Elle manque d’emboutir deux panneaux stop et maudit pour la millième fois la personne juste avant elle qui a eut droit à la mercedes. Tu parles d’une voiture puissante, on lui a refilé une carcasse qui a surement fait la guerre. Heureusement pour le type qui traverse en plein milieu de la route, elle a des freins solides. « Non mais c’est quoi votre problème ! » Qu’elle hurle, à deux doigts de démarrer en fanfare pour mettre fins à ses souffrances mais s’engouffre à la place dans le parking. Elle passe sa frustration sur la portière de la vieille guimbarde qu’on lui a louée et lance un coup de pied dans la roue. Sa moto lui manque. Cruellement. Surtout lorsqu’elle voie le type dérangé s’engouffrer dans le parking. Oh géant, un barbare. « Le passage piéton c’est pas pour les chiens tu sais. » Elle l’apostrophe, de cette politesse qui fait que sa réputation la précède. « Sérieusement, ça aurait pu mal finir. » Et j’aurais du rester pendant des heures à remplir de la paperasse, qu’elle pense mais a la gratitude de ne pas lui dire. « T’es venu à pied ? » Elle demande, l’air éberlué de celui qui essaie de trouver comment il a pu rester vivant jusqu’ici. Au bout du compte, cette distraction est bénéfique pour sa voiture qui n’est plus au centre de sa colère. Taylor range ses clés dans sa poche et s’approche du suicidaire. « On fait genre on est arrivé ensemble ou quoi? » Oui, ça pourrait être marrant, brouiller les pistes, tout ça. On ne sait jamais, il faut partir du principe qu’on rentrera tous dans le jeu. Et puis qui n’a jamais rêvé de faire une entrée fracassante avec un leprechaun, franchement ?

Ce genre de choses lui arrivaient fréquemment. Oui, c'était pour lui une habitude de manquer de se faire rouler dessus. Pas parce qu'il avait la tête dans les nuages, mais parce qu'il ne portait globalement pas suffisamment d'attention à ses semblables pour vivre une existence sécurisée. Les autres ne l'intéressaient pas, ou que rarement, et ça s'avérait plus problématique dans certaines situations que dans d'autres, comme lorsqu'il manquait de se faire heurter de plein fouet par une nana qui, de ce qu'il interpréta à la façon qu'elle eut de dramatiser, représentait justement tout ce qu'il avait tendance à fuir chez les autres. Désireux de laisser tout ça derrière lui, il ne lui accorda même pas un regard et continua sa route sans être plus traumatisé que ça par cet épisode. Mais c'était sans compter sur la fille en question, qui se sentit manifestement obligée de lui faire la conversation. Et à bien y réfléchir, le vrai danger des parkings ça n'était pas de risquer sa vie, mais plutôt de tomber sur ce genre de pots de colle. « Bon la miss, et si t'essayais de passer à autre chose ? » soupira-t-il sans s'arrêter, lui qui n'avait pas l'intention de s'attarder sur tout ça. Pourtant, mademoiselle continua sur sa lancée, l'incitant cette fois à freiner sa route et à se retourner doucement vers elle. Oh si elle s'attendait à ce qu'il l'honore d'un sourire ou qu'il s'investisse poliment dans la conversation, elle risquait d'être déçue. « Non, je suis garé un peu plus loin » ajouta-t-il alors, en désignant vaguement l'autre bout du parking d'un signe de la tête. Il ne reposa le regard sur la jeune femme qu'au moment où elle reprit la parole, l'amenant à arquer un sourcil interrogateur. Attendez, est-ce qu'il avait bien compris son idée ? « Je sais pas trop. Ce serait crédible ? Je veux dire, j'ai pas trop l'habitude de m'afficher avec des nénettes qui ont l'air de sortir du lycée. » Elle était loin d'être moche, hein, mais on ne pouvait pas dire qu'elle risquait de lui faire de l'ombre, avec sa silhouette gracile et sa frimousse un brin enfantine. « Sur une nana comme toi, je saurais même pas où foutre mes mains. » Or c'était un garçon tactile, mais encore fallait-il l'émoustiller un petit peu, et là le goudron lui faisait plus d'effet, c'est dire.