infinite white
ft. Danica & Maxence

Le prime terminé et le plateau déserté j'avais décidé d'aller prendre l'air. Je n'avais pas sommeil, sans doute n'étais-je pas le seul ... Je ne savais pas, le fait était en tout cas qu'une fois posé sur un des transats autour de la piscine je n'avais plus croisé personne. Mais pour l'heure c'était précisément ce que je cherchais, un peu de calme et de solitude ; De quoi réfléchir. J'avais pris conscience de quelque chose en déballant mon secret à voix haute, quelque chose qui pouvait sembler couler de source mais qui pourtant ne m'avais sauté aux yeux que lors du prime. Depuis six ans je vivais en maudissant ce que j'avais fini par appeler une malédiction, celle qui m'avait empêché de faire tout ce que j'aurais pu faire pour garder Aurore, celle qui m'avait voué depuis à ne m'autoriser que des histoires sans lendemains parce qu'il n'y avait rien de plus simple que la fuite en avant, celle encore qui m'empêchait de trouver la stabilité dont j'avais finalement besoin, contre toute attente. Et maintenant seulement je réalisais que c'était eux qui avaient raison, mon père, Franky, quand ils disaient que le souci ce n'était pas la malédiction, c'était moi. Il ne tenait qu'à moi d'avancer, de tourner la page, de "faire le deuil" d'un souvenir qui ne pourrait pas me suffire indéfiniment, de passer à autre chose. Et peut-être que c'était vrai, que j'avais simplement moins de volonté que je le pensais ... Peut-être que c'était une raison supplémentaire au fait qu'Aurore et moi nous étions séparés. J'avais allumé une cigarette, ramenant mes jambes contre moi et rentrant ma tête dans mes épaules ; Il ne faisait pas froid, mais il y avait un peu de vent. A moins que ce ne soit pas ça qui me donnait la chair de poule. Une cigarette, puis une autre, et encore une autre, et finalement quand j'avais fini par m'assoupir pratiquement aux aurores j'avais englouti pratiquement l'intégralité de mon paquet. Si je ne savais pas encore précisément quelles seraient mes résolutions en sortant d'ici, j'essayais de me dire que j'allais arrêter de fumer. Pour de bon cette fois-ci. D'ailleurs j'avais l'impression d'avoir la gorge en feu lorsque je m'étais réveillé quelques temps plus tard ; On ne pouvait pas vraiment dire que j'avais "dormi", disons que je m'étais assoupi une heure ou deux, mais voilà. Me redressant, étirant mes muscles endoloris par le peu de confort qu'offraient les transats en terme de sommeil réparateur, j'avais fini par me lever pour attraper les escaliers de secours et remonter jusqu'au dressing pour enfiler un sweat. Bâillant, j'avais décidé que cela ne valait pas le coup d'aller se coucher maintenant, et au lieu de ça j'étais redescendu à la cuisine pour me faire du café, que j'avais embarqué dans un thermos pour gagner le jardin. J'avais l'impression d'étouffer à l'intérieur, j'avais besoin d'air ... Visiblement je n'étais pas le seul. Là-bas sur le trampoline, quelqu'un semblait avoir fais son nid, si ce n'est pour la nuit qui venait de s'écouler au moins pour la matinée qui se profilait. Et ce n'est qu'après plusieurs secondes et mètres parcourus que j'avais reconnu Danica, malgré le sweat à capuche qui lui cachait une partie du visage. « Réveil matinal, ou bien tu attends encore le marchand de sable ? » avais-je demandé à la fois par curiosité et pour annoncer ma présence. Je n'étais pas repassé par la chambre après le prime alors je ne savais pas trop si elle était montée se coucher et avait été réveillé aux aurores, ou bien si elle avait comme moi passé la nuit dehors. Arrivant au bord du trampoline j'avais posé mes avant-bras sur le bord « Je peux ? » Peut-être qu'elle préférait être toute seule, je ne savais pas. Je ne voulais m'imposer si elle n'en avait pas envie, en tout cas. J'avais un peu de mal à la jauger, à savoir ce qui avait pu prendre le dessus au cours de ces dernières heures, entre le probablement contentement du au fait d'être en finale, et le trouble lié à la révélation de son secret. « J'ai fait du café, si tu veux. » J'avais levé le thermos. Y'avait qu'une seule tasse en plastique avec, mais au pire je ne pense pas que ça lui poserait souci de partager la tasse avec moi.

