ft andreja

Cela fait une heure, peut-être même deux que je me trouve ici. J'ai bien l'impression que mon corps pèse une tonne, il est lourd et je n'ai pas le courage de bouger de là. Allongée au bord de la piscine, une main plongée dans l'eau et le regard dirigé vers le ciel, j'attends. Je ne sais pas exactement ce que j'attends exactement mais je le fais. Ma main bouge de temps à autre, dessine des vaguelettes dans la piscine mais il n'en est rien pour le reste de mon corps. Je suis lourde, trop lourde. Mes yeux restent grands ouverts et se contentent de fixer l'immensité du ciel. Une immensité dans laquelle j'aime me perdre par moment. Une immensité soudainement cachée par un visage au dessus de moi. Je mets un petit moment avant d'ouvrir la bouche et d'articuler quoi que ce soit. Je suis encore plongée dans l'ailleurs. Je reprends mes esprits, peu à peu, sans me brusquer. Un sourire se dessine finalement sur mon visage, premier signe de mon retour sur terre. Ma main, celle qui n'était pas plongée dans l'eau, s'étire en direction du ciel pour atteindre ce visage. «Andreja» murmurais-je alors. Ma main rencontre finalement la joue du candidat qui s'est abaissé dans ma direction et délicatement, je lui dépose une caresse.«reste» Je suis bien moins bavarde que d'habitude mais j'ai envie qu'il reste auprès de moi, j'ai envie qu'il s'allonge à mes cotés et qu'il me dise des choses. N'importe quoi, même des choses sans importances si il en envie, si il est inspiré. «Est-ce que je compte encore pour toi ?» Ma chute dans le classement de popularité me chagrine un peu et je crains de ne plus être appréciée de mes camarades, particulièrement de ceux que moi, j'apprécie.

Cela le perturbait grandement en fin de compte, la façon dont le temps s'adoucissait de jour en jour quand son organisme lui n'attendait rien d'autre que la rudesse de l'hiver. Ici la belle saison s'annonçait pour les semaines et les mois à venir, quand dans l'hémisphère qui était d'ordinaire le sien c'était la grisaille qui prenait le pas sur le reste. Ce n'était sans doute pas un mal ceci dit, l'absence de grisaille ; L'humeur du serbe ces quinze derniers jours était déjà bien assez grise sans que le ciel ne s'y assortisse. Aujourd'hui encore il errait dans le nid sans vrai but, sans motivation, et surtout sans envie. Il ne s'inquiétait plus vraiment pour son secret, ayant perdu sa cagnotte confortable lors du dernier prime il doutait que qui que ce soit puisse encore être intéressé par l'idée de découvrir ce qu'il cachait, mais son humeur elle ne s'était pas améliorée. Le mal était fait sans doute, les vieilles blessures ravivées et le sel versé sur les plaies de ses souvenirs. Et puis il y avait Tilda, Tilda qui ne lui parlait plus vraiment, Tilda qui boudait, pour ainsi dire. Soupirant, tant par sa lassitude que par la chaleur de l'après-midi, il avait quitté ses chaussures et retroussé le bas de son jean pour marché nus pieds dans le jardin, se laissant guider par l'ennui autant que le hasard jusqu'à arriver aux abords de la piscine. Jusqu'à la silhouette d'Elsa, qui criait elle aussi l'ennui, et au-dessus de laquelle il se pencha en esquissant un sourire, ne résistant pas à l'envie de lui faire remarquer « Tu finir par rôtir si tu restes ici. » C'est que le soleil tapait fort à cette heure-ci. Le regardant d'un air absent, comme si elle peinait à sortir d'un quelconque rêve éveillé dont il viendrait de la tirer, elle avait fini par murmurer « Andreja. » tout en levant une main vers lui, allant à sa rencontre tandis qu'il se baissait et posait momentanément un genou à terre pour se tenir à sa hauteur. « Reste. » Allons bon, il ne savait pas quoi faire de toute façon, et ce n'était pas comme si la compagnie d'Elsa était chose désagréable, aussi il avait acquiescé d'un léger signe de tête avant de s'asseoir près d'elle, laissant ses pieds frôler la surface de l'eau « Est-ce que je compte encore pour toi ? » Il avait froncé les sourcils, et reposé un regard perplexe sur Elsa. Pas tant parce qu'il ne savait pas quoi répondre que parce qu'il ne comprenait pas d'où sortait subitement cette interrogation de la part de la jeune femme. « Oui. Bien sûr, oui ... pourquoi, je donne la impression que ça pas être le cas ? » Il était un peu pris au dépourvu, et ne sachant pas trop si ses actions et ses mots avaient pu en effet lui donner cette impression. Cela ne ressemblait surtout pas à ce qu'il avait pu voir d'Elsa depuis le départ, ce manque d'optimisme et ce fatalisme. « Qu'est-ce qu'il y a ? » avait-il finalement demandé en fronçant les sourcils, soucieux de ce qui pouvait faire douter ainsi Elsa.

