C'est drôle de savoir que la salle qui aurait dû l'intéresser le plus lui avait échappé jusqu'à maintenant. Elle savait qu'il y avait une salle de musique, Pia. Mais c'était comme une manière de marquer d'avantage la différence qu'il y avait entre sa vie dedans et sa vie dehors, ériger un mur, une barrière en quelques sortes, faire le test de savoir combien de temps elle tiendrait sans sentir le poids d'une guitare peser sur sa cuisse. Un mois. Le bout du monde, elle pense, lorsqu'elle laisse ses doigts courir sur la caisse juste pour le plaisir d'entendre sonner le bois. Elle ne sait pas si c'est à quelqu'un où si la production l'a mis à leur disposition mais peu importe, à vrai dire. L'important pour le moment c'est que cette guitare est là, entre ses bras, et que personne n'est autour pour l'emmerder et c'est suffisant pour la faire sourire légèrement alors qu'elle commence à jouer. Un des seuls moments de ses journées pendant lesquels elle n'est pas en train de causer. Trop absorbée par le morceau, elle n'entend pas la porte s'ouvrir pour laisser place la silhouette de Ghika. C'est seulement lorsqu'elle finit qu'elle relève la têteet l'aperçoit, ce qui lui arrache un sursaut. « Merde, excuse, j'avais pas vu que t'étais là. » Elle lâche, finalement, après avoir remarqué que ce n'était que lui. « Tu dors pas ? ». Question stupide, puisqu'il est juste sous son nez. C'est juste qu'à minuit passé elle se serait plus attendu à le voir dans ses draps qu'à le croiser ici. Peut-être qu'il fuyait Percy, simplement. On avait sans doute fait mieux niveau compagnon de sommeil.

La nuit était toujours un bon moment pour faire de la musique, parce qu'en plus de procurer calme et volupté à chaque note elle apporte à Ghika une dose d'inspiration toujours croissante. C'est pour ça qu'il fréquente la salle de musique aussi tard, parce qu'il aime entendre les notes percuter le glas du soir et transformer le silence de la nuit noire en léger bourdonnement festif. Mais en entrant ce soir on dirait que ses dons de guitaristes vont pouvoir se reposer puisque quelqu'un a pris la guitare qu'il utilise depuis le début de l'aventure... Qui est l'auteur du crime ? Je vous le donne en mille, l'une des dernières personnes que Ghika aurait soupçonné. Pia ! La traîtresse ! Elle relève la tête et s'excuse. Ghika sourit légèrement. Elle ne sait pas à quel point elle doit s'excuser la petite, mais ça va venir. « Je suis bel et bien réveillé et à la recherche d'un grand criminel... le voleur de ma guitare ! » lance-t-il très sérieux avant de sourire en s'asseyant au piano et d'en caresser quelques touches. Il ne joue pas vraiment, il connaît deux ou trois morceaux mais rien de bien passionnant. « Tu m'avais caché que tu jouais de la guitare ! Pourquoi t'as pas rejoint notre super groupe de deux ? » demande-t-il presque inquisiteur. Bah quoi ? C'est normal qu'il demande, il croyait qu'entre roux on se soutenait ! Et là il découvre que Pia n'a même pas voulu partager un de ses talents avec eux. C'est frustrant pour un type aussi exigeant que Ghika !

« Je suis bel et bien réveillé et à la recherche d'un grand criminel... le voleur de ma guitare ! ». Elle sourit d'un air presque coupable. « J'savais pas que c'était la tienne.. Milles excuses. ». Bon, elle ne s'excuse pas réellement, c'est plus pour la forme qu'autre chose. Elle ne sait pas comment est Ghika mais elle sait qu'elle a elle-même beaucoup de réticence à laisser quelqu'un d'autre ne serait-ce que frôler les cordes de son instrument, alors elle respecte. « Tu m'avais caché que tu jouais de la guitare ! Pourquoi t'as pas rejoint notre super groupe de deux ? ». Elle rit un peu tout en jouant quelques accords, par automatisme, pour voir si la mécanique n'est pas rouillée. « Je voulais pas te voler la vedette, voyons. ». Elle fait, l'air arrogant, peinant à contenir son sérieux. « Médecin, guitariste.. Qu'est-ce que tu me caches encore ? ». Il est multifonctionnel, Ghika. Elle baille un peu, se frotte les yeux. « Comment ça se passe, ta cohabitation avec Percy ? C'est pas lui qui t'a poussé du lit, au moins ? ». Elle n'a jamais cherché à connaître l'anglais plus que ça, se méfiant un peu de ses airs de précieux, mais si ça se trouve elle se trompait. Elle finit par arrêter de pincer les cordes de la guitare pour la lui mettre dans les bras d'autorité. « Joue-moi quelque chose. N'importe quoi. ». Elle aime écouter presque autant qu'elle aime être écoutée elle-même. Elle a eu l'occasion de tester ses capacités de médecin, elle veut voir ce qu'il vaut en tant que musicien maintenant.

Elle fait mine de s'excuser et ça lui suffit, puisqu'il faisait mine d'être remonté contre le voleur supposé de 'sa' guitare. Une guitare qui ne lui appartient pas et dont il se fiche un peu à vrai dire, en dehors de sa guitare qu'il a laissé à l'extérieur, il n'attache aucune valeur sentimentale aux instruments. « Mouais... ça va pour cette fois j'te pardonne mais attention à tes fesses la prochaine fois c'est la fessée. » menace-t-il en montrant le plat de sa main en signe d'avertissement. Il a des longues mains aux doigts si minces qu'on pourrait douter qu'il soit capable de faire mal en donnant une claque, mais il est convaincu qu'il peut punir Pia si elle le cherche un peu trop. « Tss tu sais bien que les gamines de quatorze ans se jetterait à mes pieds avant de se mettre à crier pour toi. » plaisante-t-il alors qu'elle vient de lui dire qu'elle allait lui voler la vedette. Aucune chance que le garçon du groupe soit éclipsé par une autre guitariste. « Tu as pas idée ! » des nombreux talents que Ghika cache encore. Quant à la question sur la façon dont Percy et lui s'entendent il ne voit pas de raison de mentir. « Plutôt bien, on s'entend bien tous les deux, tant qu'on garde un peu nos distances. Il a autant envie de dormir avec moi que j'ai envie qu'on se marie à la fin de l'aventure alors ça facilite les choses on est d'accord. » explique-t-il tranquillement. Qu'il lui joue quelque chose ? Ok, ses doigts commencent à caresser les touches en ivoire ce qui fait sortir une douce mélodie. L'air de Riverside d'Agnes Obel emplit l'espace. Et il fredonne les paroles de la chanson de sa voix fluette. Après une petite minute de démonstration il s'arrête. « Bref... voilà ! »