Je ne savais pas si d'avoir passé la nuit dehors et sans prendre la peine de récupérer une veste dès le départ était une idée si judicieuse finalement ... Je n'étais pas certain que l'état de ma gorge soit uniquement dû aux cigarettes que j'avais grillé durant la nuit, peut-être que j'avais chopé la crève. Je n'espérais pas, ce n'était pas vraiment de cette façon que j'avais envie de passer ma dernière semaine dans le nid. Du coup avant de redescendre j'avais rempli un thermos de café bien chaud, en me disant que si je me réchauffais un peu cela finirait sans doute par passer ... J'aurais tout aussi bien pu rester à l'intérieur mais y'avait des moments comme ça, où j'avais affreusement besoin d'air, et où l'enfermement me donnait la sensation d'étouffer. Ce à quoi je ne m'attendais pas en revanche c'était à avoir de la compagnie à une heure aussi matinale, surtout un lendemain de prime, mais pourtant c'était bien sur Danica que j'avais fini par tomber dans le jardin. De toute évidence elle aussi avait décidé de tester le trampoline comme lieu de sommeil, du moins si tenté qu'elle ait fermé l’œil « Ça fait longtemps qu'il m'a laissée tomber, cet enfoiré de marchand de sable. Et toi, la vie du type coincé dehors te manquait ? » J'avais esquissé un sourire. Cela me semblait remonter à des siècles maintenant, la semaine que j'avais du passer dehors ... Et le pire c'est que si j'avais un temps râlé pour la forme, parce que vis-à-vis de Rowan qui m'avait fait ce coup-là c'était la moindre des choses, en vérité cette semaine n'avait pas été des plus désagréables. Même si je n'avais pas été mécontent de retrouver mon lit et la chambre quatre la semaine suivante. « On peut dire ça comme ça, oui. » En fait c'était surtout la solitude et la possibilité de se retrouver un peu en tête à tête avec soi-même qui m'avait manqué. Mais à petite dose, la solitude ce n'était pas quelque chose que j'aimais particulièrement de façon prolongée. « Mais je peux le confirmer à nouveau, rien ne vaut un bon matelas pour bien dormir. » Parce que les transats de la piscine ce n'était pas trop ça. Ce n'était pas vraiment fait pour ça non plus ceci dit. Quoi qu'il en soit, puisque Danica avait elle aussi choisi le combo solitude + extérieur j'avais tout de même préféré demander avant de m'imposer, le nid était assez grand pour que j'aille me trouver un autre coin à moi si elle avait envie d'être toute seule « Je t'en prie. » Bon. Me hissant sur le trampoline après lui avoir tendu le thermos de café pour qu'elle le tienne un instant, je m'étais assis en tailleur et j'avais ouvert le thermos, ne pouvant réprimer un nouveau bâillement tandis que je sentais l'odeur de café s'en échapper. Remplissant la tasse aux trois quart je l'avais tendue à Danica. Honneur aux dames, comme on dit. Et puisque je n'avais rien ajouté de plus elle avait fini par me lancer « Je suis toujours en train d'essayer de savoir qui était qui quand je les ai croisés, Ollie-B ... euh, Ollie, ou Blake. » Il m'avait fallu un peu de temps pour réaliser à quoi elle faisait référence, mais finalement j'avais atterri. Le secret d'Ollie-Blake c'est vrai, une histoire de jumeaux. « J'ai pas vraiment parlé