+ Je me rends à nouveau à la plage aujourd'hui, en maillot avec mon petit paréo par-dessus, attaché à ma taille, mes grosses lunettes de soleil, mon sac rempli de tout un tas de trucs plus ou moins utiles. Comme d'habitude, il me faut passer par la forêt qui n'est pas vraiment l'endroit que je préfère dans le nid. C'est sombre même en plein jour, pas très rassurant, on est un peu encerclé d'arbres qui font dix fois notre taille, il paraîtrait même qu'il y aurait des bestioles. Rien pour me donner envie de rester plus longtemps que nécessaire dans les parages. Alors je me dépêche un peu de traverser ce bois, sans pour autant avoir l'air trop pressé parce que ce serait sans doute suspect et moi, tout ce que je veux, c'est atteindre la plage de sable blanc qui m'attend. Je ne peux tout de même pas m'empêcher de tendre l'oreille à chaque petit bruit que j'entends, que ce soit les battements d'ailes furtifs d'un oiseau, le vent dans les branches, quelque chose qui craque parce que je viens de mettre le pied dessus. Je sursaute par moment, et tellement, en fait, que je finis par m'écarter du petit sentier pour arriver à l'entrée d'une clairière inondée de lumière. C'est mignon comme coin, mais j'hésite à m'y aventurer, ça fait toujours partie de la forêt, et là je serais vraiment à découvert, ce serait trop facile de m'attaquer. Oui, je suis persuadé qu'un sale truc va me tomber dessus, et je ne me dis pas une seconde que la production aura prévu ce genre de choses à l'avance. C'est quand j'aperçois une silhouette féminine, un peu plus loin, que je décide finalement de m'approcher, parce que si elle est là, c'est sans doute qu'il n'y a pas de danger. « Qu'est-ce tu fais là ? Tu t'es perdue ? » Je demande à la petite brune que je reconnais bien vite comme étant Elsa. Je lui adresse un léger sourire avant de m'asseoir sur une pierre pas très confortable, mais ça fera l'affaire, j'en ai déjà marre de marcher ou de rester simplement debout, tous les sièges, même de fortune, feront l'affaire.

La forêt de Fake-Lover fait sans aucun doute partie des endroits dans lequel je ne mets pas assez les pieds. Un endroit qui m'inspire pourtant que des sentiments positifs comme la quiétude ou la force. C'est ce que la nature représente le mieux pour moi, la force tranquille. C'est dans cette même nature que je m'aventure pour me retrouver un peu avec moi-même, pour trouver la force de continuer et de poursuivre cette aventure alors qu'une adorable enfant m'attend à l'extérieur de ce jeu. Je m'arrête auprès d'un arbre après une longue marche, je tente de faire le point sur cette aventure et pèse tout ce que celle-ci peut m'apporter. Je ne perds pas de vue que mon objectif premier n'était pas forcément de faire de belles rencontres mais surtout, de ramener de l'argent pour élever ma fille dans des meilleurs conditions. Je me retiens même de verser une larme, je n'ai pas envie qu'elle me voit pleurer, je n'ai pas envie que ma fille me pense triste même si je me sens réellement vide sans elle. Un trou béant se creuse chaque jour un peu plus dans ma poitrine, un creux que seule elle, peut combler. C'est le moment que choisit Jessica pour se faire entendre, me forçant à me retourner et à ravaler tout les sentiments qui s'apprêtaient à exploser. «Je me promène » J'essaie de poser ma voix afin que celle-ci ne tremble pas, j'essaie que cela paraisse la chose la plus normale au monde.«Et toi, tu n'as pas l'air d'être dans ton élément ? » je préfère orienter ma discussion vers elle que vers moi, je préfère la mener à se confier plutôt que ce soit à moi de le faire. Imitant la candidate, je me pose près d'elle sur l'une des souches. Ce n'est pas très confortable mais ça fera l'affaire.

