus confortablement sur le sable. Oh, il se doute bien que cette autorisation rime plus avec un ordre ou une quelconque proposition mais après tout, c'est tout aussi amusant de ne pas lui céder directement. « Oh, remarque, c'était peut-être une façon subtile pour réclamer un massage ? » Mais bien sûr, autant faire l'innocent, celui qui ne comprend pas, ça lui va tellement bien. « J'aime bien faire les choses quand elles sont aussi dans mon intérêt. Un massage pour toi devrait être égal à quelque chose pour moi. Question d'équité, tu vois. »  Il esquisse un sourire badin vers elle. Et puis, l'équité, ça semble important. Surtout pour les femmes, on les entend constamment rabâcher ce mot, après tout.

Il ravit de ma permission, mais je t'en prie, tout le plaisir est pour moi. « Oui, je suis comme ça, grand seigneur » je réponds simplement avant de virer une mèche qui barre mon minois.  « Si tu pouvais agir au lieu de gaspiller ta salive, ça serait pas mal aussi » je lui conseille, comme cela, l'air de rien, presque innocente. Mes mains s'enfoncent dans le sable froid, j'écoule les grains de sable entre mes doigts en relevant mes mains. Trop de parole, et jamais d'acte. Si j'attrape un coup de soleil, je le tiendrais comme unique responsable. Grayson se rebelle, tu vas voir que je vais rapidement étouffer ses instincts de justice et d'équité dans l'oeuf, cela ne va pas durer et en plus, cela ne lui va pas. Il veut quelque chose en échange. Oui, compte la dessus et bois de l'eau. Et puis quoi encore ? « La gratuité des actes commence vraiment à disparaître dans notre monde » je dis d'une voix presque attristée en penchant la tête sur le côté, je me trouve très convaincante. Mais où va notre société ? Je me le demande. Donc parlons de son avantage, de cette connerie. « Ma présence ne te suffit-elle pas ? » je balance avec un sourire mesquin en me désignant d'une main. Vous savez, il y en a qui se batte pour moins que cela, un simple regard. Je crois qu'il ne se rend pas compte de la chance qu'il a, pauvre garçon. « Trouve un truc raisonnable » je lance en haussant les épaules, raisonnable, je dis, parce que son petit copain, là, Silas, voulait passer une nuit en ma présente, donc les choses réalisables, ce n'est pas monnaie courante apparemment.

Agir, agir... Mais c'est qu'elle est impatiente, en plus d'être exigeante. Dommage pour elle, cela ne va pas faire agir Grayson plus rapidement, ah que non. Il ne joue que selon ses propres règles. Il ne fait les choses que selon ses petites envies. Égoïste, oui, en effet, il l'est et il n'a pas peur de le dire. Et n'a aucune honte à l'idée de se faire passer en premier et d'agir selon ce qu'il veut, lui. Il ne lui répond rien, il se contente d'esquisser un sourire narquois. Il ne compte pas se dépêcher, non. Il fait les choses selon la façon dont il a envie de les faire, voilà tout. Et en l’occurrence, pour lui offrir ce qu'elle veut, donc un peu de crème solaire sur la peau, elle va devoir payer un peu aussi. Ça lui paraît juste et équitable. De bien grands mots pour un désir purement égoïste. Oui, faire quelque chose dans son propre petit intérêt lui semble important. Elle commence d'abord par regretter la pente que notre société emprunte. Eh oui, c'est triste. Les actes désintéressés n'existent plus, quelle tristesse. « Je sais, je ne cesse de le dire, c'est vraiment moche. » qu'il déplore, faussement sérieux. Non, en fait, il en a rien à faire, c'est clair. Soit. Sa présence n'est pas désagréable, mais en effet, elle n'est pas suffisante. Ah, c'est qu'il exigeant, lui aussi. « Certains se contentent de ta simple présence ? Les fous. » C'est vrai, s'ils peuvent en avoir plus, pourquoi s'en priver. En tout cas, Grayson pense qu'il se débrouille pas trop mal, puisqu'elle cède, n'émettant qu'une seule restriction. Quelque chose de raisonnable ? D'accord. Il dirait bien qu'il est toujours raisonnable mais ça serait mentir, hm. « Ca veut dire que je peux oublier mes cinq premières idées, ça, d'accord. » Non, ce n'est pas vrai, il n'a pas vraiment d'idées qui vont au-delà du raisonnable. « Ça va te sembler profondément chiant et loin d'être original mais tu pourrais tout simplement me parler de toi. Je suis sympa, je suis prêt à te laisser plus d'une minute. » Ouais, il n'en demande pas plus. C'est quelqu'un de curieux, Grayson. Il est curieux avant tout.