Même si cela ne me ressemble pas vraiment, il y a des jours où mon moral n'est pas au beau fixe. Cela arrive à tout le monde, cela n'a rien d'exceptionnel non plus. Morose, installée sur le bord de la piscine je ne fais pas grand chose, je laisse simplement le temps filer sans m'en soucier. J'essaie de m'enfuir dans un univers parallèle, juste parce que je n'ai pas envie de flancher maintenant, je n'ai pas envie de me montrer trop sensible et ce, uniquement à cause d'une nomination. J'ai l'impression que pour certain, cela n'a rien de grave, cela n'a rien de dérangeant et reprendre une vie normale ne les dérangerait pas. C'est pas mon cas. Je ne veux pas partir. Andreja apparaît soudainement dans mon champs de vision, il me pousse à revenir sur terre et à reprendre mes esprits. Les paroles qu'ils prononcent m'arrachent un sourire et je commente aussitôt à mon tour.  «Je suis trop blanche pour une australienne, ça me ferait pas de mal de prendre un peu des couleurs.» Cette rencontre ne risque pas d'être la plus joyeuse de celle que nous avons connu mais je n'ai pas envie d'être fausse avec lui. Je n'ai pas envie de lui offrir une image factice de mon état actuel.  «Oh non, ce n'est pas toi. Pas spécialement.» Je ne veux pas non plus qu'il se sente fautif, il n'est en rien responsable de mon état. Disons simplement que j'avais besoin d'être un peu rassurée, de savoir qu'il tient toujours à moi parce que moi, je tiens à lui et j'ai l'impression de moins lui montrer avec le temps. J'ai pas envie que l'on s'éloigne, j'ai pas envie de finir par l'oublier. L'esprit humain oublie un tas de truc et je n'ai pas envie qu'il fasse parti des oublies de mon cerveau. «Je suis nostalgique.» C'est la raison principale à tout cela. «J'ai peur de devoir partir. J'ai peur que tu m'oublies» C'est tout, il n'y a rien de plus à ajouter sur le sujet. Je me redresse finalement, mon dos se décolle du sol et j'opte plutôt pour une position assise. Imitant mon camarade, je laisse tomber mes deux jambes dans l'eau de la piscine. «Ca va me passer.»

Il avait un peu de mal avec ce climat, il ne pouvait pas le nier. Le fait qu'il fasse si chaud la journée mais si frais la nuit, c'était un peu comme changer de saison suivant l'heure qu'il était et ça il avait encore un peu de mal à s'y faire. Ce n'était sans doute pas étranger au fait qu'il se soit chopé la crève la semaine précédente d'ailleurs, même si on avait un peu de mal à s'en rendre compte à cette heure de l'après-midi, quand le soleil tapait sans retenue sur sa peau de rouquin qui ne s'assumait pas entièrement. Et à côté de cela il y avait Elsa, Elsa qui lézardait en plein soleil au bord de la piscine et à qui Andreja avait fait remarquer qu'elle risquait de rôtir, quand bien même elle devait être habituée à ce genre de climat, puisqu'elle vivait dans ce pays. « Je suis trop blanche pour une australienne, ça me ferait pas de mal de prendre un peu des couleurs. » Bon, certes, elle n'avait pas vraiment le physique typiquement cliché que l'on se faisait de la surfeuse australienne blonde et bronzée à souhait, mais cela pouvait se comprendre pour une australienne d'adoption. « Trop blanche ? Si tu voir les filles chez moi, tu voir ce que ça être vraiment blanche. » avait-il fait remarquer qu'un ton légèrement amusé tout en s'asseyant à côté d'elle, trempant ses pieds dans l'eau de la piscine. La conversation aurait pu rester centrée sur ce genre de banalités si Elsa n'avait pas subitement repris son sérieux pour lui poser une question pour le moins perturbante. Évidemment qu'elle comptait toujours pour lui, pourquoi est-ce que ce ne serait plus le cas ? Certes ils avaient chacun noué d'autres relations au fil des semaines, mais cela ne voulait pas dire pour autant qu'il l'avait subitement oubliée ... Elle restait la première avec qui il avait sympathisé, en plus d'être la candidate qu'il avait failli renverser avec une voiture de location. Ça ne s'oubliait pas, ça non plus. « Oh non, ce n'est pas toi. Pas spécialement. » Pas spécialement ? Est-ce que c'était une manière polie de lui dire pas totalement mais un peu quand même ? Il avait froncé les sourcils, à nouveau, finissant par lui demander clairement si quelque chose n'allait pas, et espérant qu'elle ne prendrait pas le parti idiot de lui dire que si, tout allait très bien, alors que clairement ce n'était pas l'impression qu'elle donnait. « Je suis nostalgique. J'ai peur de devoir partir. J'ai peur que tu m'oublies. Ça va me passer. » Il l'avait regardée se relever et imiter finalement sa posture en trempant elle aussi ses pieds dans l'eau, préférant fixer le liquide chloré et artificiellement bleu de la piscine plutôt que le candidat. « Ça être interdit de être pess-... pas otpimiste, quand on être nominé. Et je pas t'oublier, tu pouvoir rayer ça de ta tête tout de suite. Je sais que suis plus vieux que toi, mais je pas encore avoir des problèmes de mémoire. » Tentative d'humour, pour essayer de la dérider un peu et pour qu'elle cesse de s'en faire là où il n'y avait pas de raison. Elle n'avait pas plus de chance de que les autres nominés de sortir dimanche, et il n'y avait aucune raison que les personnes avec qui elle avait noué des relations ici l'oublient sitôt qu'elle serait partie, peu importe quand ce serait. « Viens. » Lui faisant signe d'approcher il avait passé un bras autour de ses épaules et l'avait attirée contre lui. Parce qu'il ne savait pas vraiment quoi dire pour la rassurer sur ses doutes, mais il savait au moins faire ça. « Tu oublier les gens toi, quand tu sortir de ici ? » Parce que si elle n'oubliait pas il n'y avait pas de raison qu'on l'oublie, c'était un peu à double sens ce genre de choses en général.

