Il n'y a pas moyen, il n'arrivera pas à dormir ce soir. Ghika n'aime pas ne pas comprendre les choses, les énigmes méritent d'être brisées. Mais l'insomnie, l'insomnie est inextricable, il n'y a pas de remède miracle pour la combattre. Et croyez Ghika quand il vous dira être un expert de la question, il a compté les moutons, jusqu'à deux-mille trois cent seize avant d'abandonner. Mais ce n'est pas tout, il s'est essayé à des techniques de méditations, des histoires de projections psychiques d'image sur un mur, il a bu de l'eau et respirer profondément en décomptant de cent à zéro. Rien ne marche. Oh bien sûr vous pouvez vérifier par vous-même, Ghika lui, il a décidé de ne plus se laisser dominer par le manque d'attrait pour sa couche. Si le sommeil ne vient pas, il repassera, c'est pourquoi à presque une heure trente du matin Ghika est dans la salle de contrôle, à regarder les rares habitants encore debout. Il zappe d'une caméra à une autre, tentant de repérer quelqu'un qui ait l'air seul, ou des gens avec qui il aurait vraiment envie de parler. Rien n'attire son attention, jusqu'à ce qu'il voit Tilda. Elle marche dans le couloir, elle a l'air de mauvaise humeur. Elle pourrait donc profiter de sa joie de viv... « Est-ce que tu viens de t'enfermer dans le placard à balais ? » demande-t-il à l'écran plus qu'à Tilda elle-même -il se doute bien qu'il n'aura pas de réponse-. Sans plus réfléchir il se lève et décide que, si sa copine veut s'enfermer dans un endroit confiné, c'est cool, mais qu'il ne la laissera pas toute seule dans son coin. Déjà parce qu'il veut savoir de quoi il en retourne et puis parce qu'il ne trouve pas profitable de laisser quelqu'un qu'il aime vraiment beaucoup s'adonner à une pity party. Alors qu'il arrive à la porte il entend des bruits de fracas. Bon apparemment c'est pas le meilleur moment pour rentrer, un traumatisme cérébral ne lui serait vraiment pas utile et ça ne lui siérait pas au tein de toute façon. Quand les bruits cessent, qu'un cri qu'il reconnaît être d'exaspération pour en avoir poussé des centaines -souvent après avoir fait quelque chose que lui-même trouve stupide-, il entre. « Je viens sans arme. » dit-il doucement en glissant ses deux mains en l'air par l'encadrement de la porte avant d'entrer et de fermer derrière lui. Elle est là... assise, recroquevillée, si vulnérable. Ça lui fend l'âme. Ghika ne sait pas toujours comment gérer ce genre de situation, mais il a vu assez de films pour avoir une idée. Alors il s'assoit à côté d'elle, passe son bras autour de ses épaules et l'attire contre lui. « Te méprends pas j'essaye pas de t'emballer. » lui murmure-t-il calmement à l'oreille pendant qu'un petit sourire enfantin allume son visage. D'une main il lui caresse les cheveux, délicatement, pour l'apaiser comme ferait un père... du moins c'est ce qu'il pense, après tout il n'a jamais eu de père. « Parle-moi. » C'est doux, et pourtant c'est une injonction. Il s'en fiche qu'elle préfère parler à Andreja, Lou ou n'importe qui d'autre. Pour l'instant c'est lui et elle dans le placard à balais. De sa poche il sort une feuille de sopalin qu'il n'a pas utilisée et la lui donne, tout en continuant de lui accorder tout le réconfort qu'il peut par des contacts fugaces sur le crâne de la brune et une présence qu'il espère rassurante.

Elle gémit plus qu'elle ne parle, il continue de lui caresser les cheveux, effleurant son visage couvert de larmes. Ça lui arrache un pincement au cœur. Ghika souffre d'un problème avec la gestion des émotions. Les siennes, pas celles des autres. Enfin, probablement un peu celles des autres aussi, mais ce n'est pas la question. Il ôte son bras des épaules de Tilda et se relève. Oh il ne compte pas partir, il se rassoit presque immédiatement en face d'elle. Jambes écartées de sorte que ses genoux emprisonnent ceux de la jeune femme. « Tilda... » murmure-t-il tendrement en passant sa main sous le menton de la brune, exerçant une petite pression pour qu'elle lève le regard, sans succès. Il s'y attendait un peu, aussi il réitère sa supplication. « Tilda, regarde-moi... » chuchote-t-il les yeux fixés dans les paupières de son amie. Il lui laisse cinq secondes pour obtempérer. Après ça il devra employer une méthode un peu plus drastique, lui laisser un peu moins le choix. Cinq... quatre... trois... deux... un... « TILDA ! » rugit-il empli d'une colère et d'une indignation qu'il contient en général plutôt bien. Elle ne peut en vouloir qu'à elle-même s'il est obligé de crier. Il a essayé de lui délivrer le message gentiment, mais elle a refusé de faire ce qu'il lui demandé. Ghika ne sait pas exactement si c'est à cause de la surprise, du choc ou d'autre chose, mais il a enfin réussi à croiser le regard perdu de Tilda. « Je ne sais pas quel genre d'ami tu crois que je suis. Mais si tu penses que je vais te laisser seule maintenant, tu te trompes. Tu veux pas parler. Très bien ! Mais ne t'attends pas à ce que je sorte de cette pièce tant que tu ne te seras pas calmée. » Les mots sont durs, il ne prend pas de gants. Il se moque royalement qu'elle soit en colère contre lui. Il est en colère contre elle. Mais il tient à cette petite italienne, alors même si elle l'avait traîné dans la boue, même si elle lui avait craché au visage, il se tiendrait à côté d'elle à cet instant. Parce que Ghika, il n'y a rien qu'il chérit plus que l'amitié sur le plan relationnel. « Et qu'on soit clair. C'est pas sujet à discussion. » déclare-t-il en reprenant sa place à côté d'elle. Appuyant son épaule à côté du crâne qu'il caressait une minute plus tôt. Si elle veut de son soutien, elle saura se manifester. Pour l'instant, aussi pénible que ce soit pour lui d'être désarmé par la situation, il reste assis, en silence, à côté d'elle, ses yeux inquiets plongés dans le visage de la belle jeune femme. Attendre, c'est tout ce qu'il peut faire.