Il se dit désolé, tu parles, c'est comme si je me rendais dans un enterrement avec un sourire aux lèvres en délivrant mes condoléances, aussi flagrant, aucune crédibilité. « L'ambition se perd aussi, il faut croire » je lâche en haussant les épaules sachant pertinemment que lorsque Grayson poussera un peu trop sa chance, je m'en irais avec sa serviette, le laissant faire la discussion avec les nombreux grains de sables qui peuplent la plage.  J'attends sa proposition.  Cinq idées, mais bien sûr, j'esquisse un sourire moqueur. « Fais partager » je lui demande donc. Hm. Je le jauge un instant, et je finis par pousser un très long soupir. « Effectivement, c'est profondément chiant » je confirme, sans filtre. « Mais soit » je dis, comme je vous le disais, l'ambition n'existe plus chez l'homme. Elle a disparu. Néanmoins, on est d'accord sur ce point là, c'est déjà cela. Je dois lui parler de moi. « Je suis franco-norvégienne, et j'étudie à Polytechnique, à Paris, maintenant » je lâche d'une voix plate. Il faut croire que même ma propre vie a du mal à me passionner parfois.  « C'est tout ce qui pourrait t’intéresser » je lui dis en me tournant légèrement vers lui.  « Tu n'as qu'à poser des questions, je ne vais pas te mâcher le travail » je lui balance de ma voix claire.  Tous les même des feignants, et curieux, enfin, trop parfois. « Tu peux même le faire en me massant en même temps, la vie est tellement bien faite » j'ajoute, l'air de rien, en me redressant un peu sur mes coudes, d'un doigt impérieux, je lui désigne sa crème solaire, il est hors de question que je me fasse avoir dans ce deal, là.

Et l'ambition qui se perd aussi... ah non mais c'est terrible. Il est bien d'accord, là encore. Ralala, que devient donc ce monde. Oui, en fait, il s'en fout pas mal, c'est vrai. Que voulez-vous, on ne se refait pas. Là, il ne dit rien, il se contente d'esquisser un sourire. Bref. Elle veut qu'il lui trouve un truc raisonnable.Ce n'est pas le problème, puisqu'il a trouvé. Le truc, c'est surtout qu'il a prétendu avoir cinq idées loin d'être raisonnables et bien entendu, elle veut les entendre, ces quelques idées. « Non, tu préfères le raisonnable alors tu n'entendras que les idées raisonnables. »  Mais bien sûr, oui. C'est une excuse comme une autre, après tout. Peut-être pas la meilleure de toutes mais qu'importe. Il finit par proposer une idée raisonnable. Tout simplement qu'elle parle d'elle. Eh bien, oui. Ce n'est pas parce que Krisjana est ennuyée d'avance d'en apprendre plus sur Grayson que l'inverse est réciproque. Au fond, il aime bien en apprendre plus sur les autres. Même s'ils manquent cruellement d'intérêt parfois. Donc c'est peut-être chiant comme idée, mais c'est ainsi. Elle lui révèle quelques informations qui, au fond, n'ont pas tellement d'importance. Elle pense sincèrement que c'est tout ce qui l'intéresse ? Hm, oui, non, elle est à côté de la plaque. Cela dit, il n'y a aucun souci, il va lui poser des questions, ça sera sûrement plus simple. « Hm, ça, oui, c'est une bonne idée. Je suis presque certain que le plus intéressant, tu ne le dirais pas spontanément. » Du moins, le plus intéressant pour lui. C'est souvent comme ça. Et en effet, il peut poser des questions tout en la massant. Ça ne devrait même pas être très compliqué. Un sourire attaché aux lèvres, il acquiesce, tout en se redressant et s'emparant de la crème solaire. Il s'approche d'elle, se pose à côté d'elle avant de lui étaler – lentement et avec une certaine délicatesse tout de même – la crème solaire sur la peau. « Pardonne-moi le manque évident d'originalité de ma question, mais, hm, je me demande pourquoi tu participes à ce jeu. » C'est une première question intéressante malgré tout, quoi qu'on en dise.

Grayson ne compte pas partager, je mise surtout sur le fait qu'il n'a rien à dire en fait, tout simplement, mais je n'insiste pas. Il finit par accepter de cibler sa recherche en s'occupant lui même des questions. Il vient enfin me masser, et bien il est vraiment dur en négociation le gars, mais au moins j'ai eu ce que je recherchais au final. Donc le monde peut continuer de tourner, tout va bien les gars ! Première question de sa part. Apparemment il voudrait savoir pourquoi je suis ici. « La sex tape, bien évidemment » je balance de ma voix rauque, levant les yeux au ciel. Bah quoi ? Cela pourrait être une raison suffisante et puis je suis sûre qu'il doit y avoir quelques quetards parmi les candidats, il y en a toujours, il faut respecter les quotas, tout de même. « Pourquoi ? Il faudrait que je sois comment pour que ma présence soit légitime ici ?  » je lui demande, apparemment je n'ai pas la tête de l'emploi. Je suis peut-être moins conne que les autres, j'en suis presque sûre, mis à part cela, bah je me fonds bien dans la masse non ? « Disons que la rapidité à laquelle se font les liens humains et la capacité des autres à faire semblant m'ont toujours fasciné, alors, je viens ici pour étudier» je balance avec un sourire narquois. Etudier, non pas apprendre, il y a aussi une nuance dans tout cela. C'est vrai, le social, ça m'a toujours dépassé, je crois que je ne suis pas faite pour cela. « Appuie plus » j'ordonne en modulant le tout d'une voix plus douce, cela risque mieux de passer. Donc, j'attends sa prochaine question, je repose ma tête, une joue dans la serviette et j'observe la grande étendue de sable.