ni à l'un ni à l'autre, tu penses que c'était comme dans les films, que y'avait un gentil et un méchant ? » Je plaisantais, cela va de soi. Comme je venais de le faire remarquer je n'avais jamais vraiment adressé la parole à Ollie-Blake et donc à fortiori ni à l'un ni à l'autre, alors j'aurais eu du mal à les qualifier de méchant ou de gentil, hm. De toute façon je crois que ce n'était pas vraiment le sujet ... « Et donc, y'avait une raison particulière pour que tu dormes dehors ou ... ? » Oh, parce qu'elle m'avait vu échoué sur le bord de la piscine en plus ? « C'est Ulysse et le chat, ils sont de mèche pour conquérir la piaule et t'ont jeté dehors ? » J'avais laissé échapper un léger rire, et puis finalement j'avais réalisé que si je n'avais pas dormi dans la chambre et elle non plus, et comme Teddy avait du rester avec Jouko, alors Ulysse avait effectivement du se retrouver seul avec Tixy. Amy était partie, ça me rendait un peu triste d'ailleurs même si je ne pouvais pas dire que j'étais surpris, je me doutais bien que si elle n'était pas finaliste elle ne resterait pas ... Ça sentait vraiment la fin, maintenant. « J'avais besoin de prendre un peu l'air ... Je crois que sans le savoir c'est nous qui avons abandonné Ulysse et Tixy dans la chambre, j'espère qu'ils n'en sont pas venus aux mains. Ou aux griffes. » Faut dire que même si ça c'était arrangé depuis cela n'avait pas très bien commencé entre le blond et l'animal, parait-il qu'Ulysse avait même essayé de l'attaquer avec un parasol, dixit Silas. Et j'avais envie de les retrouver en un seul morceau, autant le bonhomme que la bestiole. « J'espère qu'il est pas parti sans dire au revoir en tout cas ... Sinon je vais regretter de ne pas t'avoir suivi dans l'idée de l'enfermer au cellier. » j'avais souri légèrement, d'un air pensif. Même si Ulysse avait décidé de partir je m'en faisais égoïstement moins que pour Amy, parce que je savais que je le reverrais rapidement. Après tout Turin n'était qu'à une centaine de kilomètres de Briançon. Étirant mes jambes j'avais fini par m'allonger sur le trampoline en réprimant un léger soupir de lassitude ; Le jour commençait enfin à se lever pour de bon, pourtant il faisait encore sombre. Il y avait des nuages, ce ne serait pas une belle journée. Pas du point de vue de la météo en tout cas. Calant un bras derrière ma tête j'avais reposé mes yeux sur Danica « Pourquoi tu m'as dit que tu étais désolée, tout à l'heure ? Enfin hier soir ... » Ma question semblait sortir de nul part, c'était peut-être un peu le cas d'ailleurs, mais à vrai dire après y avoir réfléchi je ne comprenais pas vraiment pourquoi elle l'était. Pourtant je l'étais un peu moi aussi, parce qu'après l'avoir entendue révéler son secret j'avais réaliser que j'avais parfois dit des trucs pouvant s'apparenter à des gaffes, des phrases qui avaient du lui rappeler de mauvais souvenirs, et pour ça j'étais désolé ... Mais elle n'en avait pas fait de même, je crois. A vrai dire il n'y avait peut-être que Teddy, à qui j'en avais un peu voulu pour certaines de ses réflexions, mais c'était surtout parce qu'elle parlait en connaissance de cause, et qu'elle me donnait l'impression de me juger.