Ça me rassure un peu de trouver quelqu'un au milieu de cette forêt, parce que toute seule, je ne me sentais pas vraiment à l'aise. Bon, là c'est Elsa, et vu sa taille, je doute qu'elle soit en mesure de nous défendre si une bestiole nous prenait pour cible, parce que le bruit court qu'il y aurait bel et bien un animal en liberté dans le coin, et quelque chose me dit que ce n'est pas une mignonne petite bête de la taille de Milou. Mais allez, ça n'a pratiquement aucune chance d'arriver, c'est stupide, mieux vaut ne pas y penser. Je demande à la demoiselle ce qu'elle fait là, si elle est perdue, avant de m'asseoir. Elle se promenait, c'est tout. « Ah. » Je fais simplement en lui adressant à nouveau un léger sourire. « Et... Ça va ? » Je sais pas, je me fais peut-être des idées mais elle a l'air toute bizarre, un peu... pas comme d'habitude. Mais non, ce doit être mon imagination. Quoi qu'il en soit, elle remarque que moi, je n'ai pas vraiment l'air dans mon élément. « Non, c'est vrai. » Je reconnais en hochant doucement la tête. « J'ai toujours eu un peu peur de traîner dans les bois, surement à cause des histoires qu'on me racontait avant de m'endormir quand j'étais petite, je crois. » Je dis en haussant les épaules dans un sourire amusé, mais pas tout à fait entier. C'est qu'il y a peut-être aussi le fait que je regarde trop la télé et toutes ces séries avec des psychopathes qui retiennent des gens en otage dans la forêt avant d'y enterrer leur corps. Le pire, c'est que parfois, il s'avère que c'est la réalité. En plus, aux Etats-Unis, ce sont pas les forêts et les tarés qui manquent, non, vraiment pas. Il y a de quoi en faire des cauchemars la nuit, moi je vous le dis.

Est-ce que ça va ? non. Est-ce que j'ai envie d'en parler parler ? Non plus. Il y a par moment, certaines choses que j'aime garder pour moi. Certaines choses sur lesquelles je n'ai pas envie de m'expliquer et c'est le cas maintenant. Je préfère et de loin, penser à autre chose pour ne pas sombrer. Je n'ai pas envie de m'effondrer devant Jessica. Devant personne d'ailleurs. C'est un peu gênant comme situation. Si quelqu'un venait à pleurer devant moi de cette façon, je ne saurais pas quoi lui dire et je me sentirais inutile, je n'ai pas envie que ce soit le sentiment que Jessica puisse ressentir à mon égard. Je n'ai pas envie qu'elle se sente mal à l'aise face à des larmes contre lesquelles elle ne pourrait absolument rien faire. C'est donc pour cette raison que je lui mens à ce moment précis, c'est pour cela que j'affirme que ça. «Oui, t'inquiète pas, ça va.» Un sourire se dessine sur mon visage, celui-ci doit certainement sonner faux. Je préfère engager une autre discussion en lui faisant remarquer qu'elle ne me parait pas très à l'aise dans cette forêt. Sans doute est-elle une fille de ville alors que moi, je proviens d'un petit village. Un village où les promenades en bois ne sont pas rares. «Parfois je me dis qu'il est inutile de faire peur aux enfants de cette façon. La nature est belle.» Je ne raconte pas forcément d'histoire de ce genre à ma fille. Pour moi, les dangers ne se trouvent pas plus dans une forêt que dans une ville. Au contraire, je crois que l'on est plus en danger en ville avec les voitures, la pollution. «Depuis que je vis à Brisbane, c'est peut-être ce qui me manque le plus.» Par rapport à mon ancien lieu de vie, par rapport au village que j'ai quitté parce que je ne supportais plus que l'on me regarde de travers parce que j'avais pris une décision qui ne plaisait pas à l'ensemble de la population. «Mais tu n'as rien à craindre ici. Y a des caméras partout, tu ne risques pas de te perdre ou de te faire enlever sans que cela se sache.»