L'ambiance générale du nid n'était pas au beau fixe et c'était pour l'une de ces raisons que je m'étais éloignée de l'ensemble des candidats. Je n'allais pas forcément bien non plus, la nomination m'avait un peu plus embêtée que la première parce que je gardais bien en tête que mes chances s'amoindrissaient puisque les candidats nominés à mes côtés étaient tous des candidats avec un potentiel assez élevé. N'étant pas au meilleur de ma forme, je ne tenais pas à ce que mon état influence le reste du nid et empire davantage l'atmosphère déjà bien pourri. Une main flottant au bord de l'eau, le corps allongé au soleil j'avais eu la chance de voir apparaître Andreja. Un candidat que j'appréciais et qui m'aiderait certainement à penser à autre chose. Il commençait bien puisqu'il m'annonçait que les filles de chez lui étaient bien plus blanches que je ne le suis. «Oui mais tu sais, je fais tâche au milieu des belles australiennes toute bronzées qui surfent à longueur de journée. » Je ne sais pas non plus tenir sur une planche de surf alors oui, je fais clairement tâche. Et bien que je ne tenais pas spécialement à bousiller le moral d'Andreja avec ma nostalgie, je lui expliquais calmement pourquoi je me sentais comme cela. Un sentiment qu'il serait capable de comprendre je pense. L'une de mes plus grandes craintes étaient qu'il m'oublie. Que d'autres m'oublient également et que je ne parvienne pas aussi bien qu'eux à les effacer de ma mémoire. Je me suis attachée  à la plupart des candidats comme je me suis rarement permis de le faire à l'extérieur du nid, tout ça parce que je ne fais pas toujours confiance aux gens, tout ça parce que j'ai toujours peur que l'on m'abandonne. Cela avait déjà été un problème avec mes parents cette peur de l'abandon, à la naissance de ma soeur, je m'étais sentie délaissée et j'avais réagis à ma manière. Quelques bêtises juste pour me faire remarquer... Pour que mes parents me regardent à nouveau comme l'enfant unique que j'étais avant. «T'es pas si vieux que ça mon vieux ! »  M'exclamais-je après m'être redressée pour adopter la même position que lui. Pour mon plus grand bonheur, le candidat m'invita à rejoindre ses bras. Un geste qui me fit chaud au coeur parce que je sais qu'il a beaucoup moins de facilité que moi avec ce genre de contact, pourtant, il le fait et de bon coeur. Un sourire se dessine sur mon visage tandis que je passe mes deux bras autour de sa taille, son bras par dessus mes épaules. Je dépose justement ma tête sur la sienne et je n'ai même pas besoin de réfléchir à la question qu'il vient de me poser, la réponse me parait carrément évidente. «Oh non, je ne suis pas prête d'oublier les gens.» répondis-je du tac au tac en serrant un peu plus fort mon étreinte. «En tout cas pas les gens comme toi... Tu comptes beaucoup dans cette aventure tu sais.» Nous avions un lien assez particulier puisque nous nous étions rencontrés avant même que l'aventure ne démarre. «Alors, raconte-moi un peu ta vie dans le nid, tout ça.» C'était une façon de parler de choses distrayante, d'oublier l'ambiance «Tilda, Pia... Y en a une que tu kiffes ? Je dois t'avouer que je me suis un peu perdue dans tout cela.  »  J'avais bien eu l'impression qu'il était proche des deux mais je ne savais pas dire si il espérait de leur part quelque chose de plus fort qu'une amitié. Andreja était une belle personne, intérieurement autant qu'extérieurement et si son choix se portait sur l'une d'entre elle, il va de soit que je préférerais que ce soit pas Tilda puisque le courant ne passe toujours pas de façon optimale entre elle et moi. Mais bon, je ne suis pas là pour interférer dans ses relations, je suis là pour le soutenir si il m'annonce quelque chose.«Mais t'es pas obligé d'en parler» On a tous le droit de garder un petit jardin secret.