Même après avoir moi-même vécu l'épreuve des castings et de l'émission - d'abord contraint et forcé, puis de moins en moins, certes - je restais persuadé d'une chose, la production choisissait quatre-vingt dix pour cent du temps le type de personnalités dont ils avaient besoin. Ou alors ils se rabattaient sur les secrets les plus vendeurs, au choix. L'histoire des jumeaux qui échangeaient leur place rentrait dans les deux catégories à mon avis « Ça m'a l'air d'être le genre de trucs que Cupidon pourrait kiffer. » Voilà. Et s'il s'avérait qu'en plus un des deux avait un caractère apte à le faire passer pour un jumeau maléfique c'était encore mieux ... Dommage qu'ils aient abandonné si vite, du coup, mais un peu comme tous les autres qui avaient abandonné cette semaine là. Peut-être que pour certain c'était l'enfermement qui avait posé souci, le fait d'être coupé de tout, dieu sait que c'était ce qui m'avait majoritairement fait peur en entrant dans le nid ... Pourtant on s'y habituait vite en fin de compte, à l'impression d'être ici comme dans une bulle. Même si après autant de temps retrouver l'extérieur ne serait pas du luxe non plus. J'avais hâte de rentrer en France, et hâte de pouvoir remonter sur Bruxelles pour pouvoir serrer Alicia dans mes bras. Du coup je comprenais que le nid se soit tant vidé malgré tout, tout le monde n'avait pas comme moi l'envie ou le besoin de se cacher ... J'espérais seulement que si Ulysse faisait partie de ceux qui comptaient mettre les voiles il ne le ferait pas sans rien dire « Même s'il a l'intention de se barrer plus tôt, il a intérêt à prévenir. » Sinon les foudres imaginaires de Danica s'abattraient sur lui visiblement, quant à moi je ne manquerais pas de lui tirer les oreilles la prochaine fois que je l'aurais sous la main. « Sinon, avoir un matelas aussi grand à juste deux, c'est quand même plutôt cool, on a testé la semaine dernière, tu pourrais te battre avec le chat d'un côté que je m'ouvrirais même pas un oeil. » C'est vrai que l'idée d'un grand lit dans lequel il y aurait possibilité de se rouler tel un rouleau de printemps dans un restaurant chinois était plaisante, du moins sur le papier ... Parce que pour avoir profité d'un lit king size dans un hôtel pendant mes quatre jours dehors la semaine passée, je pouvais certifier que j'allais avoir un peu de mal à retrouver l'habitude ne plus dormir en sandwich entre deux personnes. « Je retiens, si le chat m'égorgeais dans mon sommeil tu ne bougerais pas le petit doigt. » j'avais croisé les bras, l'air faussement outré, et puis d'un ton plus sérieux j'avais ajouté « Tu me crois si je te dis que j'ai rarement aussi bien dormi que depuis que je suis ici ? » A part peut-être les périodes où je dormais avec chez Aurore. Chez moi je ne dormais pas aussi bien, encore moins quand je squattais une chambre d'hôtel quand je montais à Paris ... Quand j'étais en reportage c'était différent, quand mon équipe et moi ne nous agglutinions pas dans une seule pièce nous étions de toute façon trop fatigués pour avoir le temps de penser avant de nous endormir. Et de toute façon je ne dormais jamais bien en reportage, clairement. Bref. Versant une tasse de café pour Danica j'avais fini par m'allonger à même le trampoline d'un air pensif ; Et je m'étais décidé à poser ma question. Celle à laquelle je n'avais pas eu de réponse hier soir, mais qui continuait à me perturber. Je ne comprenais pas pourquoi Danica était désolée, et pourtant je me disais que pour qu'elle l'ait dit ainsi c'était qu'elle devait vraiment l'être « J'ai une grande gueule, je déconne tout le temps, et c'est pas toujours une bonne chose. Si je franchis la ligne, la prochaine fois, fous moi un coup sur la tête. » Bah bien sûr, un coup sur la tête, et pourquoi pas une gifle tant qu'on y était. Mais je crois que je voyais doucement où elle voulait en venir « Plus de blagues