Elle me dit de ne pas m'inquiéter, que ça va. Mais le truc c'est que je me rends un peu compte que ce n'est pas le cas. Sauf que moi, quand ça ne va pas, je n'aime pas particulièrement qu'on insiste, en plus, je ne sais pas vraiment gérer ce genre de situation, alors je préfère simplement lui rendre son sourire en signe de compassion, de compréhension ou de réconfort. Elle peut l'interpréter comme elle veut. Quant à moi, il est vrai que je ne me sens pas vraiment à l'aise ici, sans doute la faute aux histoires qu'on m'a racontait quand j'étais petite, ou à tous les trucs sordides qui peuvent se passer en forêt, même si je ne préfère pas aborder le sujet. Bien trop glauque. La brune pense qu'il est inutile d'effrayer les enfants comme ça, la nature est belle. « Ouais, je suis entièrement d'accord. » J'approuve en hochement la tête à plusieurs reprises de façon appuyée. « Moi, franchement, si j'avais des enfants un jour, ce qui n'arrivera sans doute jamais, mais imaginons, je pense pas que je leur raconterais des histoires avec le grand méchant loup qui dévore le petit chaperon rouge ou qui harcèle les trois petits cochons. » Non mais c'est carrément flippant de se dire qu'il est capable de bouffer une grand-mère et de se déguiser pour ensuite avaler aussi la gamine, ou qu'il soit capable de souffler assez fort pour détruire des maisons. Bon, en même temps, ils sont trop innocents les pauvres qui se font avoir aussi. « Enfin, je me dis qu'il y a quand même une morale dedans, genre ne pas parler à des inconnus, ou ne pas se balader seule en forêt, et surtout, ne pas construire une maison en paille ou en bois, la brique c'est le plus sûr. » Oui, là je commence un peu à dire n'importe quoi mais c'est pour lui changer les idées, même si elle m'a dit que ça allait. Remarque, parler de trucs de gosses tout ça, c'est peut-être pas une super idée, j'ai cru comprendre qu'elle en avait une et c'est sans doute le fait d'être loin d'elle qui lui mine le moral. Après, je peux me tromper, mais je crois bien avoir entendu dire qu'elle avait un enfant, au même titre que Eryk, lui il en a même eu deux pour le prix d'un, si je ne m'abuse, mais dans son cas c'est déjà peut-être moins étonnant. Je sais pas trop quel âge ont Elsa et son petit bout, mais c'est une jeune maman, c'est sûr. Et moi je vais finir vieille fille, seule, sans enfants, encore stripteaseuse à quarante balais si Dieu me permet encore de tenir sur mes jambes. Pauvre fille que je suis, va. Ouais, j'aime bien mieux me plaindre dans ma tête que tout haut, enfin ça fait pitié dans les deux cas, mais peu importe. La candidate déclare que la nature, c'est ce qui lui manque le plus depuis qu'elle vit en ville, parce que j'imagine que Brisbane est une ville, même si je sais pas où c'est, sinon ce qu'elle dit aurait pas de sens. « Moi, je suis une pure citadine, de Chicago, mais j'ai vécu dans tout un tas d'autres villes, avec mon père, quand j'étais petite. Il déménageait beaucoup. Parfois près de la forêt et on pouvait aller faire des promenades, et j'avais pas peur parce que je savais qu'il m'arriverait rien avec lui pour me protéger. » Je dis d'un air un peu mélancolique sans m'en rendre vraiment compte. C'est que ça me manquerait presque de plus être sa fille préférée, maintenant qu'il en a une autre avec sa nouvelle femme. Mais mieux vaut ne pas penser à tout ça, là, ça va me déprimer. La demoiselle pense en tout cas qu'ici on a rien à craindre, vu qu'il y a des caméras partout, on risque pas de se perdre ou de se faire enlever sans que ça se sache. « Ouais, j'espère que t'as raison. » Mais oui, bien sûr qu'elle a raison, on est constamment surveillé, il y a aucun danger.