de merde, plus d'effusions d'affection, promis, juré, craché. » J'avais fini par me redresser, fronçant les sourcils au moment où elle ajoutait encore « En y repensant, j'aurais dû fermer ma gueule dès la fois où tu m'as dit que la blague te gonflait, désolée. » J'avais penché la tête sur le côté, l'air dubitatif. C'était donc de là que venait le problème, de cette blague dont j'avais, il est vrai, fini par me lasser un peu ... Et du fait qu'elle m'avait embrassé sans réfléchir la semaine passée, accessoirement. Chose qui me laissait encore un peu perplexe, mais sans doute pas pour les raisons qu'elle pensait. « C'est pas ça ... Enfin oui, c'est vrai que ça m'agaçait un peu, mais c'est pas à cause de ça. » Ça était mon secret, donc, puisque cela semblait être le nœud du problème. « Toi quand tu le disais c'était pour rire, mais je crois que j'avais peur qu'à force on finisse vraiment par croire que c'était vrai ... Et j'veux dire, je m'en fou de ce que pensent les gens, mais là ma fille était devant sa télé et je ... C'est pas vraiment l'image que j'ai envie qu'elle ait de son père, tu vois ? » Je pense que n'importe quel père serait du même avis que moi là-dessus, n'importe quel parent au sens large d'ailleurs. On avait forcément envie de faire figure d'exemple vis-à-vis de sa progéniture, je ne faisais pas exception, et dieu sait que pourtant j'étais très loin du père idéal. « Et en tous les cas sois pas désolée. Y'a des trucs que t'aurais peut-être pas dit en connaissant mon secret, tout comme y'a des choses que j'aurais pas dit non plus en connaissant le tien ... c'était la règle du jeu. Et c'était pas forcément toujours une mauvaise chose. » Me concernant du moins. Parce que je voyais bien le regard qu'avait parfois Teddy sur moi en connaissant l'intitulé de mon secret, les réflexions et les jugements qu'elle portait parfois de façon à peine dissimulée ... Et de la même manière je pense que Danica n'aurait pas apprécié que les autres candidats la prennent en pitié ou bien lui parlent en donnant l'air de marcher sur des œufs en permanence. « Et puis, c'est pas à cause de mon secret que j'ai pas réagi quand tu m'as embrassé la semaine dernière ... pas uniquement, du moins. » Au moins c'était dit. Attrapant la tasse de café j'en avais pris une gorgée ou deux avant de lui rendre sa tasse, osant enfin reposer mes yeux sur elle.

Ce n'était que temporaire, de toute façon. Le fait que je dormais mal, je veux dire, c'était simplement lié au fait que je m'adaptais trop vite, et qu'après trois mois à partager une chambre avec tout un tas de personne le silence et l'absence de mouvement dans la pièce où je dormais avait eu quelque chose de presque oppressant. Surtout parce que les mauvais rêves se frayaient plus facilement un chemin quand on était seul ... Mais ça aussi, ça finirait par passer, fallait juste que je sois patient. Bah oui, c'est vrai que j'étais tellement connu pour ma patience légendaire, en plus. « C'est sans doute grâce aux ronflements d'Ulysse, ils sont tellement bien rythmés, on dirait un métronome. » Le pauvre Ulysse, s'il n'était pas encore profondément endormi il devait avoir les oreilles qui sifflaient à force. M'enfin, dieu merci dans notre chambre personne n'avait vraiment ronflé, parce que personnellement je ne trouvais pas que cela fasse office de métronome, ça empêchait surtout de fermer l’œil. En tous les cas, à défaut d'avoir dormi dans un lit cette nuit, avec ou sans Ulysse et Tixy, je prenais maintenant mes aises sur le trampoline. Et j'en avais profité pour gratter un peu à propos du prime, des sous-entendus qui allaient avec, comme de ceux qui dataient d'un peu avant. Je n'aimais pas ça les sous-entendus, et encore moins les non-dits. « Yo, tous ceux qui regardent, c'était une blague ! » J'avais laissé échapper un léger rire, secouant la tête du même coup. Elle allait finir par réveiller les mots si ça continuait, quoi que certains candidats avaient toujours eu l'air d'avoir un sommeil de plomb. Jorah par exemple, le soir où j'avais fini bien éméché avec Danica et que je l'avais ramenée à sa chambre il n'avait pas bougé un orteil. Pas un grognement, rien, le gars dormait comme une souche. « Vraiment, désolée pour tout ça, surtout pour ta famille. » J'étais redescendu sur terre, et j'avais reposé mes yeux sur elle en souriant légèrement. Ils s'en remettraient, ils avaient l'habitude. De découvrir régulièrement de nouveaux défauts chez moi ... Mais je le savais, je veux dire, ce n'était pas comme si j'avais la prétention de me croire blanc comme neige. « Allez, t'es désolée, moi aussi, on passe à autre chose. » avais-je finalement décidé. De toute façon ce n'était pas comme si j'avais des raisons de lui en vouloir, sur ça ou sur autre chose. Quant au fait que je n'avais pas vraiment réagi non plus quand elle m'avait embrassé la semaine passée, cela n'avait rien à voir avec ça, ou avec mon secret d'ailleurs ... On ne pouvait même pas dire que ça m'avait contrarié, disons plutôt que cela m'avait fait cogiter. Contre toute attente, certes. « C'était si terrible que ça ? » Non sérieusement, c'était ça sa conclusion ? « Je vais me saoûler au café pour oublier cet échec cuisant. » Oui, de toute évidence c'était donc la conclusion à laquelle elle était arrivée. Difficile de savoir si c'était moi qui ne m'exprimait pas assez clairement ou bien si c'était elle qui se dévalorisait un peu trop facilement ... Sans doute les deux à la fois, autrement dit nous étions une nouvelle fois bien assortis dans notre ânerie. « Si j'avais voulu te saouler c'est pas du café que j'aurais amené, tu me connais ... Mais bon le but c'était de se réveiller, pas d'être à nouveau au lit dans deux ou trois heures. » Je la taquinais gentiment, et puis c'est vrai si j'avais fait du café c'était pour me réveiller, d'avoir dormi sur un truc aussi peu confortable faisait que j'avais du mal à émerger. Pas que l'idée de boire en trouvant n'importe quel prétexte et en compagnie de la jeune femme soit une idée déplaisante ... mais il était un peu tôt, là. Bref, ce n'était pas vraiment le seul d'ailleurs, et j'avais fini par reprendre mon sérieux. « Le truc c'est que ... » Je savais d'avance que j'allais sans doute regretter ce que je m'apprêtais à dire, mais comme je savais que je regretterais aussi le fait de ne rien dire j'étais coincé. « Ça m'a perturbé, parce que ça m'a pas forcément laissé indifférent, et j'ai vraiment pas besoin de ça en ce moment. De toute façon tu l'as dit, tu vas sans doute disparaître à la fin de la semaine, et même si ça m'enchante pas je comprends et je respecte ça ... Mais m'attacher à quelqu'un qui est dieu sait où, et dont j'ai pas de nouvelles, dans mon cas avoue que ça serait un peu redondant. » Juste à peine, hein. J'avais secoué la tête d'un air las, de toute façon il était trop tard maintenant, je pourrais bien dire ce que je voulais je m'étais attaché à elle, comme je m'étais attaché à Ulysse ou de Titi, chacun de manière différente. La différence étant simplement que ces deux-là ne me donnaient pas pas encore du moins - l'impression de me filer entre les doigts, alors que Danica m'avait donné cette impression dès le départ. « Comme je t'ai dit, mauvais timing. » Référence à ce que j'avais lâché l'air de rien quand nous discutions perchés dans les arbres quinze jours plus tôt. Sans son ancien fiancé, mon inconnue, Aurore, son mode de vie, mon boulot, le fait que je la soupçonnais de m'avoir embrassé pour se prouver quelque chose et non pas simplement par envie ... Bref, sans tout ça le timing aurait peut-être été différent. Pour le moment il ne l'était pas ... Et moi j'avais besoin de noyer le poisson, aussi reprenant la tasse de café j'avais bu ce qui restait dedans, me brûlant la langue au passage.

Je ne savais pas trop où j'espérais en venir avec ce que je venais de dire, nul part en particulier je crois. Je préférais simplement dire les choses comme je les pensais, probablement parce qu'il s'agissait de la dernière semaine de jeu et que je n'en aurais peut-être plus l'occasion ensuite ... Surtout avec Danica, d'ailleurs. Et je ne lui reprochais pas, probablement que si je n'avais pas de famille à qui manquer je serais comme elle, incapable de rester en place, mais j'avais assez de mon inconnue sans avoir besoin de rajouter quelqu'un d'autre à la liste des personnes que je regrettais d'avoir perdues de vue. Ce n'était pas comparable, cela n'avait pas grand-chose à voir à vrai dire, mais le résultat était le même. « J'ai encore quelque chose à finir pour remettre en question le reste, le timing ... » J'avais tourné la tête vers elle, curieux. Elle n'avait pas besoin de se justifier, elle l'avait assez répété à vrai dire, sa volonté de disparaitre à nouveau une fois l'émission terminée ... C'était moi, l'imbécile qui avait du mal à s'y faire. « Disons que grâce à toi j'ai réussi à prendre mon premier bain en trois ans ... question de guérisons diverses et variées, c'est donnant-donnant. Enfin, plus ou moins. » J'avais esquissé un sourire, amusé. Mais je savais que se réconcilier peu à peu avec l'eau elle ne le devait qu'à elle-même, tout comme me guérir de cet espèce de coup de foudre sans queue ni tête j'étais le seul à pouvoir le faire. Et j'espérais sincèrement y parvenir un jour, je me disais que tout cela ne pourrait pas durer éternellement ... Il faudrait bien que je recommence à avancer un jour ou l'autre. « T'as déjà fait beaucoup plus que tu ne le penses. » avais-je finalement avoué à demi-mot, mes yeux toujours fixés sur la tasse de café que j'avais récupérée. Ça faisait douze semaines qu'elle me prouvait volontairement ou non que tourner la page était une question de volonté, et si elle réussissait à tourner la page alors que ce qu'elle avait vécu aurait été traumatisant pour n'importe qui, alors il n'y avait pas de raison que moi je n'y parvienne pas, sur quelque chose d'aussi futile. Mais je n'aimais pas qualifier ça de futile, ma situation. « Je m'entraînerai tous les jours face à un miroir dans mon bateau, comme ça, quand j'en aurai fini avec tout ça, je retenterai, histoire de pas rester sur un tel échec. » J'esquisse un sourire mi-amusé, mi-narquois tout en avalant une dernière gorgée de café. Est-ce que je devais prendre ça comme une promesse sous-entendue qu'elle ne disparaitrait pas définitivement du paysage ? Ou du mien en tout cas, de paysage. « Je suis beaucoup plus réceptif qu'un miroir, si ça peut finir de te convaincre. » avais-je finalement répondu d'un air faussement innocent, un sourire taquin sur le visage tandis que je me décidais enfin à reposer mes yeux sur elle. « Et c'est pas par fierté. » Bien entendu. Et il n'y avait bien que Danica à vrai dire pour se sentir obligée de préciser ce dernier fait. « Tu veux que je te marque mon nom en entier sur un petit papier ? » Je m'étais enfin décidé à laisser cette tasse de café tranquille, faut dire que je venais de m'ébouillanter et que ça m'avait calmé, hm. « Il est déjà là, ton nom. » lui avais-je assuré en désignant ma caboche du bout des doigts. « Tu me l'as dit y'a quelques semaines. Et j'ai bonne mémoire. » Bien que pour le coup cela ne me serve dans l'immédiat pas à grand-chose si ce n'était vérifier de temps à autre sur google qu'il ne lui serait pas arrivé un truc ... Joyeuse perspective que celle-ci, avouez. « Du coup, la question c'est surtout de savoir si tu te souviendras du mien, quand ton timing sera meilleur. » Ce qui n'était pas vraiment une question en fin de compte, plutôt une remarque. Ou alors une question à laquelle je n'attendais pas vraiment de réponse, ou pas maintenant du moins. J'avais posé ma tasse vide sur le bord du trampoline avec le thermos, et finalement je m'étais levé. Balançant mon poids sur un pied puis sur l'autre je faisais bouger la surface faisant perdre son équilibre à la jeune femme non sans m'en amuser. « J'ai déjà dormi toute une nuit sur ce truc mais je l'ai jamais utilisé pour son usage véritable. Pareil pour les autos-tamponneuses. » J'avais un peu passé l'âge me direz-vous, comme tout le monde ici, mais si on nous les avait mis à disposition c'était probablement dans l'espoir qu'on s'en serve. Voyez comme je me souciais de Cupidon, je rentabilisais un des trucs à notre disposition. « Me laisse pas seul dans mes âneries. » avais-je alors lancé à Danica en tendant une main vers elle pour l'aider à se relever. Fallait profiter, les autres dormaient, si y'avait un moment pour donner libre cours à nos gamineries c'était maintenant ou jamais.